Une caravane de la réconciliation dédiée à Fadma Ouharfou

Mémoire et réparation pour ne jamais oublier


Narjis Rerhaye
Lundi 30 Mars 2009

Une caravane de la réconciliation dédiée à Fadma Ouharfou
Le témoignage de sa sœur avait bouleversé les Marocains. C'était le 2 février 2005, à Errachidia lors de l'une des auditions publiques de l'Instance Equité et Réconciliation. Aïcha Ouharfou avait raconté, en amazigh, le calvaire de toute une famille, la sienne. Une famille entière livrée à l'injustice et à l'arbitraire. Aïcha d'abord, enlevée en même temps que sa mère et ses frères et sœurs de Goulmima lors des événements de mars 1973 ; son père condamné à mort  par le tribunal militaire de Kénitra et fusillé le 27 août 1974.
Et puis, il y avait sa sœur, Fadma Ouharfou, victime de la disparition forcée à Agdez. Arrachée aux siens, Fadma Ouharfou est morte, dans d'atroces souffrances, dans le secret de ce bagne de sinistre mémoire, sans jamais savoir pourquoi elle a été privée de liberté dans la plus grande des illégalités. En février 2005, et par la grâce de ces auditions publiques organisées par la Commission Vérité marocaine, le récit de l'horreur par la famille de Fadma a aussi été un formidable exercice de catharsis collective.
Et au bout de la longue nuit de l'arbitraire, les souffrances de Fadma Ouharfou, sa disparition, son décès sont aujourd'hui le témoignage d'une réconciliation. Une caravane de la réconciliation dédiée à la mémoire de Fadma a quitté Errachidia pour arriver à Rabat ce lundi 30 mars. Le projet d'une réconciliation qui s'est interdit d'effacer les stigmates de la torture et de l'indicible a été d'abord porté par l'Instance Equité et Réconciliation. « Parce qu'il fallait reconnaître le rôle des femmes dans la justice transitionnelle et aussi parce que les années de plomb ont également une histoire au féminin. On ne le dit pas assez, les Marocaines ont eu leur part d'enfer en matière de violations graves des droits humains et d'exactions », explique cet ancien membre de l'IER.
C'est cette histoire au féminin que les recommandations finales de la Commission Vérité que présidait le défunt Driss Benzekri ont tenu à restituer en intégrant l'approche genre dans le traitement des années de plomb. Au nom d'une justice transitionnelle qui ne saurait être sans la moitié de la société et d'une réparation communautaire qui n'aurait pas de sens sans les mères, les épouses, les sœurs, les filles. C'est pour donner corps à cette volonté forte de rendre justice aux femmes de ce pays et à leur combat pour la liberté, la démocratie et le respect des droits humains que le Conseil consultatif des droits de l'Homme, en charge du suivi des recommandations de l'IER, et le  Fonds de développement des Nations Unies pour la femme, UNIFEM, se sont  investis dans le projet de la sauvegarde de la mémoire et réconciliation des femmes de Sountate à la mémoire de Fadma Ouharfou.
C'est donc dans  le village natal de Fadma Ouharfou,  Ksar Sountate, dans la région d'Imilchil, que la réconciliation passe par la réparation communautaire faite aux femmes et aux petites filles de cette petite localité de la commune de Bouzmou, oubliée de tous, et surtout de tous les plans de développement. Ici, la promotion de la femme est au cœur du projet. Alphabétisation et  formation  sont les maîtres mots pour que ces femmes ne soient plus condamnées à la précarité. La scolarisation des petites filles de Ksar Sountate est au cœur de la mobilisation et d'un projet, celui de « la sauvegarde de la mémoire et réconciliation des femmes de Sountate », à la démarche résolument participative en impliquant les acteurs locaux de la commune. Un programme d'alphabétisation ou encore la création d'un foyer pour les filles d'Imilchil ont ainsi été rendus possibles par une telle dynamique
Formation, alphabétisation et scolarisation, mais pas seulement, car il s'agit d'abord et avant tout de réconcilier et de ne pas oublier. La réconciliation prône des valeurs, du respect des droits humains en passant par ceux des femmes,  et il est essentiel de les répandre. Le devoir de mémoire est  primordial, nécessaire, utile. A Sountate et dans la région d'Imilchil, l'histoire de Fadma Ouharfou, la disparue d'Agdez, est racontée aux jeunes générations. Les enfants doivent savoir que ce pays revient de loin et que les droits et acquis ont été arrachés de haute lutte.
Ce lundi matin 30 mars, la caravane de la réconciliation Fadma Ouharfou arrive à Rabat, au siège du Conseil consultatif des droits de l'Homme. Ceux et celles de la caravane effectueront des visites au Centre de documentation, d'information et de formation des droits de l'Homme, au Fonds de développement des Nations Unies pour la femme et enfin au Comité de scolarisation des filles rurales. C'est toujours beau un pays qui se réconcilie avec sa société…


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