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La Constitution de 2011, perçue à son adoption comme une avancée démocratique majeure, confère pourtant à l’opposition les leviers nécessaires pour peser dans le jeu institutionnel. Encore faut-il en faire usage. Dans un tel contexte, oser la censure ne relève plus de la simple stratégie politique, mais devient un impératif démocratique et éthique.
1 – Une opposition morcelée : entre postures symboliques et ambitions contrariées
Les signes de fragmentation au sein de l’opposition sont manifestes. L’initiative conjointe du PPS, du MP et du PJD visant à créer une commission d’enquête parlementaire sur les importations controversées de moutons s’est heurtée à un obstacle de taille : l’incapacité à atteindre le quorum constitutionnel requis. L’adhésion de l’USFP, bien que symbolique, n’a pas suffi à inverser la tendance. Cet épisode a mis en lumière les limites d’une opposition désunie, peinant à constituer un front cohérent et déterminé, capable de rééquilibrer les rapports de force parlementaires.
2 – Le scandale des importations ovines : symptôme d’une crise politique plus profonde
L’affaire des têtes ovines importées en 2023 et 2024, subventionnées à coups de millions de dirhams à la veille de l’Aïd al-Adha, a cristallisé les critiques autour des priorités gouvernementales. Les tensions internes au sein de l’exécutif ont ravivé le débat sur la transparence, tout en soulignant l’absence d’un contre-pouvoir parlementaire efficace, capable de passer de la parole à l’action.
3 – La commission d’enquête : un outil constitutionnel verrouillé
L’article 67 de la Constitution exige le soutien d’un tiers des députés (132) pour initier une commission d’enquête. Or, l’opposition actuelle ne dispose que de 110 sièges. Cette réalité rend toute initiative dépendante d’un soutien venu de la majorité, notamment du parti de l’Istiqlal. Ce dernier se retrouve face à un dilemme stratégique : soutenir la transparence au risque d’ébranler la majorité ou rejeter l’initiative et assumer une posture de repli.
À titre de comparaison, les seuils exigés en Allemagne (25 %) ou en France (10 %) rendent l’outil beaucoup plus accessible. Le seuil marocain, à l’inverse, semble dissuasif, posant la question de la réelle volonté institutionnelle d’instaurer une culture de reddition des comptes.
4 – La motion de censure : un levier oublié ?
Contrairement aux commissions d’enquête, la motion de censure ne requiert que le soutien d’un cinquième des députés (soit 79), un seuil que l’opposition a déjà atteint. Pourtant, cet outil demeure lettre morte : seules deux tentatives ont été enregistrées depuis l’indépendance, en 1964 et en 1990, toutes deux infructueuses. Ce désintérêt traduit une forme de frilosité démocratique dans l’exercice du contrôle parlementaire.
Driss Lachguar n’a cessé d’appeler à la réhabilitation de cet instrument, en tant que levier de débat national structurant, bien au-delà des simples joutes oratoires. L’inaction actuelle, malgré des conditions réunies, témoigne d’une hésitation stratégique qui interroge la sincérité de l’opposition plurielle.
5 – L’USFP : vers une opposition active et structurée
Sous la conduite de Driss Lachguar, l’USFP s’attèle à conjuguer les attentes sociales à une stratégie politique crédible. En apposant sa signature à la demande de commission d’enquête, tout en soulignant les failles de cohésion de l’opposition, le parti affiche un positionnement lucide et résolument combatif.
L’USFP œuvre également à bâtir des passerelles avec les syndicats et les acteurs de la société civile, renouant ainsi avec son rôle d’opposant constructif dans un paysage politique trop souvent figé.
6 – Médias et opinion publique : les grands absents du contrôle parlementaire
Les médias publics, peu enclins à couvrir sérieusement les débats parlementaires, laissent un vide médiatique que les réseaux sociaux tentent de combler. La mobilisation numérique autour du prix des moutons en constitue une illustration frappante, révélatrice d’une exigence populaire de transparence.
Dans ce contexte, l’opposition se doit de réinventer sa communication politique. Elle gagnerait à exploiter les dynamiques du numérique pour relayer ses combats, expliquer ses positions, et retisser un lien de confiance avec les citoyens.
7 – Une crise structurelle avant d’être procédurale
La crise actuelle de l’opposition dépasse les contraintes techniques ou procédurales. Elle est d’abord structurelle, culturelle et stratégique. Elle tient à l’absence de vision commune, au manque de courage collectif et à l’incapacité de dépasser les logiques partisanes. Les citoyens attendent une opposition agissante, non de simples porte-voix institutionnels.
Trois scénarios peuvent se dessiner :
• Une montée en tension politique par le biais d’une motion de censure portée par un front élargi, comme l’a évoqué l’USFP en mars 2024.
• Une réforme de la Constitution, notamment de l’article 67, pour faciliter la mise en place de commissions d’enquête.
• Le maintien du statu quo, synonyme d’un fossé démocratique toujours plus profond entre institutions et citoyens.
8 – Pour une opposition efficace : les jalons d’une feuille de route
Pour retrouver sa légitimité, l’opposition doit s’engager dans une démarche proactive et concertée :
• Rédiger une déclaration commune d’engagements inter partisans, comme celle en cours d’élaboration à l’issue du débat organisé par HEM Casablanca avec les chefs des partis de l’opposition.
• Mettre en place des commissions d’experts internes pour formuler des propositions concrètes et réalistes.
• Organiser des forums citoyens à l’échelle régionale afin d’identifier les priorités politiques en lien avec les attentes du terrain.
• Déployer une stratégie numérique ambitieuse, avec des contenus clairs, engageants, pédagogiques et en temps réel.
9 – Une épreuve éthique autant que politique
L’opposition marocaine est aujourd’hui face à un moment de vérité : assumer son rôle ou s’enfermer dans une inertie coupable. La motion de censure, désormais à portée de main, représente bien plus qu’un simple outil de contestation : elle peut devenir le catalyseur d’un sursaut démocratique nécessaire.
Comme l’a si justement formulé Driss Lachguar : « Une opposition sincère ne redoute pas l’échec, elle redoute le silence. » Cette parole remet au cœur du débat la notion de devoir démocratique : la motion de censure n’est pas une arme de destruction, mais un instrument de clarification, un test de cohésion pour la majorité, et une opportunité de réhabiliter le débat politique.
L’opposition dispose aujourd’hui d’une chance historique de redevenir une force d’alternance crédible. Il lui revient de dépasser les querelles d’appareil, de saisir la dynamique portée par l’USFP et de faire enfin entendre la voix que la Constitution lui reconnaît.
Par Mohamed Assouali
Membre de la commission nationale d’arbitrage et d’éthique de l’USFP.