Elections et légitimité démocratique Vers une mobilisation citoyenne renforcée


Mohamed Assouali
Mardi 18 Mars 2025

Elections et légitimité démocratique Vers une mobilisation citoyenne renforcée
Les élections constituent le baromètre fondamental de la légitimité démocratique d’un Etat, reflétant à la fois le niveau de confiance des citoyens envers leurs institutions et la capacité des partis politiques à mobiliser l’opinion publique. Au Maroc, à l’approche des élections législatives de 2026, la question de la participation électorale s’impose comme un enjeu central, d’autant plus que les taux de mobilisation observés lors des précédents scrutins ont souvent été fluctuants.

En 2021, 50,35% des électeurs se sont déplacés aux urnes, une progression par rapport aux scrutins antérieurs, mais qui demeure insuffisante pour asseoir une démocratie pleinement représentative. Ce constat met en lumière une réalité préoccupante : malgré des efforts législatifs et organisationnels, une partie significative de la population continue de se détourner des urnes. Pourquoi ce désintérêt persistant? Comment les partis politiques, en particulier l’Union socialiste des forces populaires (USFP), peuvent-ils transformer cette frustration en engagement électoral et réconcilier les citoyens avec le processus démocratique ?
 
Participation électorale : Les défis d’un système en quête de légitimité
 
La mobilisation des électeurs en 2026 dépendra de plusieurs facteurs, au premier rang desquels figure l’alternance constante entre espoir et désillusion. La confiance populaire, déjà ébranlée par des promesses politiques non tenues, risque d’être davantage fragilisée par un climat socio-économique marqué par l’inflation galopante, la montée du chômage, la dégradation des services sociaux et l’absence d’un dialogue structuré entre le gouvernement et les citoyens. Dans ce contexte, la frustration collective se traduira-t-elle par un vote sanction, exprimant un rejet des politiques en place, ou bien par une abstention accrue, symptôme d’un désengagement croissant vis-à-vis d’un système politique perçu comme déconnecté des réalités quotidiennes ?

Dès lors, la réponse des partis d’opposition sera déterminante. Parviendront-ils à capter cette colère en proposant des alternatives crédibles et en restaurant la confiance dans le processus démocratique, ou bien le gouvernement, à travers des réformes partielles et un discours axé sur la stabilité, réussira-t-il à apaiser la contestation et à limiter l’érosion du soutien populaire ? Dans cette configuration incertaine, le principal défi pour les acteurs politiques sera de convaincre une population oscillante entre défiance et résignation et de redonner au vote son rôle fondamental d’outil de transformation sociale.
 
 
Crise de confiance : Entre promesses politiques et réalités sociales
 
Le vote ne se limite pas à un simple exercice civique : il est avant tout un acte de confiance envers le système et ses institutions. Une forte participation renforce la légitimité du gouvernement, tandis qu’un faible taux de mobilisation affaiblit la crédibilité des décisions publiques et nourrit un cycle de désillusion. Or, un nombre croissant de Marocains doutent de l’impact réel de leur vote, une méfiance alimentée par plusieurs facteurs :

•     Des promesses électorales non tenues, générant un sentiment de trahison et une distance grandissante entre les citoyens et leurs représentants.
•     L’absence de réponses concrètes aux crises majeures, notamment la flambée des prix, le manque d’emplois, la détérioration des infrastructures de santé et d’éducation.
•     Un système partisan perçu comme fermé et déconnecté, avec des élites politiques qui peinent à répondre aux aspirations profondes de la population.
Face à ce constat, le défi est double : il s’agit non seulement de réconcilier la population avec la politique, mais aussi de redonner au vote son pouvoir de transformation en démontrant concrètement son impact sur la vie quotidienne des citoyens.
 
Mobiliser la jeunesse et les femmes : De l’abstention à l’action
 
Les jeunes et les femmes forment une force électorale déterminante, pourtant leur taux de participation demeure faible, illustrant un désintérêt qui s’explique par des freins multiples.
-      Les jeunes : Entre désillusion et absence d’engagement

Les jeunes Marocains incarnent un paradoxe électoral : ils sont parmi les plus critiques du système politique, mais également les moins impliqués dans le processus électoral. Ce désengagement repose sur plusieurs facteurs, notamment un manque de confiance envers un système perçu comme immobile et inefficace, incapable d’apporter des réponses concrètes aux enjeux du chômage, de l’accès au logement, de l’entrepreneuriat et des libertés individuelles.

A cela s’ajoute une déconnexion persistante entre les partis politiques et les préoccupations réelles de la jeunesse, qui se traduit par un débat public souvent perçu comme inaccessible, éloigné des attentes et privé de propositions crédibles. Enfin, des obstacles administratifs et logistiques, tels que la complexité des procédures d’inscription et de vote, freinent particulièrement les primo-votants et alimentent un cycle d’abstention.

Pour inverser cette tendance, plusieurs solutions s’imposent :
•     Lancer des campagnes de sensibilisation ciblées, exploitant les réseaux sociaux et mobilisant des influenceurs engagés pour rapprocher les jeunes des enjeux électoraux.
•     Introduire le vote électronique, afin de simplifier l’accès aux urnes et d’adapter le processus électoral aux usages numériques de la jeunesse.
•     Installer des bureaux de vote dans les universités et les lieux de travail, permettant une participation plus fluide et adaptée aux contraintes de la vie active.
-      Les femmes : Une participation sous contraintes

Malgré des avancées législatives renforçant la présence féminine en politique, la participation des femmes aux élections reste inférieure aux attentes, freinée par des barrières culturelles, sociales et économiques. La persistance de normes traditionnelles limite encore l’engagement politique des femmes, tandis que leur représentation au sein des partis demeure marginale malgré les quotas électoraux. De plus, les inégalités économiques pèsent sur leur capacité à s’impliquer activement en politique, la précarité financière et les responsabilités domestiques rendant souvent la participation électorale secondaire face aux impératifs du quotidien.

Pour remédier à ces inégalités, plusieurs mesures peuvent être mises en place :
•     Développer des programmes de formation et d’encadrement, via les organisations féminines des partis, pour accompagner les femmes dans leur engagement politique.
•     Mettre en avant des figures féminines engagées, afin de créer des modèles inspirants et normaliser la participation des femmes aux affaires publiques.
•     Faciliter l’inscription et l’accès au vote, notamment en zones rurales, en mettant en place des dispositifs d’accompagnement spécifiques.
 
Elections et intégrité : Un levier incontournable pour une démocratie renouvelée (Inter Titre)
 
Le Maroc se trouve à un moment décisif pour faire des élections un pilier de légitimité démocratique, en plaçant l’inclusion et la transparence au cœur du processus. Cette transformation passe par une modernisation profonde du système électoral, notamment via l’intégration des nouvelles technologies (vote électronique, plateformes de suivi en temps réel), pour simplifier l’accès aux urnes et éliminer les barrières bureaucratiques qui découragent les citoyens.

L’enjeu central reste de réconcilier l’urne avec le quotidien des Marocains: en ancrant les campagnes électorales dans des propositions concrètes (création d’emplois, accès aux soins, éducation), les partis peuvent démontrer que le vote se traduit par des améliorations tangibles. Dans cette dynamique, la jeunesse et les femmes, forces vives de la nation, doivent occuper une place centrale, non seulement comme électeurs, mais aussi comme acteurs clés de l’élaboration des politiques publiques.

Parallèlement, la crédibilité des urnes exige une lutte sans compromis contre les dérives (achat de voix, clientélisme), à travers un contrôle indépendant et des sanctions dissuasives. Ce n’est qu’à ce prix que les élections redeviendront un outil de renouveau démocratique, incarnant une citoyenneté engagée et une gouvernance redevable.

Ainsi repensé, le scrutin pourrait incarner bien plus qu’un rituel institutionnel : un véritable pacte de confiance entre l’État et une société en quête de justice et d’équité.

Par Mohamed Assouali
Membre de la Commission nationale d’arbitrage et d’éthique de l’USF


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