Faisant partie du long chapelet de condamnations qui ont égrené la vie des publications de presse depuis l’aube du XXIème siècle, ces jugements rappellent que le ver est dans le fruit depuis fort longtemps même si personne ne s’en émeut outre mesure et que nul ne veut prendre le taureau par les cornes.
Quelques remarques préliminaires s’imposent à nous à ce propos.
Partout dans le monde, il existe des lois pour réprimer les délits d’expression. Il y a existence aussi de chartes déontologiques qui définissent les droits et les devoirs des journalistes et d’autres documents qui délimitent les responsabilités de leurs employeurs.
Au Maroc, il n’en est rien. Ou presque.
Sous couvert de la défense de la liberté de la presse, l’amalgame entre ces deux catégories socioprofessionnelles a été, en effet, intentionnellement cultivé.
Aussi, devons-nous rappeler que les procès intentés à la presse depuis l’an 2000 l’ont été contre des écrits commandités ou dûment signés par des patrons de presse. Qu’en conclure, si ce n’est que la pratique professionnelle a été tellement pervertie qu’il y a actuellement une telle prolifération de titres que cela tarit, à vue d’œil, les sources de financement d’un secteur qui reflète certes nos ambitions communes à davantage de démocratie, de liberté et de progrès, mais dont le modèle économique est actuellement en perte de vitesse partout à travers le monde.
De cette situation, tous les intervenants sont responsables. Y compris le syndicat des journalistes. L’Etat est certes interpellé davantage dans le cas d’espèce. C’est, en fait, lui qui donne « agrément » à n’importe qui de faire n’importe quoi dans le plus total irrespect des lois sur la Constitution et le fonctionnement des sociétés anonymes ou à responsabilité limitée. Il participe également au pourrissement de la situation en permettant à des instituts de faire accroire aux jeunes que des enseignants qui ont la licence peuvent les former et leur délivrer des peaux d’âne qui équivalent au master.
Outre qu’il a toujours été très peu regardant sur le respect par les journaux et autres périodiques nationaux des lois sociales en vigueur, l’Etat porte aussi la responsabilité dans ce qui est advenu de la presse nationale. En effet, il fait mine de ne pas savoir que des journaux existent dans notre pays depuis l’aube du siècle dernier, que des journalistes d’antan avaient intégré dans leur pratique quotidienne les dispositions de la Charte des devoirs professionnels des journalistes telle qu’elle avait été formulée dès 1918 et que d’autres continuent à respecter celles de la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes qui a été adoptée en 1971 à Munich, par diverses organisations internationales de journalistes.
De fait, n’importe quel journaliste qui aurait été formé aux rudiments de base de l’exercice professionnel et qui aurait respecté les principes déontologiques les plus élémentaires aurait su que pour prendre le contre-pied d’une information avérée ou officielle, il ne peut recourir qu’à une source du même acabit, sinon il tomberait dans le travers des supputations, des allégations et, parfois, de la diffamation. Et là, il ne s’agit plus de journalisme, mais de tout à fait autre chose.