A partir de cette donne fondamentale qui intéresse l'ensemble des acteurs, on peut affiner l'analyse et voir ce que ce nouveau scrutin a apporté en termes de renouvellement des élites, en termes d'évolution du rapport de forces entre les différentes familles politiques et idéologiques. Sur ce plan, on peut relever rapidement, en attendant de disposer des chiffres détaillés selon les circonscriptions, que les élections du 12 juin ont confirmé, en les corrigeant vers le bas, les tendances lourdes issues des différents scrutins des années 2000, à savoir que le corps électoral bascule à droite. Cela se traduit non seulement au niveau des choix politiques et sociétaux mais au niveau de l'arrivée de la nature des élites présentées et élues: c'est le retour des notables et de nouvelles "couches" politiques hybrides. Le score relativement modeste réalisé par la gauche trouve une partie de son explication dans cette mutation sociologique du corps électoral. Les catégories sociales qui ont fait la gloire de la gauche en l'occurrence l'USFP dans les années 70 / 90 ont disparu des écrans politiques: les candidats étaient massivement issus du mouvement social qui était à son apogée. Un candidat était d'emblée formaté à l'aune des luttes sociales et de l'engagement politique permanent. Se présenter à une élection était la continuité d'un mouvement global. Il y avait une vision d'ensemble. Aujourd'hui, la post-modernité est passée par là avec l'émiettement des projets, la fragmentation du corps social en une multitude de corporations. "Il n'y a plus d'idées, il n'y a plus de projets, il n'y a plus de catégories sociales homogènes se mobilisant pour un projet". Que faire alors? C'est une mutation lourde de conséquences dont le coût politique est énorme. Il est frappant de voir les scores élevés par le camp conservateur aussi bien dans les quartiers populaires sociologiquement déterminés à gauche que dans les quartiers "bourgeois" culturellement portés vers les programmes des forces progressistes. L'espace socio-électoral de la gauche devient flou. Y a-t-il encore un peuple de gauche? Sinon où est-il? Comment transformer un projet en programme sans trop de "concessions" ? Comment s'ouvrir sur de nouvelles élites en assurant la continuité du projet historique? Ce sont les questions qui doivent nous interpeller profondément au-delà des calculs politiciens étroits ou des gadgets électoralistes dont la durée de vie est limitée.
Lectures pluriellesMehdi Benomar
Mercredi 17 Juin 2009
Une élection est un faisceau de signes dont le décryptage pourrait s'étendre jusqu'à une nouvelle échéance…mais il y a des faits saillants qui s'imposent au-delà des grilles de lecture adoptées par les uns et les autres. Et le 12 juin n'a pas manqué de mettre en avant des leçons utiles pour l'avenir. On avait par exemple focalisé l'attention sur le taux de participation instaurant un horizon d'attente en déphasage avec la nature spécifique du scrutin. Le traumatisme provoqué – et amplifié par les médias- par le scrutin de 2007 y était pour beaucoup. C'était une attitude que nous avions partiellement critiquée car nous avions souhaité une approche positive du rendez-vous du 12 juin conscient qu'un scrutin n'est jamais une reproduction à l'identique d'un autre; d'autant plus que dans le cas de figure, il y avait confusion de genres, les communales ne sont pas les législatives, on est dans le registre La Palice. Du coup, l'une des surprises agréables du scrutin du 12 juin est le taux "démocratique de la participation", plus de la moitié des inscrits ont démenti tous les pronostics et sont allés s'exprimer. C'est correct d'un point de vue strictement électoral et c'est hyper important du point de vue du contexte politique et médiatique qui a accompagné ce scrutin. C'est la principale leçon que l'on peut tirer des chiffres du 12 juin. Ce retour aux urnes est la conséquence d'une prise de conscience citoyenne dans un environnement où la mode est au scepticisme et à la dénégation du politique. C'est le résultat de la nature locale et pragmatique de l'offre proposée mais c'est aussi l'échec des thèses nihilistes qui voulaient enfermer le scrutin dans une alternative exclusive: être pour ou contre le système. Or, en démocratie il s'agit toujours d'attitudes évolutives et progressives. Rien n'est jamais définitif, rien n'est tout noir ou tout blanc.
A partir de cette donne fondamentale qui intéresse l'ensemble des acteurs, on peut affiner l'analyse et voir ce que ce nouveau scrutin a apporté en termes de renouvellement des élites, en termes d'évolution du rapport de forces entre les différentes familles politiques et idéologiques. Sur ce plan, on peut relever rapidement, en attendant de disposer des chiffres détaillés selon les circonscriptions, que les élections du 12 juin ont confirmé, en les corrigeant vers le bas, les tendances lourdes issues des différents scrutins des années 2000, à savoir que le corps électoral bascule à droite. Cela se traduit non seulement au niveau des choix politiques et sociétaux mais au niveau de l'arrivée de la nature des élites présentées et élues: c'est le retour des notables et de nouvelles "couches" politiques hybrides. Le score relativement modeste réalisé par la gauche trouve une partie de son explication dans cette mutation sociologique du corps électoral. Les catégories sociales qui ont fait la gloire de la gauche en l'occurrence l'USFP dans les années 70 / 90 ont disparu des écrans politiques: les candidats étaient massivement issus du mouvement social qui était à son apogée. Un candidat était d'emblée formaté à l'aune des luttes sociales et de l'engagement politique permanent. Se présenter à une élection était la continuité d'un mouvement global. Il y avait une vision d'ensemble. Aujourd'hui, la post-modernité est passée par là avec l'émiettement des projets, la fragmentation du corps social en une multitude de corporations. "Il n'y a plus d'idées, il n'y a plus de projets, il n'y a plus de catégories sociales homogènes se mobilisant pour un projet". Que faire alors? C'est une mutation lourde de conséquences dont le coût politique est énorme. Il est frappant de voir les scores élevés par le camp conservateur aussi bien dans les quartiers populaires sociologiquement déterminés à gauche que dans les quartiers "bourgeois" culturellement portés vers les programmes des forces progressistes. L'espace socio-électoral de la gauche devient flou. Y a-t-il encore un peuple de gauche? Sinon où est-il? Comment transformer un projet en programme sans trop de "concessions" ? Comment s'ouvrir sur de nouvelles élites en assurant la continuité du projet historique? Ce sont les questions qui doivent nous interpeller profondément au-delà des calculs politiciens étroits ou des gadgets électoralistes dont la durée de vie est limitée. Lu 618 fois
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