Mgr Nicodème Barrigah, président de la commission togolaise de Vérité, justice et réconciliation


Propos recueillis par M.E
Vendredi 1 Février 2013

Mgr Nicodème Barrigah, président de la commission togolaise de Vérité, justice et réconciliation
Libé: Quand avez-vous pris connaissance de l’expérience marocaine?

Nicodème Barrigah: J’étais venu en 2010 au Maroc, avec l’objectif de m’imprégner de l’expérience marocaine en matière de justice transitionnelle. On s’était arrêté sur plusieurs aspects du processus, notamment ce qui a trait aux réformes et réparations, bien avant la nouvelle Constitution. Il existe, en fait, des similitudes entre nos deux pays, même si le nôtre est républicain alors que le vôtre est monarchique. Il s’agit de cette approche adoptée et consistant à réaliser des ruptures dans la continuité. On voulait donc savoir comment le Maroc a pu concevoir et réaliser cette justice transitionnelle.

Quel est le bilan de la CCJR du Togo ?

La commission a été fondée en 2009. Nous avons remis le premier rapport le 3 avril 2012. Dans ce rapport, nous avons formulé 68 recommandations, avec le schéma suivant : 1 - le respect des droits humains; 2- la réforme institutionnelle; 3- la vie en société (impunité, parité, égalité). Nous avons élaboré pratiquement  35 recommandations sur la réparation individuelle, collective et symbolique.

Comment le processus s’est-il présenté ?

Nous avons examiné le dossier des détenus, qui compte un peu plus de 22 mille cas, dont un peu de tout : assassinats politiques, détention arbitraire, disparition … Sur ce chiffre, 8000 ont fait l’objet d’une étude approfondie pour les soumettre aux audiences publiques.
Ces dernières ont été de quatre types : 1- audiences publiques avec la présence du public et journalistes; 2- audiences in caméra, qui se déroulent à huis clos; 3- des audiences privées qui se déroulent secrètement; 4- audiences spéciales, notamment avec les grands officiers, comme dans le cas du grand officier de l’armée qui a demandé pardon au nom de tout le corps militaire.

Quelle était la réaction de l’Etat ?

Après la remise du rapport, le président togolais s’est engagé à publier un livre blanc dans lequel le gouvernement publiera les modalités de mise en œuvre des recommandations. Il va d’ailleurs créer une institution à cet effet. Le président a également créé un fonds dédié à la réparation et au dédommagement…

Pensez-vous que vos recommandations trouveront le chemin de la mise en œuvre ?

Tout dépend de la volonté politique. Il y a certainement des aspects qui peuvent être réalisés rapidement, mais d’autres auront bien évidemment besoin de temps. L’objectif étant d’aboutir à un Etat de droit. Les recommandations visent la réalisation d’une alternance apaisée.

Ressentez-vous déjà un impact de cette commission ?

Il y a plusieurs niveaux dans ce contexte. Le rapport représente l’aspiration populaire et contient les éléments susceptibles d’apporter le changement. Nous avons déjà réussi à calmer les esprits et à attémuer les tensions. Les choses ne sont pas entrées dans l’ordre, mais on est sur le chemin de le faire.


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