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"Il n'est pas question que nous bougions d'ici", lance Mony Govender, une vendeuse de légumes membre de la forte communauté indienne de Durban, en équilibrant un sac de dix kilos de choux sur la tête d'une cliente.
"Nous vendons des produits pour deux rands (0,02 euros), nous permettons à tout le monde de vivre ici, les Noirs, les Indiens, même les mendiants", poursuit-elle.
La solide marchande d'une cinquantaine d'années, un bindi (marque du 3e oeil) sur le front, s'interrompt pour peser des piments sur sa balance à plateaux. Au-dessus d'elle, un panneau exhorte: "Sauvons le marché. Non aux délocalisations forcées".
"Dans un centre commercial, de tels prix sont impossibles", reprend-elle, mettant le doigt sur l'enjeu de ce combat, celui d'une Afrique du Sud aux inégalités croissantes qui cherche à présenter un visage résolument moderne pour la Coupe du monde (11 juin/11 juillet).
Depuis février 2009, la municipalité veut déloger les marchands de l'Early Morning Market, le "marché du petit matin". Ceux-ci ont rétorqué en déposant un recours pour interdire la démolition des halles.
Très fréquenté, le quartier abrite aussi des gares de taxis collectifs.
Plus de 6.000 personnes font leurs courses au marché chaque jour, avant de rentrer chez eux dans un de ces minibus à la conduite aléatoire. Les accidents sont fréquents.
"Cette zone est très dangereuse. Notre devoir est de remédier à cette situation", justifie Philip Sithole, responsable du projet de modernisation de 400 millions de rands (40 millions d'euros).
"Il y a beaucoup de lieux chargés d'histoire en Afrique du Sud, cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas développer ces endroits", répond-il aux accusations de destruction du patrimoine historique.
A côté du stade flambant neuf où se jouera une demi-finale, des routes rénovées et de l'aéroport international construit spécialement pour accueillir les 100.000 touristes attendus pour les sept rencontres du Mondial à Durban, la vision chaotique du marché populaire détonne.
Les stands de légumes à même le sol voisinent avec des cages où des poules caquètent. Sur un pont inachevé, des marchands de remèdes traditionnels proposent peaux de serpent, os de girafe et racines rares.
Partout dans le pays, des centres commerciaux ultra-modernes et sécurisés sont érigés, inaccessibles à la majorité d'une population dont 43% vit avec moins de deux dollars par jour.
"Il y a déjà huit centres commerciaux autour de nous. Pourquoi en construire encore un?", interroge Vinesh Singh, un des porte-parole de l'association des vendeurs de l'Early Morning Market.
Et désignant ses employés qui empilent des sacs d'oignons, il souligne: "Si on ferme le marché, qui va nous employer? Nous ne connaissons pas les ordinateurs. Nous employons des gens ici, c'est tout ce qu'ils savent faire." Romila Chetty, elle, se souvient de juin 2009, lorsque "la police est venue nous demander de partir". "Ils ont tiré à balles de caoutchouc", rappelle la marchande de bonbons. "Plusieurs vendeurs ont été blessés".
Un incident qui n'a en rien entamé la résolution des commerçants. "Nous allons nous battre", promet Mony Govender.