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"Ces derniers jours il n'y a pas eu d'eau du tout", déplore cette habitante de Kirdassa, un village à la périphérie du Caire, à 10 km à peine des rives du Nil.
"Je me lève généralement vers 5 heures du matin, parce qu'à partir de 7 heures il n'y a plus aucune chance d'avoir de l'eau", raconte-t-elle.
Son docteur lui a formellement déconseillé de faire des efforts, alors pas question d'aller au fleuve chercher de l'eau. De toute façon elle ne serait pas potable.
"Alors je stocke l'eau comme je peux et la rationne", raconte-t-elle.
Pour d'innombrables Egyptiens comme Tahani, vivre dans la vallée d'un des plus importants fleuves du monde ne signifie pas que l'eau coule à flots à la maison, au contraire.
"Cela fait quatre jours que nous n'avons pas d'eau. On peut s'y faire, mais ce n'est pas une vie. Nous payons nos factures, mais où est l'eau?", se lamente elle aussi Mona, une de ses voisines.
Dans la région de Daqahliya, dans le Delta du Nil, "grenier" de l'Egypte depuis l'Antiquité, des paysans ont manifesté récemment pour dénoncer le manque d'eau potable et l'impossibilité d'arroser leurs cultures.
La bataille engagée par plusieurs pays de l'amont du fleuve -Kenya, Tanzanie, Ethiopie, Rwanda, Ethiopie- pour revoir à leur avantage un traité de 1929 sur l'utilisation du Nil accordant la part du lion à l'Egypte a ravivé les craintes des Egyptiens.
Mais cette crise diplomatique qui fait les gros titres de la presse égyptienne a peu de rapport avec les difficultés quotidiennes qui touchent déjà une grande partie de la population, soulignent des spécialistes.
Priorité donnée à l'irrigation, réchauffement climatique qui augmente l'évaporation, canalisations défectueuses, gaspillages ont depuis longtemps une lourde responsabilité.
La forte croissance démographique -la population de 80 millions de personnes augmente d'environ 1,5 million chaque année- aggrave le problème dans ce pays qui tire du Nil 90% de ses besoins en eau.
Pour Hosni Khordagui, du Programme des Nations-unies pour le développement (PNUD) au Caire, le nombre d'Egyptiens vivant en dessous du "seuil de pauvreté en eau" risque d'augmenter de manière exponentielle.
"Le problème, c'est que 85% de l'eau tirée du Nil va à l'irrigation, et qu'il est difficile de changer cela parce que l'agriculture est une source de revenus importante", souligne-t-il.
Il y soixante ans, le Nil fournissait une moyenne de 2.600 mètres cubes d'eau par an et par habitant. En 2025, ce chiffre pourrait descendre à 500 m3, souligne-t-il.
Pour Habib Ayeh, géographe et chercheur à l'université américaine du Caire (AUC), le Nil est "largement suffisant"pour les besoins de la population égyptienne actuelle, et les difficultés n'ont rien à voir avec les revendications des pays africains de l'amont.
"Le problème principal réside dans la distribution de l'eau, dans son usage, et dans l'égalité de l'accès à une eau saine", déclare-t-il, en estimant qu'un Egyptien sur quatre n'a aujourd'hui pas accès à l'eau potable.
Plus on s'éloigne des rives du Nil et moins on a de chances d'avoir de l'eau propre à la consommation, parce que l'essentiel est utilisé, notamment pour l'agriculture, avant d'arriver au robinet final.
"On pourrait résumer le problème ainsi", estime-t-il: "Les gens n'ont pas d'eau à boire en Egypte, et dans le même temps le pays exporte des fraises en décembre".