Prévisions budgétaires : Pourquoi le taux de réalisation est-il si bas ?


Par Mehdi Alaoui Mhammedi *
Mercredi 13 Janvier 2016

La réforme de l’administration publique venait toujours en tête de liste des préoccupations des pouvoirs publics après l’indépendance. De nos jours, certains pays de la région MENA ont subi des changements aux niveaux politique et socioéconomique ; par conséquent, ils ont suscité au Maroc le retour en force des débats sur la réforme administrative et territoriale, et la nécessité d’adopter de nouveaux principes de gestion tels que la transparence, la responsabilisation et l’implication de la société civile dans le processus de développement. En effet, les progrès réalisés sur le terrain aux niveaux réglementaire et législatif ne doivent pas masquer les nombreuses lacunes qui ralentissent le processus de développement.
Au cours des années 2000, des idées nouvelles de réformes ont fait leur apparition, et des mesures énergiques ont été décidées, la charte communale de 2002 et la loi 17-08 de 2009 ont été les événements les plus marquants, qui ont donné un nouvel élan à la gestion locale. Les instruments à la disposition des élus et des fonctionnaires ont connu à leur tour des changements considérables, ces modifications ont inséré de nouveaux modes de gestion et des éléments notables ont été appliqués quant au processus de passation des marchés publics. De même, un nouveau cadre qui régit le processus d’élaboration du budget a été mis en place à travers la loi (n°45-08) relative à l’organisation des finances des collectivités locales et de leurs groupements dont l’objectif est d’intégrer les notions de transparence, d’efficacité et d’efficience dans la gestion des affaires locales. Au  niveau local, le développement n’a pas encore pris sa vitesse de croisière, les villes marocaines affichent une série de dérèglements et les répercussions des dizaines d’années de dysfonctionnements surgissent. En effet, le citoyen marocain avait l’habitude d’entendre dire que les collectivités locales qui sont à présent chargées du développement local n’ont pas assez de moyens financiers. En revanche, autant de rapports et d’études confirment le contraire et constatent l’existence de disponibilités non utilisées dépassant la barre des 20 millions de dirhams en 2013. Dans ce contexte actuel marqué par la réduction et la rationalisation des dépenses, il serait très intéressant de s’interroger sur les problèmes qui influencent le processus de budgétisation dans les structures communales marocaines.
A travers une recherche exploratoire qui a porté sur un échantillon présentant  des profils variés à savoir des élus locaux, des fonctionnaires communaux, des enseignants-chercheurs, ainsi que le tissu associatif impliqué à travers trois associations. Ces écarts sont  expliqués par la qualité des ressources humaines à la disposition des structures communales, avec un sureffectif très important (Cour des comptes, 2013), qui alourdit les dépenses de fonctionnement et qui complique la gestion de ses structures. Les communes affichent de multiples dysfonctionnements à ce niveau : mauvaise répartition des ressources humaines, manque important en matière de formation, absence d’adéquation entre profil et poste, des élus locaux analphabètes plus particulièrement dans les communes rurales (Cour des comptes, 2013). Le rapport annuel de la Cour des comptes (2013) soulève une situation financière très critique des communes au Maroc : la commune marocaine est très dépendante du pouvoir central, le taux de dépendance avoisine les 44% dans le cas des communes urbaines et 70% pour les communes rurales. A cela s’ajoute, l’entrave de la lourdeur bureaucratique, car les décisions du conseil communal n’entrent en application qu’après l’approbation du ministère de tutelle. Afin d’améliorer l’efficience de la dépense publique, le redressement de la situation passe nécessairement par trois points essentiels : la responsabilisation des acteurs. En effet, la Constitution de 2011 a introduit le principe de la reddition des comptes qui va permettre d’améliorer la qualité d’intervention des élus et des fonctionnaires locaux, et assurer à long terme le passage progressif d’une comptabilité quantitative à une comptabilité qualitative (Atelier national : reddition des comptes et gouvernance territoriale au Maroc). Sur la base d’une enquête menée par une association active dans le domaine, le besoin de formation des élus locaux et des fonctionnaires communaux est impératif. Ces besoins ont été observés et formulés dans la majorité des communes, le plan de formation pourra concerner des disciplines liées directement à la gouvernance économique, à la gestion financière et administrative des communes ainsi qu’à la gestion des marchés publics. La mobilisation des ressources dans les collectivités locales vient en troisième position. En effet, l’objectif sera dans un premier temps de mobiliser les efforts des différents partenaires afin de récupérer les différentes ressources financières non encore recouvrées.
Dans ce contexte, revoir les méthodes de contrôle traditionnelles est urgent. En effet, elles n’ont guère de place puisqu’elles sont de moins en moins opérantes ; elles ne sont plus efficientes et suscitent un retard important dans le recouvrement des recettes et l’exécution des investissements. A présent, de nouvelles méthodes doivent voir le jour à l’instar de l’intégration des citoyens dans la gestion des affaires locales, la mise en place des dispositifs d’audits interne et externe et d’évaluation.

 * Etudiant chercheur en master 2
à l'Institut de management public et de gouvernance territoriale
à l'Université d'Aix - Marseille


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