Respectons la déontologie


Ahmed SAAIDI
Samedi 17 Octobre 2009

La nouvelle est tombée comme un couperet. Le directeur de l'hebdomadaire « Al Michâal », Idriss Chahtane, a été condamné  jeudi à un an de prison ferme et à une amende de 10.000 DH par Le tribunal de première instance de Rabat qui a également décidé sa mise sous écrou conformément aux dispositions de l'article 392 du Code de procédure pénale. La même juridiction a, par ailleurs, prononcé des peines de trois mois de prison ferme à l'encontre des journalistes  Rachid Mhamid et Mustapha Hirane, assorties d'amendes de 5.000 DH chacun.
Faisant partie du long chapelet de condamnations qui ont égrené la vie des publications de presse depuis l’aube du XXIème siècle, ces jugements rappellent que le ver est dans le fruit depuis fort longtemps même si personne ne s’en émeut outre mesure et que nul ne veut prendre le taureau par les cornes.  
Quelques remarques préliminaires s’imposent à nous à ce propos.
Partout dans le monde, il existe des lois pour réprimer les délits d’expression. Il y a existence aussi de chartes déontologiques qui définissent les droits et les devoirs des journalistes et d’autres documents qui délimitent les responsabilités de leurs employeurs.
Au Maroc, il n’en est rien. Ou presque.
Sous couvert de la défense de la liberté de la presse, l’amalgame entre ces deux catégories socioprofessionnelles a été, en effet, intentionnellement cultivé.
Aussi, devons-nous rappeler que les procès intentés à la presse depuis l’an 2000 l’ont été contre des écrits commandités ou dûment signés par des patrons de presse. Qu’en conclure, si ce n’est que la pratique professionnelle a été tellement pervertie qu’il y a actuellement une telle prolifération de titres que cela tarit, à vue d’œil, les sources de financement d’un secteur qui reflète certes nos ambitions communes à davantage de démocratie, de liberté et de progrès, mais dont le modèle économique est actuellement en perte de vitesse partout à travers le monde.
De cette situation, tous les intervenants sont responsables. Y compris le syndicat des journalistes. L’Etat est certes interpellé davantage dans le cas d’espèce. C’est, en fait, lui qui donne « agrément » à n’importe qui de faire n’importe quoi dans le plus total irrespect des lois sur la Constitution et le fonctionnement des sociétés anonymes ou à responsabilité limitée. Il participe également au pourrissement de la situation en permettant à des instituts de faire accroire aux jeunes que des enseignants qui ont la licence peuvent les former et leur délivrer des peaux d’âne qui équivalent au master.
Outre qu’il a toujours été très peu regardant sur le respect par les journaux et autres périodiques nationaux des lois sociales en vigueur, l’Etat porte aussi la responsabilité dans ce qui est advenu de la presse nationale. En effet, il fait mine de ne pas savoir que des journaux existent dans notre pays depuis l’aube du siècle dernier, que des journalistes d’antan avaient intégré dans leur pratique quotidienne les dispositions de la Charte des devoirs professionnels des journalistes telle qu’elle avait été formulée dès 1918 et que d’autres continuent à respecter celles de la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes qui a été adoptée en 1971 à Munich, par diverses organisations internationales de journalistes.
De fait, n’importe quel journaliste qui aurait été formé aux rudiments de base de l’exercice professionnel et qui aurait respecté les principes déontologiques les plus élémentaires aurait su que pour prendre le contre-pied d’une information avérée ou officielle, il ne peut recourir qu’à une source du même acabit, sinon il tomberait dans le travers des supputations, des allégations et, parfois, de la diffamation. Et là, il ne s’agit plus de journalisme, mais de tout à fait autre chose.


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1.Posté par Hassan le 19/10/2009 13:46
Vous osez écrire dans cette tribune :

"De fait, n’importe quel journaliste qui aurait été formé aux rudiments de base de l’exercice professionnel et qui aurait respecté les principes déontologiques les plus élémentaires aurait su que pour prendre le contre-pied d’une information avérée ou officielle, il ne peut recourir qu’à une source du même acabit, sinon il tomberait dans le travers des supputations, des allégations et, parfois, de la diffamation."

En ce qui concerne le cas d'Al Michaal, objet de cette tribune, restons objectifs :

-le communiqué officiel sur la maladie de SM le Roi Mohammed VI parle "d'infection à rotavirus" sans plus de précisions.

-quelle source "du même acabit", comme vous dites, permettrait de comprendre ce qu'est cette mystérieuse "infection à rotavirus" ? S'agissant d'un cas médical, je ne vois pas le mal d'interroger un médecin !!!

-de ce point de vue, les choses sont claires, il ne s'agit pas de "supputations" : "l'infection à rotavirus" (diarrhée aiguë pour faire simple) ne touche en principe QUE LES ENFANTS. Chez les adultes, cela est dû soit à une allergie, soit à une immuno-déficience. Point barre. N'importe quel médecin vous le dira. Dans ce cas précis, les journalistes d'Al Michaal ont fait leur boulot. Pas vous. Ils sont condamnés à la prison pour ça. Pas vous. Alors de grâce, en plus ne les enfoncez pas comme ça. C'est honteux.

2.Posté par Ahmed Saâïdi Secrétaire Général Libération le 23/10/2009 10:19
En fait, quand on a un communiqué signé par un médecin qui donne son nom et sa fonction, on ne peut en expliquer le contenu ou le commenter qu’en citant nommément le nom d’un autre praticien. Le journaliste n’étant pas spécialiste de tout, il recourt à des experts et pour que leurs dires soient pris au sérieux, il les cite nommément en mettant des guillemets. C’est le ba ba du métier et je regrette que les personnes qui ont écrit sur Al Michaâl ne l’aient pas fait. A moins qu’ils n’aient pas fait d’études de journalisme, ils ne semblent pas au courant des rudiments et des dispositions légales régissant notre métier. N’est pas médecin qui veut, comme n’est pas journaliste toute personne qui écrit sur les colonnes d’un journal.

Dommage. Et je regrette ce qui leur est arrivé.

3.Posté par Rachid le 23/10/2009 23:43
Je ne suis pas d'accord vec vous M. Saaidi. Un des principes de déonthologie de journalisme est de douter de tout, et surtout de l'information de source publique. Dans le cas de Al Machaal deux questions seposent: avait-il raison sur la cause de la maladie du roi? ou n'a t-il pas le droit de discuter la maladie du roi? On peut se tromper, mais on corrige, est ça aussi fait partie du métier. Il y'a le droit de réponse et de correction aussi. Mais un an de prison pour un article sur la santé du roi, je pense que c'est une grave violation de la liberté de la presse. Je crois qu'à la fin toute la presse marocaine va payer un jour le prix de la non solidarité entre confrères journalistes. Salutations, Rachid est un pseudonyme,

4.Posté par jigoud le 24/10/2009 14:32
@ Ahmed Saâidi:

J'apprécie personnellement votre réponse au post de Mr Hassan.C'est un début qu'il faut instituer et approfondir pour contrecarrerer les impulsions insensées de priver les autres au droit de parole. Cela a fait de gros dégâts dans votre boîte. De toute façon c'est , effectivement, mieux qu'une censure bête et stérile .Sachez que vous ne pouvez faire avancer la cause de la presse dans notre pays en agissant avec le faux sentiment de se croire les seuls à avoir des choses à dire sur le chapitre des valeurs à défendre et à redynamiser.

5.Posté par poliis le 26/10/2009 19:13
Je suis entirèrement d'accord avec le contenu de cette tribune : le journalisme a des régles professionnelles, morales et légales! Si elles ne sont pas respectées, nous passons à autre chose!

Douter de tout certainement, mais en journalisme le doute n'est pas seulement intellectuel! Surtout quand il s'agit de faits : sans preuves, sans recoupements, un article n'est que "papel mojado" comme disent les espagnols, c'est à dire "papier mouillé" pour rester poli!

Les unes de AL MICHAAL que j'ai eu l'occasion de voir ne me donnent pas à penser qu'il s'agisse d'un "journal" dans le sens noble du terme!

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