Le SNPM fait le point sur la liberté de presse au Maroc : Quand les principes de l’Etat de droit sont bafoués


Narjis Rerhaye
Lundi 3 Mai 2010

Le SNPM fait le point sur la liberté de presse au Maroc : Quand les principes de l’Etat de droit sont bafoués
3 mai 2009-3 mai 2010. 12 mois se sont passés en matière de pratique journalistique mesurée à l’aune de la liberté de presse et du respect de la déontologie. 12 mois et une année scrutés, analysés et évalués par le Syndicat national de la liberté de presse, SNPM, qui a rendu public hier dimanche 2 mai à la veille de la Journée mondiale de la liberté de presse, son rapport annuel sur l’état de la liberté de presse en terre marocaine.
 L’exercice n’est pas simple et Younes Moujahid, le président du SNPM, est le premier à l’admettre. « Des classements, des évaluations catégoriques paraissent tous les ans sur la situation de la liberté de presse  au Maroc. Elles sont le fait d’ONG internationales qui regardent notre pays depuis une sorte de satellite. En tant que syndicat marocain, nous ne pouvions nous baser sur de tels rapports. Nous étions dans l’obligation morale d’établir des critères pour procéder à une telle évaluation. Ils vont du sécuritaire, à la bonne gouvernance en passant par la transparence, le droit à l’information en passant par la justice. Ces critères qui doivent être pris en considération dans leur globalité ont été établis lors d’une grande rencontre organisée par le SNPM, la Fédération internationale des journalistes, l’Union des journalistes arabes, avec l’aide d’experts de l’UNESCO dont certains sont à l’origine de la Journée mondiale de la liberté de presse ».
Cette année, le rapport du Syndicat national de la presse marocaine tente de répondre à une question essentielle. Le Maroc connaît-il des avancées ou, au contraire, un recul en matière de liberté de presse ? Difficile de répondre d’autant que les craintes de la structure syndicale des journalistes marocains ont fini par se confirmer. Les principes de l’Etat de droit, explique Y. Moujahid, n’ont pas été respectés et l’abus de pouvoir risque de se transformer en politique. Et dans les procès faits aux journalistes, les exemples des violations alimentent la chronique médiatique.  La fermeture des locaux de l’hebdomadaire « Akhbar Al Yaoum » en dehors de toute décision de justice ou encore l’arrestation du directeur d’Al Michaal, Driss Chahtane, dès la prononciation du verdict en première viennent en témoigner, donnant la forte impression que la justice accompagne aveuglément les pouvoirs publics dans cette « politique ». « Il est normal que les journalistes soient interrogés et qu’ils fassent l’objet de l’ouverture d’une enquête. Mais que l’interrogatoire devienne une forme d’arrestation au cours duquel le journaliste est coupé du monde extérieur, privé de nourriture, d’eau et parfois même de toilettes, cela relève de l’abus de pouvoir », dénonce le président du SNPM avant de rappeler que les journalistes marocains sont également victimes des violences policières lors des manifestations de rue. En toute impunité.
Les violations et les abus de pouvoir sont égrenés dans le menu détail, affaire après affaire, page après page. Mais le tableau est-il si noir en matière de liberté de  presse au Maroc ? Non, répond Younès Moujahid qui fait valoir ces marges de libertés qui s’élargissent et ces tabous qui tombent. 
« Au plus fort de la tension entre presse et pouvoirs publics, un journal a publié une interview de l’activiste sahraouie, Aminatou Haidar. Il n’y a eu ni saisie ni interdiction de la publication », rappelle-t-il.
Mais dans le même temps, de nouvelles lignes rouges surgissent presque sans prévenir. Les pouvoirs publics se dressent contre toute caricature du chef de l’Etat et de la famille Royale, tout sondage autour de la personnalité du Roi ou encore toute incursion dans la vie privée de la famille Royale. Ceux qui s’y sont essayés en ont payé le prix fort, entre saisie du numéro « délictueux » et procès. Au Syndicat national de la presse marocaine, ce sont des sujets à débat et la question est loin d’être tranchée.
Attention, l’Etat n’est pas seul au banc des accusés.  Les dérapages et les dérives professionnelles ne sont pas non plus occultés par le SNPM qui pointe le non respect de la déontologie et de la dignité des personnes. La question des financements opaques des journaux, favorisant l’émergence de groupes de pression incontrôlés, les monopoles, la crise de contenu des médias publics mais aussi la frilosité de la Haute autorité de la communication audiovisuelle sur fond d’un brouillard enveloppant la prolongation du mandat des Sages, sont autant de points analysés par le rapport annuel du Syndicat national de la presse marocaine.

Le Maroc, à la croisée des chemins

Dix ans après le nouveau règne, le Maroc est à la croisée des chemins. C’est l’une des principales conclusions de ce rapport dédié à une année d’exercice de la liberté de presse dans notre pays. Aujourd’hui plus que jamais, il y a besoin d’une feuille de route claire pour le renforcement de la démocratie et l’instauration de la liberté de presse. L’Etat, le gouvernement, les partis politiques doivent assumer leurs responsabilités, martèle Y. Moujahid.
Le dialogue national société et médias, inauguré il y a quelques mois par le Parlement, fait figure de « dernière chance ». « Toutes les questions, tous les problèmes qui se posent aujourd’hui aux médias et aux journalistes ont été évoqués  devant le Parlement. Comme pour tout dialogue, il n’y a pas de garantie que tout cela aboutisse. Il est essentiel de dépasser la situation de crise et la grâce de Driss Chahtane est un gage pour que ce dialogue national se poursuive dans de bonnes conditions. Une fois encore, nous réitérons notre demande de grâce de notre confrère emprisonné », conclut le président du Syndicat national de la presse marocaine.


La MAP, à contre-courant des orientations du pays

Le Maroc a-t-il avancé ou reculé en matière de liberté de presse ? Si au SNPM, on estime qu’il est difficile d’apporter une réponse tranchée à une telle question, on est par contre prompt à mettre en exergue la détérioration de la situation au sein de l’agence Maghreb Arabe Presse, MAP.
Le président du Syndicat national de la presse marocaine le dit sans ambages : l’agence de presse officielle symbolise à elle seule le retour en arrière des médias publics. « La MAP est loin de respecter sa mission de service public et fait preuve d’une partialité scandaleuse, sans parler de ses problèmes de bonne gouvernance, de gestion de l’information et de professionnalisme. Aujourd’hui, il est juste de dire que la MAP se situe à contre-courant des grandes orientations du pays », soutient un Y. Moujahid très en verve.


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