Liberté provisoire refusée à Naciri, Bioui & co. Gros chefs d’inculpations pour gros bonnets


Mehdi Ouassat
Dimanche 26 Mai 2024

La salle 8 de la Cour d’appel de Casablanca était particulièrement animée, jeudi, avec une affluence importante. Avocats, journalistes et membres des familles des accusés se sont pressés en nombre pour assister à l’ouverture du très attendu procès impliquant Abdenbi Bioui, président de la région de l’Oriental et Saïd Naciri, président du Conseil préfectoral de Casablanca et ex-patron du Wydad, aux côtés de 26 autres accusés. Cette affaire, désormais connue sous le nom «d’Escobar du Sahara», promet de faire les gros titres tout au long de l’année.

Audience reportée et liberté provisoire refusée

Dès 11h30, les principaux accusés ont fait leur entrée dans l’enceinte judiciaire, entourés de leurs avocats et sous le regard attentif des médias. Le procès présidé par le juge Ali Torchi devait initialement débuter ce jour-là, mais suite à une demande de la défense, l’audience a été reportée au 13 juin prochain, dans le but d’obtenir, selon les avocats, plus de temps pour examiner le dossier et préparer les plaidoiries.

La séance a été marquée par l’exercice classique des avocats en représentation des accusés, suivi des demandes de liberté provisoire. Le premier avocat à intervenir en ce sens assistait Salima Belhachmi, notaire à Oujda, accusée d’avoir participé à la falsification de documents. Lesquels auraient servi de support à la cession, au profit d’Abdenbi Bioui, de biens immobiliers appartenant à El Hadj Benbrahim. Ce dernier n’est autre que le baron de la drogue qui a fait éclater cette affaire au grand jour et qui est actuellement incarcéré au Maroc après avoir été condamné à dix ans de réclusion.

«La dame est notaire. Elle a une adresse fixe et n'a pas d’antécédent judiciaire», a souligné son avocat, Me Elhouari Ater, réclamant une mise en liberté provisoire, en contrepartie d'une caution. Il a également évoqué l'état de santé de sa cliente, atteinte d'un cancer, et dont l’état se serait détérioré faute de soins adéquats depuis son arrestation.  

L’avocat d’Abdenbi Bioui, Me Hassani Karrout, a insisté sur le statut de chef d’entreprise de son client, fondateur de Bioui Travaux, une société employant des milliers de personnes et responsable d’importants marchés publics. «Il dirige une grande société qui emploie de nombreuses personnes et qui se charge d'importants marchés publics», a rappelé l’avocat, ajoutant que la détention de Bioui pourrait menacer la pérennité de son entreprise et l’emploi de ses nombreux salariés. Versant une jurisprudence à l'appui de sa demande, Me Karrout a plaidé que son client ne représente aucun danger et pourrait être poursuivi en état de liberté.

L’avocat de Saïd Naciri a, quant à lui, rappelé les «garanties de présence» de son client, affirmant que ce dernier n'a jamais manqué une convocation de la police judiciaire au cours de l'enquête préliminaire. «Saïd Naciri a un domicile stable, une famille et un poste public. Il dispose de toutes les garanties. Sa poursuite en état de liberté n'impactera aucunement la suite de la procédure», a argumenté le plaideur, demandant la libération provisoire de son client, également contre une caution.

Malgré ces plaidoyers, le représentant du ministère public, répliquant à la défense, a requis le refus de toutes les demandes de liberté provisoire, en évoquant la gravité des accusations. La Cour, qui a décidé de suivre la position du ministère public, a rejeté toutes les demandes de mise en liberté provisoire, laissant les accusés en détention préventive en attendant la suite du procès.

Gros chefs d’inculpations

Abdenbi Bioui et Saïd Naciri, ainsi que les 26 autres accusés, sont poursuivis pour de multiples faits graves. Abdenbi Bioui doit répondre de charges telles que «faux en écriture publique», «extorsion par contrainte», «complicité dans la falsification de registres publics», «corruption», et «facilitation de l’entrée et de la sortie clandestine de personnes du territoire marocain». De son côté, Saïd Naciri fait face, entre autres, à des accusations de «faux en écriture publique», « escroquerie », «trafic d’influence», et «participation à une entente en vue de la détention, le transport, l'exportation et la commercialisation de stupéfiants».

Si ces accusations sont très graves puisqu’elles impliquent des activités criminelles allant de la falsification de documents officiels à la participation à un réseau international de trafic de drogue, l’implication de personnalités publiques de premier plan ajoutent une dimension particulièrement sensible à cette affaire.

Que risquent les accusés dans ce procès hautement médiatisé ?

La présence massive d’une trentaine d’avocats, ainsi que des familles des accusés et de nombreux journalistes, a transformé l’ouverture du procès en un événement très médiatisé. L’affaire a, en effet, attiré une attention particulière en raison des personnalités impliquées. D’aucuns comparant même certains des accusés à des figures notoires du crime organisé, tel le tristement célèbre Pablo Escobar.

Que risquent les accusés ? La question, bien que légitime, demeure encore prématurée, étant donné que les intéressés bénéficient de la présomption d'innocence jusqu'à ce qu'une décision judiciaire définitive soit rendue. Cependant, les chefs d'accusation soulevés par le juge d'instruction permettent d'envisager théoriquement les peines encourues, en se référant aux dispositions légales en vigueur.

Il est important de rappeler que, conformément au droit pénal marocain, les peines ne sont pas cumulables. Ainsi, en cas de concours de plusieurs crimes ou délits relevant de la même juridiction, une seule peine privative de liberté est prononcée, dont la durée ne peut excéder le maximum prévu par la loi pour l'infraction la plus grave, comme le stipule l'article 120 du code pénal (10 à 20 ans d’emprisonnement dans les cas de Naciri et Bioui). Cette disposition légale est essentielle à prendre en compte dans l'évaluation des conséquences judiciaires potentielles pour les accusés dans cette affaire complexe.

Implications politiques

L’affaire a éclaté le 21 décembre 2023, lorsqu’une enquête préliminaire de la Brigade nationale de la police judiciaire a permis de démanteler un réseau présumé de trafic international de stupéfiants. Ce jour-là, 28 personnes, dont Naciri et Bioui, ont été présentées au parquet qui a ensuite confié l’enquête à un juge d’instruction. Les auditions ont duré toute la nuit, conduisant à l’incarcération de 24 individus, y compris les deux figures politiques, au centre de détention de Oukacha.

Mais le contexte politique de cette affaire est tout aussi notable que ses aspects criminels. Saïd Naciri et Abdenbi Bioui étaient tous deux membres influents du Parti Authenticité et Modernité (PAM). Leur arrestation a secoué les milieux politiques marocains et mis en lumière les liens potentiels entre les activités criminelles et certaines figures politiques de premier plan.

Conséquences et répercussions

L’issue de ce procès est attendue avec impatience par de nombreuses parties. Si les accusations sont prouvées, les peines pourraient être lourdes. En tout cas, ce procès représente un moment crucial pour le système judiciaire marocain et pour la lutte contre la corruption et le crime organisé au sein des élites politiques. L’épilogue de cette affaire pourrait non seulement déterminer le sort des accusés, mais également influencer la perception publique et la confiance dans les institutions judiciaires du pays. s
En attendant, le public et les médias restent suspendus aux développements de cette affaire, prêts à scruter chaque détail qui pourrait émerger lors des audiences à venir. Le rendez-vous est pris pour le 13 juin, où les débats devraient s’intensifier et les enjeux se préciser davantage.

Mehdi Ouassat


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