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Albert Arnold Gore Jr. dit Al Gore, ex-vice-président des Etats-Unis, avait parfaitement résumé la situation actuelle. Dans son célèbre documentaire “Une vérité qui dérange”, il avait comparé l’humanité à une grenouille en 3D. En la plongeant dans de l’eau bouillante, la grenouille s’est échappée sans plus tarder. En revanche, quand elle a été plongée dans de l’eau tiède sur un feu doux, elle y est restée. Quand l’eau fut à ébullition, la grenouille a sauté là aussi, mais il était trop tard. Elle s’était déjà brûlée.
Cette métaphore peut bien évidemment faire sourire. Mais elle dit tout de la situation actuelle. Sur le modèle de la crise sanitaire, les scientifiques ont beau alerter l’humanité sur la menace et les dangers, on semble malgré tout réagir trop tard. Si 2020 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée au Maroc, on ne s’en est pas vraiment rendu compte. Peut-être a-t-on pris l’habitude comme la grenouille d’une vérité qui dérange. Une hypothèse crédible, d’autant que les précédents records annuels de chaleurs ont été enregistrés en 2010 et 2017.
Trois records en moins de 10 ans, ce n’est clairement pas le fruit du hasard. Le dernier en date, soit en 2020, prend pour indicateur la ville de Fès, qui a connu deux nouveaux records de température maximale mensuelle de 23,78°C en février et de 40,4°C en juillet, dépassant les anciens records respectivement de 2,24°C et de 2,15°C. A Mohammedia également, un nouveau record de la température minimale mensuelle de 22,28°C, a été relevé en février. Un scénario “prévu” et qui risque encore de se répéter, comme nous l’explique dans l’interview ci-après, l’ingénieur Mohammed Benabbou, expert en climat et développement durable.
C.C
Libé : Après 2010 et 2017, 2020 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée au Maroc. Etes-vous surpris ou cela était prévisible ?
Mohammed Benabbou : Ce scénario était prévu. Ce sont des situations climatiques qui se répètent à chaque fois. Ces années ont été très chaudes à cause des températures enregistrées dans plusieurs villes surtout à Fès, Marrakech et Ouarzazate. Il faut aussi signaler que depuis le début du 20ème siècle, le Maroc a enregistré une augmentation de sa température moyenne annuelle de l’ordre de +1,4°C par rapport à la normale climatologique sur la période 1981-2010, par contre la planète bleue a gagné une température de +1,2°C depuis 1850. Ce réchauffement, observé sur l’ensemble du territoire marocain, est particulièrement marqué sur les 30 dernières années, avec une hausse de +0,42°C/décennie en moyenne depuis 1990. Cela signifie que le changement climatique se manifeste déjà au Maroc, avec un climat plus chaud et sec et une extension vers le Nord du pays des zones arides à semi-arides, au détriment des zones semi-humides.
Va-t-on devoir s'habituer à des épisodes de chaleur de plus en plus longs et de plus en plus fréquents ?
Bien sûr, il faut s’habituer à de tels scénarios climatiques. Mais le grand impact sera l’augmentation des niveaux de mer dont plusieurs villes marocaines seront touchées. Casablanca par exemple sera la ville la plus touchée par ce phénomène. A cause de ce scénario climatique, le Maroc est également susceptible de connaître une augmentation de la sécheresse et des inondations dans certaines régions, ainsi que d'autres risques liés au climat. Les ressources en eau seront de plus en plus sollicitées dans tout le pays et les températures plus chaudes devraient accélérer le taux d'évapotranspiration.
2020 fut classée parmi les quatre années les plus sèches depuis 1981. Le cumul pluviométrique important enregistré en 2021 peut-il atténuer les effets de la sécheresse de 2020 ?
Par ailleurs, le cumul pluviométrique annuel a enregistré un déficit sur tout le Maroc en 2020, dépassant les 50% au Nord de Marrakech et sur les régions de Souss-Massa et Anti-Atlas, alors qu’il n’a quasiment pas plu sur les provinces du Sud. Par la suite, cette année est ainsi classée parmi les quatre années les plus sèches depuis 1981 : sur la saison agricole de septembre 2019 à août 2020, le déficit pluviométrique était aux alentours des -33%, impactant la production céréalière nationale qui a connu une baisse de -39% par rapport à la campagne 2018-2019 et de -57% en comparaison avec une année moyenne depuis 2008. Par contre cette année, les précipitations généralisées que connaît le Royaume depuis fin novembre 2020 jusqu’au 20 avril 2021 ont nettement amélioré la situation des principaux barrages nationaux et les retenues actuelles ont enregistré un taux de remplissage de 51,5% en dépassant les réserves enregistrées à la même période de l’an passé, plus de 8294.74 millions de m3. Depuis les premières pluies, fin novembre 2020, les principaux barrages nationaux ont gagné 2,3 milliards de m3 d’eau, au 21 avril 2021, les retenues ont atteint environ 8,3 MMm3, soit un taux de remplissage de 51,5%, contre 36,5% (5,7 MMm3) au 23 novembre 2020, avant les premières précipitations. Ce taux dépasse ainsi celui enregistré à la même période de l’an passé, qui était de l’ordre 48.65% (7,6 MMm3). Certains barrages sont même remplis à plus de 100% et sont en débordement naturel. Après deux années successives de sécheresse, les agriculteurs et les citoyens sont enfin soulagés, et cette situation peut atténuer les situations précédentes de sécheresse.
Les multiples climats qui caractérisent le Maroc sont-ils un atout ou plutôt un inconvénient par rapport au réchauffement climatique ?
En tant que pays d’Afrique du Nord qui se situe entre deux zones climatiques, tempérée au Nord, tropicale au Sud, le Maroc se distingue par quatre types de climat: climat humide, climat subhumide, climat semi-aride et climat aride. Les climatologues confirment que les changements climatiques vont affecter directement les quatre modèles climatiques du Maroc. Des observations qui ont été réalisées sur les dernières décennies attestent de la progression du climat semi-aride vers le Nord du pays. Durant la période 1961- 2008, le réchauffement varie entre +0,1°C par décennie sur l’extrême Nord, 0,3°C par décennie sur la région atlantique, à l’exception d’Essaouira et 0,4°C par décennie en montagne, notamment dans la région du Sud de l’Atlas. Le meilleur scénario prévoit une hausse des températures moyennes annuelles, par rapport à la période 1967- 2005, de 1 à 1,5°C à l’horizon 2100, sur l’ensemble du Maroc. Aujourd’hui, nous en sommes à + 1.4 °C. Dans un scénario pessimiste, on assisterait à une hausse des températures sur l’ensemble du pays à l’horizon 2100 qui oscillerait entre 5 et 7°C dans les régions du Sud-Est de la chaîne de l’Atlas, entre 4 et 5°C dans les régions méditerranéennes, les régions atlantiques ainsi que le centre du pays et entre 3 et 4°C dans les provinces sahariennes. En bref, les changements climatiques sont devenus une réalité et il faut agir et passer à la vitesse supérieure pour atténuer ses effets.
Cette métaphore peut bien évidemment faire sourire. Mais elle dit tout de la situation actuelle. Sur le modèle de la crise sanitaire, les scientifiques ont beau alerter l’humanité sur la menace et les dangers, on semble malgré tout réagir trop tard. Si 2020 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée au Maroc, on ne s’en est pas vraiment rendu compte. Peut-être a-t-on pris l’habitude comme la grenouille d’une vérité qui dérange. Une hypothèse crédible, d’autant que les précédents records annuels de chaleurs ont été enregistrés en 2010 et 2017.
Trois records en moins de 10 ans, ce n’est clairement pas le fruit du hasard. Le dernier en date, soit en 2020, prend pour indicateur la ville de Fès, qui a connu deux nouveaux records de température maximale mensuelle de 23,78°C en février et de 40,4°C en juillet, dépassant les anciens records respectivement de 2,24°C et de 2,15°C. A Mohammedia également, un nouveau record de la température minimale mensuelle de 22,28°C, a été relevé en février. Un scénario “prévu” et qui risque encore de se répéter, comme nous l’explique dans l’interview ci-après, l’ingénieur Mohammed Benabbou, expert en climat et développement durable.
C.C
Libé : Après 2010 et 2017, 2020 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée au Maroc. Etes-vous surpris ou cela était prévisible ?
Mohammed Benabbou : Ce scénario était prévu. Ce sont des situations climatiques qui se répètent à chaque fois. Ces années ont été très chaudes à cause des températures enregistrées dans plusieurs villes surtout à Fès, Marrakech et Ouarzazate. Il faut aussi signaler que depuis le début du 20ème siècle, le Maroc a enregistré une augmentation de sa température moyenne annuelle de l’ordre de +1,4°C par rapport à la normale climatologique sur la période 1981-2010, par contre la planète bleue a gagné une température de +1,2°C depuis 1850. Ce réchauffement, observé sur l’ensemble du territoire marocain, est particulièrement marqué sur les 30 dernières années, avec une hausse de +0,42°C/décennie en moyenne depuis 1990. Cela signifie que le changement climatique se manifeste déjà au Maroc, avec un climat plus chaud et sec et une extension vers le Nord du pays des zones arides à semi-arides, au détriment des zones semi-humides.
Va-t-on devoir s'habituer à des épisodes de chaleur de plus en plus longs et de plus en plus fréquents ?
Bien sûr, il faut s’habituer à de tels scénarios climatiques. Mais le grand impact sera l’augmentation des niveaux de mer dont plusieurs villes marocaines seront touchées. Casablanca par exemple sera la ville la plus touchée par ce phénomène. A cause de ce scénario climatique, le Maroc est également susceptible de connaître une augmentation de la sécheresse et des inondations dans certaines régions, ainsi que d'autres risques liés au climat. Les ressources en eau seront de plus en plus sollicitées dans tout le pays et les températures plus chaudes devraient accélérer le taux d'évapotranspiration.
2020 fut classée parmi les quatre années les plus sèches depuis 1981. Le cumul pluviométrique important enregistré en 2021 peut-il atténuer les effets de la sécheresse de 2020 ?
Par ailleurs, le cumul pluviométrique annuel a enregistré un déficit sur tout le Maroc en 2020, dépassant les 50% au Nord de Marrakech et sur les régions de Souss-Massa et Anti-Atlas, alors qu’il n’a quasiment pas plu sur les provinces du Sud. Par la suite, cette année est ainsi classée parmi les quatre années les plus sèches depuis 1981 : sur la saison agricole de septembre 2019 à août 2020, le déficit pluviométrique était aux alentours des -33%, impactant la production céréalière nationale qui a connu une baisse de -39% par rapport à la campagne 2018-2019 et de -57% en comparaison avec une année moyenne depuis 2008. Par contre cette année, les précipitations généralisées que connaît le Royaume depuis fin novembre 2020 jusqu’au 20 avril 2021 ont nettement amélioré la situation des principaux barrages nationaux et les retenues actuelles ont enregistré un taux de remplissage de 51,5% en dépassant les réserves enregistrées à la même période de l’an passé, plus de 8294.74 millions de m3. Depuis les premières pluies, fin novembre 2020, les principaux barrages nationaux ont gagné 2,3 milliards de m3 d’eau, au 21 avril 2021, les retenues ont atteint environ 8,3 MMm3, soit un taux de remplissage de 51,5%, contre 36,5% (5,7 MMm3) au 23 novembre 2020, avant les premières précipitations. Ce taux dépasse ainsi celui enregistré à la même période de l’an passé, qui était de l’ordre 48.65% (7,6 MMm3). Certains barrages sont même remplis à plus de 100% et sont en débordement naturel. Après deux années successives de sécheresse, les agriculteurs et les citoyens sont enfin soulagés, et cette situation peut atténuer les situations précédentes de sécheresse.
Les multiples climats qui caractérisent le Maroc sont-ils un atout ou plutôt un inconvénient par rapport au réchauffement climatique ?
En tant que pays d’Afrique du Nord qui se situe entre deux zones climatiques, tempérée au Nord, tropicale au Sud, le Maroc se distingue par quatre types de climat: climat humide, climat subhumide, climat semi-aride et climat aride. Les climatologues confirment que les changements climatiques vont affecter directement les quatre modèles climatiques du Maroc. Des observations qui ont été réalisées sur les dernières décennies attestent de la progression du climat semi-aride vers le Nord du pays. Durant la période 1961- 2008, le réchauffement varie entre +0,1°C par décennie sur l’extrême Nord, 0,3°C par décennie sur la région atlantique, à l’exception d’Essaouira et 0,4°C par décennie en montagne, notamment dans la région du Sud de l’Atlas. Le meilleur scénario prévoit une hausse des températures moyennes annuelles, par rapport à la période 1967- 2005, de 1 à 1,5°C à l’horizon 2100, sur l’ensemble du Maroc. Aujourd’hui, nous en sommes à + 1.4 °C. Dans un scénario pessimiste, on assisterait à une hausse des températures sur l’ensemble du pays à l’horizon 2100 qui oscillerait entre 5 et 7°C dans les régions du Sud-Est de la chaîne de l’Atlas, entre 4 et 5°C dans les régions méditerranéennes, les régions atlantiques ainsi que le centre du pays et entre 3 et 4°C dans les provinces sahariennes. En bref, les changements climatiques sont devenus une réalité et il faut agir et passer à la vitesse supérieure pour atténuer ses effets.