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Dans le discours officiel, le gouvernement met en avant que la fusion des deux caisses vise à instaurer une couverture médicale universelle, en l’élargissant aux populations les plus vulnérables et marginalisées, conformément à la vision de généralisation de la couverture sanitaire. Cette mesure est également perçue comme un moyen d’améliorer l’efficacité et la transparence dans la gestion des ressources humaines et financières, tout en simplifiant les procédures administratives pour offrir des services de meilleure qualité. Par ailleurs, le gouvernement considère la fusion comme une solution pour garantir la viabilité financière, en résorbant le déficit de la CNOPS et en consolidant ses ressources avec celles de la CNSS afin de préserver les réserves et d’assurer la continuité des services. L’unification des structures légales et organisationnelles des deux entités vise également à faciliter les processus administratifs et à renforcer l’intégration du système de protection sociale.
Malgré ces objectifs déclarés, le système de santé marocain fait face à des défis structurels majeurs, tels qu’un manque criant de ressources humaines et financières, ainsi qu’une infrastructure médicale et infirmière insuffisante, limitant ainsi sa capacité à répondre efficacement aux besoins des citoyens. De plus, les services de santé souffrent de carences en termes de couverture, de qualité et d’efficacité, ce qui aggrave la situation des populations les plus vulnérables. A cela s’ajoutent une mauvaise gestion des ressources et un déficit de gouvernance, qui ont un impact négatif sur la performance du réseau de soins préventifs et hospitaliers.
En conséquence, le projet de fusion a suscité une vive opposition de la part des syndicats professionnels, qui expriment leur inquiétude face à la possibilité de réduction des prestations et d’augmentation des charges financières pour les bénéficiaires, ainsi qu’à la perte de certains acquis sociaux. Les syndicats considèrent cette fusion comme une atteinte aux acquis sociaux, adoptée de manière unilatérale sans consultation ni dialogue social avec les parties prenantes. Ils dénoncent également la répétition des erreurs commises lors de réformes précédentes controversées, comme celle des régimes de retraite, qu’ils perçoivent comme une menace pour les droits des travailleurs dans ce qu’ils qualifient de tentative «capitaliste» de réduire les droits sociaux.
Les syndicats accusent également le gouvernement de céder à la pression des lobbys économiques, estimant que la fusion privilégie une approche financière au détriment des dimensions sociales et humaines. Ils expriment leurs préoccupations quant aux impacts possibles sur les libertés publiques, avertissant que cela pourrait restreindre la liberté d'expression et le droit de protester.
Par ailleurs, les bénéficiaires des services de la CNOPS craignent de perdre des droits acquis, avec notamment une augmentation des cotisations, une réduction du panier de soins et une diminution des taux de remboursement. Le sort de la prise en charge des maladies chroniques, qui était auparavant garantie, suscite des inquiétudes quant à l’impact de la fusion sur la qualité des services de santé.
Les défis financiers auxquels sont confrontées les deux caisses compliquent davantage la situation. La CNOPS souffre d’un déficit financier croissant, dépassant un milliard de dirhams, avec des réserves qui risquent d’être épuisées prochainement en raison de la hausse des coûts liés aux traitements des maladies chroniques et de l’augmentation du nombre de bénéficiaires retraités. De son côté, bien qu’elle affiche un certain équilibre financier, la CNSS est critiquée pour la lenteur de traitement des dossiers médicaux et des remboursements aux bénéficiaires, ainsi que pour les défis liés à l’élargissement de la base des bénéficiaires et à la durabilité des services.
Dans ce contexte, plusieurs questions fondamentales émergent concernant le processus de fusion :
Quel rôle l’Etat peut-il jouer pour garantir les soins de santé et une protection sociale tout en maintenant une économie de marché ? Comment comprendre la fusion CNOPS-CNSS comme une partie des efforts du gouvernement visant à renforcer la justice sociale et à trouver un équilibre entre la liberté individuelle et la responsabilité sociale ?
Comment peut-on assurer une transition fluide dans le transfert des attributions de la CNOPS vers la CNSS sans impacter la qualité des services offerts aux bénéficiaires ? Quels sont les mécanismes nécessaires pour activer la coordination avec les mutuelles et garantir la continuité des services durant la période de transition?
La CNSS pourra-t-elle intégrer et unifier tous les régimes d’assurance maladie existants tout en répondant aux besoins de toutes les catégories sociales ? Comment les nouvelles réformes, comme l’élargissement de la couverture médicale et la suppression de l’assurance spécifique aux étudiants, affecteront-elles les bénéficiaires actuels et la capacité du système à assurer sa viabilité ?
La fusion représente-t-elle une véritable réforme visant à améliorer la gouvernance et la qualité des services, ou bien une tentative de combler le déficit financier d’un des deux fonds en utilisant les ressources de l’autre ? Quels seront les critères adoptés pour évaluer le succès de la fusion et garantir la justice sociale ainsi que la généralisation de la couverture médicale aux citoyens ?
En réponse à ces questions, les observateurs du secteur de l’assurance maladie estiment que la réforme entreprise par l’Etat fait face à de nombreuses critiques en raison de son inadéquation avec les exigences du terrain, pour plusieurs raisons, notamment :
Absence de planification globale : La réforme manque d’un plan clair pour traiter les défis administratifs et organisationnels, rendant la fusion mal préparée et susceptible de compliquer davantage la situation au lieu d’offrir des solutions efficaces.
Aggravation des crises financières : La fusion des ressources des deux caisses pour résoudre le déficit financier constitue une solution superficielle, car elle ne s’attaque pas aux causes profondes du déficit, telles que la mauvaise gestion des ressources et l’augmentation des dépenses de santé, en particulier celles liées aux maladies chroniques.
Impact négatif sur la qualité des services : Au lieu d’améliorer la qualité des soins de santé, la fusion risque de provoquer une détérioration des services en raison d’un manque de coordination adéquate entre les deux caisses et des difficultés à gérer les dossiers communs.
Non prise en compte des catégories vulnérables : La réforme ne propose pas de solutions concrètes pour élargir la couverture médicale aux travailleurs des secteurs informels, laissant ces catégories sans protection sociale suffisante.
Faiblesse des infrastructures numériques et des ressources humaines : Les promesses du gouvernement de moderniser les systèmes numériques et de former des compétences humaines restent abstraites, entravant une mise en œuvre efficace des réformes.
A la lumière de ces raisons, les observateurs considèrent que la réforme adoptée par l’Etat ne répond pas aux ambitions espérées. Elle nécessite une révision complète pour traiter les défis structurels et financiers de manière fondamentale, avec l’élaboration de stratégies garantissant la durabilité et l’équité dans la distribution des services.
Les enjeux de la réforme du système d’assurance maladie : Des objectifs ambitieux face à une réalité complexe dans le contexte de la Fusion de la CNSS et de la CNOPS
Les enjeux de la réforme du système d’assurance maladie révèlent une contradiction entre des objectifs ambitieux et une réalité complexe, reflétant les défis majeurs auxquels ce projet est confronté au Maroc. D’un côté, les efforts visent à bâtir un système de santé universel et durable garantissant la justice sociale et offrant une protection sanitaire à tous les citoyens. De l’autre, les obstacles structurels et organisationnels risquent de compromettre ces ambitions.
Les réformes se heurtent à de nombreux défis, notamment un manque de planification rigoureuse et une absence de coordination entre les parties concernées, ainsi que la persistance de crises financières et administratives au sein des deux institutions impliquées. L’écart entre la vision théorique de la réforme et sa faisabilité pratique se creuse en raison des faiblesses en matière de gouvernance et de transparence, ce qui complique encore davantage la situation.
La fusion des deux institutions ne constitue pas uniquement une démarche administrative, mais reflète des enjeux plus vastes liés à la restructuration du système de protection sociale dans son ensemble. Cependant, des inquiétudes persistent quant à la possibilité que cette fusion aggrave les crises existantes si elle n’est pas accompagnée d’une réforme globale abordant les défis structurels et organisationnels.
Le décalage entre les objectifs ambitieux de la fusion et la réalité marquée par de nombreuses complexités soulève des questions quant à la capacité du système actuel à répondre à ces ambitions sans aggraver les problèmes existants. Atteindre ces objectifs nécessite une vision réformatrice claire, à même de surmonter les contraintes structurelles et organisationnelles, tout en garantissant la durabilité et l’équité du système de santé.
Analyse des alternatives possibles à la fusion CNOPS-CNSS
Au lieu de procéder à la fusion des deux caisses, le gouvernement pourrait envisager des alternatives pragmatiques qui permettraient d’atteindre les objectifs de la réforme tout en préservant l’autonomie des deux institutions et en respectant les orientations Royales en matière d’Etat social et de protection sociale. Certaines alternatives pourraient être envisagées notamment via :
1. L’amélioration des mécanismes de gestion des ressources financières et Humaines, et la Mise en place de systèmes de contrôle stricts pour assurer transparence et redevabilité
Renforcer la gouvernance financière et administrative nécessite l’optimisation de la gestion des ressources via le développement de mécanismes efficaces pour une utilisation optimale des ressources humaines et financières. Il s’agit de mettre en œuvre des plans stratégiques clairs pour éviter le gaspillage des ressources.
De plus, des systèmes de contrôle stricts doivent être instaurés pour garantir la transparence des opérations et permettre une évaluation périodique des performances afin d'améliorer l'efficacité et de garantir les résultats escomptés.
Une plateforme commune pourrait être créée pour organiser le travail entre les deux caisses et éviter le chevauchement des missions, tout en renforçant la complémentarité sans opter pour une fusion complète. Cela assurerait la continuité du travail de manière efficace et contribuerait à l'atteinte des objectifs communs.
2. L’amélioration de la qualité des services de santé, l’investissement dans les infrastructures et la formation des ressources humaines
Pour améliorer la qualité des services, il est nécessaire d’investir davantage dans les infrastructures de santé en allouant des budgets suffisants pour moderniser et équiper les établissements de santé, notamment dans les zones reculées, afin de garantir des services équitables pour tous les citoyens.
Parallèlement, le développement des compétences des ressources humaines dans le secteur de la santé est essentiel. Cela pourrait se faire à travers les programmes de formation spécialisés visant à renforcer les compétences du personnel médical et administratif, ce qui se traduirait par une meilleure qualité des services.
La numérisation des systèmes représente également un axe clé, car elle facilite l’accès aux services, accélère les procédures et améliore l’efficacité de la gestion des ressources, renforçant ainsi la durabilité et l’intégration du système de santé.
3. La Réforme structurelle et la résolution des problèmes administratifs et financiers des deux caisses de manière indépendante
Pour résoudre les déficits financiers, il est crucial de mettre en œuvre des plans visant à rééquilibrer les finances des deux caisses, notamment en révisant le système de cotisations et en élargissant la base des contributeurs tout en préservant les acquis sociaux pour garantir un soutien continu aux bénéficiaires.
L’amélioration de la structure administrative est également une priorité. Chaque caisse devrait résoudre ses propres lacunes administratives pour assurer une meilleure durabilité financière et administrative, tout en augmentant l’efficacité opérationnelle.
De plus, il est important de maintenir une spécialisation pour chaque caisse, en renforçant leurs responsabilités et domaines d’intervention respectifs. Des mécanismes clairs de coordination pour les dossiers communs pourraient être établis afin d’éviter les chevauchements et d’atteindre les objectifs de la réforme de manière efficace et durable.
4. La mise en place d’un système d’intégration entre les deux Caisses
Au lieu d’une fusion complète, un système d’intégration pourrait être instauré pour relier la CNSS et la CNOPS via des mécanismes d’action unifiés. Ce système améliorerait la coordination entre les deux institutions tout en préservant leur autonomie, garantissant ainsi la continuité des services tout en réduisant les chevauchements de fonctions et en augmentant l’efficacité.
En outre, la coopération régionale pourrait être renforcée en coordonnant les efforts entre les différentes régions pour garantir une prestation de services de santé équitable et équilibrée à l’échelle nationale. Cette approche contribuerait à réduire les disparités géographiques et à améliorer l’accès aux services, soutenant ainsi la réalisation de la justice sociale dans le domaine de la santé.
En conclusion
Au lieu d’une fusion complète entre la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS), une approche réformiste progressive pourrait être adoptée, mettant l’accent sur le traitement des défis administratifs et financiers de chaque caisse de manière indépendante. Cette approche permettrait d’améliorer la coordination et l’intégration entre les deux institutions sans courir le risque d’ajouter de nouveaux défis liés à une fusion totale mal réfléchie. L’objectif est d’assurer une durabilité financière et administrative tout en préservant les acquis sociaux et en améliorant la qualité des services.
La fusion, en elle-même, n’est pas suffisante pour relever les défis liés à l’efficacité administrative et financière. Une mauvaise gestion persistante conduit à un gaspillage des ressources et à une augmentation des dépenses, en particulier celles associées aux maladies chroniques, ce qui accentue la pression sur le système de santé et menace sa viabilité. Pour une réforme efficace, il est impératif de se concentrer sur l’amélioration de la gestion des ressources, le développement des méthodes de gestion financière, et l’investissement dans le renforcement des infrastructures de santé et des services, plutôt que de se contenter de changements superficiels.
Par ailleurs, le système de santé souffre d’un manque de couverture d’assurance maladie, notamment pour les travailleurs du secteur informel, ainsi que de disparités dans la qualité des services entre le secteur public et le secteur privé, sans oublier les difficultés d’accès aux soins dans les zones rurales. Ces défis nécessitent des solutions globales garantissant l’équité dans les soins de santé.
Notre réflexion met en lumière des enjeux cruciaux concernant la transition vers un système d’assurance maladie intégré, un défi de taille qui nécessite une approche globale et méthodique pour garantir son succès. La réussite de cette réforme repose avant tout sur une planification stratégique rigoureuse. Il est indispensable d’élaborer une feuille de route claire comprenant des étapes mesurables et réalistes, tout en impliquant les parties prenantes clés, telles que les professionnels de santé, les syndicats et les citoyens, afin d’anticiper les éventuels obstacles et d’assurer une adhésion collective. Un cadre de suivi et d’évaluation doit également être mis en place pour surveiller les progrès, identifier les lacunes et ajuster les mesures en conséquence.
Le renforcement des infrastructures constitue un autre pilier fondamental pour garantir l’efficacité et l’équité du système. La modernisation des hôpitaux et des centres de santé est essentielle pour accueillir une population élargie d’assurés et offrir des soins de qualité. Par ailleurs, le développement d’outils numériques performants peut faciliter substantiellement la gestion administrative des dossiers, réduisant ainsi les délais de traitement et améliorant l’expérience des bénéficiaires. Un investissement ciblé dans les zones rurales, où les infrastructures restent souvent insuffisantes, est également primordial pour réduire les disparités régionales et garantir une couverture universelle effective.
La gouvernance représente un autre levier essentiel pour la durabilité de cette réforme. Une gouvernance transparente et efficace implique une clarification des rôles et responsabilités des institutions concernées, notamment la CNSS, la CNOPS et le ministère de la Santé. Parallèlement, des mécanismes de contrôle rigoureux doivent être mis en place pour prévenir la corruption et les abus. Une communication régulière et accessible avec le public est également cruciale pour renforcer la confiance dans le système, tout en garantissant une transparence totale sur les progrès réalisés.
Le développement des compétences humaines est une condition sine qua non pour accompagner cette réforme. Il est impératif d’investir dans une formation continue pour les gestionnaires et les personnels de santé, afin qu’ils puissent s’adapter aux nouvelles exigences du système intégré. L’augmentation des effectifs est également essentielle pour répondre aux besoins croissants, notamment dans les régions éloignées où les ressources humaines sont souvent insuffisantes. Des incitations attractives doivent être mises en place pour attirer et retenir les talents dans le secteur public, garantissant ainsi une main-d'œuvre qualifiée et motivée.
La nomination hâtive d’un responsable de la CNSS soulève en elle-même plus d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses. Une réforme de cette envergure ne peut être réduite à des solutions simplistes ou superficielles, comme la personnalisation des problèmes ou des annonces symboliques déconnectées des réalités structurelles. Ce n’est pas la personne du directeur, mais bien la structure et la vision globale du système qui détermineront la réussite ou l’échec de la transition.
Enfin, les réformes doivent être alignées sur les orientations Royales, notamment le programme ambitieux de généralisation de la protection sociale. Cette transition représente une opportunité unique pour réduire les inégalités et intégrer les populations les plus vulnérables dans un système équitable. Pour ce faire, il est essentiel de proposer des solutions concrètes et réalisables, telles que la création d’un comité indépendant chargé de superviser la transition, l’allocation de fonds dédiés à la formation et aux infrastructures, ainsi que la mise en place d’une plateforme numérique unique pour centraliser la gestion de l’assurance maladie.
Par MOHAMED ASSOUALI
Membre de la commission nationale d’arbitrage et d’éthique de l’USFP.