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Libé :Comment voyez-vous les mesures que la France vient de prendre face à la 3ème vague de Covid-19 ? Selon vous, les choix faits parle gouvernement sont-ils efficaces ou bien la France a-t-elle pris du retard ?
Imad Kansau : En fait, je ne suis pas en mesure de jugersi la France a pris du retard, parce que c'est difficile de prédire, même si les épidémiologistes qui font des calculs et des projections prévoyaient ou avaient prédit que ça pouvait augmenter. Le gouvernement avait misé sur la confiance et l'attitude responsable de chaque personne, de chaque individu pour ne pas être considéré comme étant trop répressif.Ainsi, il voulait éviter non seulement des protestations mais aussi des difficultés financières pour les gens qui travaillent et des problèmes d’ordre psychologique. Le gouvernement a préféré miser sur l’esprit de responsabilité des gens et mettre en avant les gestes barrières. Il est à noter que la France est l’un des pays où l’on dépiste le plus. En revanche, certaines mesures, comme le port du masque, n’étaient pas obligatoires partout. Le gouvernement voulait surveiller, territorialiser pour ne pas confiner tout le pays, compte tenu de la lourdeur économique et psychologique que cela représente. Le pays a été divisé : le Conseil scientifique souhaitait le confinement tandis que d'autres ne le souhaitaient pas. Le gouvernement avait toutes les billes, toutes les cartes en main, mais pas les médecins. Le Conseil scientifique français n'avait que les éléments médicaux de santé à gérer alors que le gouvernement avait tous les autres domaines à contrôler, à savoir l’économie, le social…
A propos du retard, je ne peux pas juger. Certains l’affirment. Les opposants vont dire qu’il aurait fallu confiner avant ; mais ces mêmes personnes disent aussi que c'est trop dur. Dans les 16 départements qui ont dû mettre en œuvre les premières mesures, effectivement, l'épidémie a commencé à diminuer un peu. Les chiffres ont montré un infléchissement de la courbe. Depuis le confinement global, c'est-à-dire lorsque les mesures ont été appliquées sur l'ensemble du territoire, les effets se manifestent moins ou pas encore.On s’attendait à atteindre un plateau pour ensuite commencer à voir la courbe diminuer. Mais dans certains hôpitaux, cela fonctionne en dents de scie…En fait, on n'a pas encore amorcé une véritable descente, ce sera peut-être pour la semaine prochaine.
En France, en Europe et dans beaucoup de pays occidentaux, on parle du variant anglais et de l’efficacité du vaccin
En France et dans les pays européens, c’est le variant anglais qui circule le plus. On observe un taux d’environ 80%, voire plus en France. Ce variant est effectivement très contagieux et se répand aussi un peu partout dans le Nord de l'Afrique. Il a atteint un très haut niveau même si on n'a pas de données très précises à ce sujet. Ce variant s'est répandu pratiquement en Europe et pose de véritables problèmes parce qu'il a changé la donne. En effet, ils'est disséminé très rapidement et a causé des cas graves. Il a prolongé, si vous voulez, le plateau de la pandémie. Par rapport au vaccin, le variant anglais est tout à fait reconnu parla réponse anticorps, celle que donnent les 3 vaccins actuellement disponibles, à savoir les vaccins Pfizer et Moderna qui sont ARNmessagers et le vaccin AstraZeneca qui est une plateforme d’adénovirus.
La France a vacciné jusqu’à présent plus de 10 millions de personnes avec une dose au moins. Quel regard portez-vous sur ce chiffre ? Est-ce que la France va pouvoir vacciner à ce rythme la majorité de sa population d'ici l'été comme le prévoient les politiques ?
C'est tout à fait possible, logistiquement, avec la bonne volonté des médecins, des pharmaciens, des vétérinaires, des pompiers, de l'armée et la création de centres pour mieux gérer l’arrivée des vaccins. La logistique peut parfaitement garantir cela. Mais le problème, c'est qu’on est tributaire des doses. Pas plus tard qu'aujourd'hui, on a commencé à utiliser la mise en bouteille, le conditionnement dans des usines françaises. On a déjà commencé à faire cela mais est-ce que ça va assurer pour Pfizer une augmentation de la disponibilité de doses.Je n’en saisrien. Le Commissaire européen, Thierry Breton, et la Commission européenne viennent d’ouvrir la voie pour régler cette problématique. Je me demande si effectivement on va enfin pouvoir surmonter ce problème de quantité de doses. C’est problématique, l'Institut Pasteur et Santé Publique France soulignent que si on ne vaccine pas la grande majorité des adultes au-delà de 80%, on ne va pas réduire suffisamment la mortalité et donc le nombre de contaminations. Il reste à savoir s’il va falloir aussi vacciner les jeunes et les enfants. Sinon, ils vont devenir des sources de contamination.
La réponse est donc double, si la logistique est là, cela peut marcher. Il n’y aura pas de problème pour atteindre un très grand nombre de vaccinés. Le problème, c'est le nombre de doses et personne ne peut nous les garantir. Les laboratoires prétendent pouvoir garantir les doses et vous voyez très bien comment la situation est au départ. Après, c'est le démarrage, on va dire que ce sont des accidents de parcours, au début. Je ne suis pas certain que les laboratoires puissent honorer dans les mois qui viennent les commandes de doses nécessaires.
Comment voyez-vous la politique vaccinale au Maroc qui a instauré récemment un couvre-feu pendant le mois de Ramadan?
Je pense que les autorités marocaines ont tout à fait raison d’imposer ce couvre-feu. D'ailleurs, toutes les mesures qui avaient été prises au départ, lors de la première et de la deuxième vagues au Maroc, se sont avérées assez efficaces. Le variant anglais se répand énormément. Vu comme il est contagieux, au Maroc, le couvre-feu est nécessaire pendant le Ramadan. Malheureusement, ça touche tous les pays. Mais c'est très compliqué vu les rassemblements pendant ce mois de jeûne, c'est à l'intérieur des maisons que ça se contamine le plus, je pense qu'elles ont tout à fait raison compte tenu des circonstances actuelles, des fêtes religieuses, j’entends.
Le Maroc a vacciné 10 millions de personnes environ.Est-ce que le Royaume sera lui aussi impacté par le manque de doses ? Absolument, même si le Roi et l’Etat sont très réactifs et peuvent logistiquement tout mettre en place sans difficulté, je pense qu'il va être confronté à la même problématique des doses. Donc, à une échelle plutôt macroéconomique, le Maroc est dans la même posture et la même position que l'Europe.
Parlons de la situation de l'Europe et dans les pays africains, certains d’entre eux n’ont même pas reçu la première dose. Est-ce une question d’injustice et de manque de solidarité ?
L’OMS a déjà soulevé cette problématique avec le programme Covax, qui vise à ce que les pays riches partagent davantage de doses et contribuent à la vaccination des pays à faibles revenus, afin d'éviter justement qu’il y ait des disparités. De toute façon, les pays riches devront se barricader à un moment donné. Cela va créer un véritable problème. Moi, je suis tout à fait d'accord avec l’OMS, les pays à haut revenu commettent une erreur. Il faut enrayer la maladie avec une augmentation beaucoup plus importante des doses pour les pays à haut revenu mais aussi à faible revenu, sinon on ne va pass'en sortir. Le problème des pays pauvres, c'est qu’ils ont passé parfois des accords avec la Chine et la Russie, qui préfèrent justement vendre leur vaccin à ces pays et en Amérique latine. Je ne peux pas me prononcer sur l'efficacité du vaccin chinois, parce qu'il n'y a pas eu beaucoup de publications à son sujet. Par contre, le vaccin russe a été étudié par l’Agence européenne du médicament et il semblerait qu'il se rapproche suffisamment du vaccin d’AstraZeneca.
Je pense que ça serait donc très bien aussi de pouvoir vacciner comme c'est le cas maintenant dans certains pays qui utilisent déjà le vaccin russe pour des raisons politiques. C'est un vaccin qui peut être valable. Paris.
Propos recueillis par Youssef Lahlali
Imad Kansau : En fait, je ne suis pas en mesure de jugersi la France a pris du retard, parce que c'est difficile de prédire, même si les épidémiologistes qui font des calculs et des projections prévoyaient ou avaient prédit que ça pouvait augmenter. Le gouvernement avait misé sur la confiance et l'attitude responsable de chaque personne, de chaque individu pour ne pas être considéré comme étant trop répressif.Ainsi, il voulait éviter non seulement des protestations mais aussi des difficultés financières pour les gens qui travaillent et des problèmes d’ordre psychologique. Le gouvernement a préféré miser sur l’esprit de responsabilité des gens et mettre en avant les gestes barrières. Il est à noter que la France est l’un des pays où l’on dépiste le plus. En revanche, certaines mesures, comme le port du masque, n’étaient pas obligatoires partout. Le gouvernement voulait surveiller, territorialiser pour ne pas confiner tout le pays, compte tenu de la lourdeur économique et psychologique que cela représente. Le pays a été divisé : le Conseil scientifique souhaitait le confinement tandis que d'autres ne le souhaitaient pas. Le gouvernement avait toutes les billes, toutes les cartes en main, mais pas les médecins. Le Conseil scientifique français n'avait que les éléments médicaux de santé à gérer alors que le gouvernement avait tous les autres domaines à contrôler, à savoir l’économie, le social…
A propos du retard, je ne peux pas juger. Certains l’affirment. Les opposants vont dire qu’il aurait fallu confiner avant ; mais ces mêmes personnes disent aussi que c'est trop dur. Dans les 16 départements qui ont dû mettre en œuvre les premières mesures, effectivement, l'épidémie a commencé à diminuer un peu. Les chiffres ont montré un infléchissement de la courbe. Depuis le confinement global, c'est-à-dire lorsque les mesures ont été appliquées sur l'ensemble du territoire, les effets se manifestent moins ou pas encore.On s’attendait à atteindre un plateau pour ensuite commencer à voir la courbe diminuer. Mais dans certains hôpitaux, cela fonctionne en dents de scie…En fait, on n'a pas encore amorcé une véritable descente, ce sera peut-être pour la semaine prochaine.
En France, en Europe et dans beaucoup de pays occidentaux, on parle du variant anglais et de l’efficacité du vaccin
En France et dans les pays européens, c’est le variant anglais qui circule le plus. On observe un taux d’environ 80%, voire plus en France. Ce variant est effectivement très contagieux et se répand aussi un peu partout dans le Nord de l'Afrique. Il a atteint un très haut niveau même si on n'a pas de données très précises à ce sujet. Ce variant s'est répandu pratiquement en Europe et pose de véritables problèmes parce qu'il a changé la donne. En effet, ils'est disséminé très rapidement et a causé des cas graves. Il a prolongé, si vous voulez, le plateau de la pandémie. Par rapport au vaccin, le variant anglais est tout à fait reconnu parla réponse anticorps, celle que donnent les 3 vaccins actuellement disponibles, à savoir les vaccins Pfizer et Moderna qui sont ARNmessagers et le vaccin AstraZeneca qui est une plateforme d’adénovirus.
La France a vacciné jusqu’à présent plus de 10 millions de personnes avec une dose au moins. Quel regard portez-vous sur ce chiffre ? Est-ce que la France va pouvoir vacciner à ce rythme la majorité de sa population d'ici l'été comme le prévoient les politiques ?
C'est tout à fait possible, logistiquement, avec la bonne volonté des médecins, des pharmaciens, des vétérinaires, des pompiers, de l'armée et la création de centres pour mieux gérer l’arrivée des vaccins. La logistique peut parfaitement garantir cela. Mais le problème, c'est qu’on est tributaire des doses. Pas plus tard qu'aujourd'hui, on a commencé à utiliser la mise en bouteille, le conditionnement dans des usines françaises. On a déjà commencé à faire cela mais est-ce que ça va assurer pour Pfizer une augmentation de la disponibilité de doses.Je n’en saisrien. Le Commissaire européen, Thierry Breton, et la Commission européenne viennent d’ouvrir la voie pour régler cette problématique. Je me demande si effectivement on va enfin pouvoir surmonter ce problème de quantité de doses. C’est problématique, l'Institut Pasteur et Santé Publique France soulignent que si on ne vaccine pas la grande majorité des adultes au-delà de 80%, on ne va pas réduire suffisamment la mortalité et donc le nombre de contaminations. Il reste à savoir s’il va falloir aussi vacciner les jeunes et les enfants. Sinon, ils vont devenir des sources de contamination.
La réponse est donc double, si la logistique est là, cela peut marcher. Il n’y aura pas de problème pour atteindre un très grand nombre de vaccinés. Le problème, c'est le nombre de doses et personne ne peut nous les garantir. Les laboratoires prétendent pouvoir garantir les doses et vous voyez très bien comment la situation est au départ. Après, c'est le démarrage, on va dire que ce sont des accidents de parcours, au début. Je ne suis pas certain que les laboratoires puissent honorer dans les mois qui viennent les commandes de doses nécessaires.
Comment voyez-vous la politique vaccinale au Maroc qui a instauré récemment un couvre-feu pendant le mois de Ramadan?
Je pense que les autorités marocaines ont tout à fait raison d’imposer ce couvre-feu. D'ailleurs, toutes les mesures qui avaient été prises au départ, lors de la première et de la deuxième vagues au Maroc, se sont avérées assez efficaces. Le variant anglais se répand énormément. Vu comme il est contagieux, au Maroc, le couvre-feu est nécessaire pendant le Ramadan. Malheureusement, ça touche tous les pays. Mais c'est très compliqué vu les rassemblements pendant ce mois de jeûne, c'est à l'intérieur des maisons que ça se contamine le plus, je pense qu'elles ont tout à fait raison compte tenu des circonstances actuelles, des fêtes religieuses, j’entends.
Le Maroc a vacciné 10 millions de personnes environ.Est-ce que le Royaume sera lui aussi impacté par le manque de doses ? Absolument, même si le Roi et l’Etat sont très réactifs et peuvent logistiquement tout mettre en place sans difficulté, je pense qu'il va être confronté à la même problématique des doses. Donc, à une échelle plutôt macroéconomique, le Maroc est dans la même posture et la même position que l'Europe.
Parlons de la situation de l'Europe et dans les pays africains, certains d’entre eux n’ont même pas reçu la première dose. Est-ce une question d’injustice et de manque de solidarité ?
L’OMS a déjà soulevé cette problématique avec le programme Covax, qui vise à ce que les pays riches partagent davantage de doses et contribuent à la vaccination des pays à faibles revenus, afin d'éviter justement qu’il y ait des disparités. De toute façon, les pays riches devront se barricader à un moment donné. Cela va créer un véritable problème. Moi, je suis tout à fait d'accord avec l’OMS, les pays à haut revenu commettent une erreur. Il faut enrayer la maladie avec une augmentation beaucoup plus importante des doses pour les pays à haut revenu mais aussi à faible revenu, sinon on ne va pass'en sortir. Le problème des pays pauvres, c'est qu’ils ont passé parfois des accords avec la Chine et la Russie, qui préfèrent justement vendre leur vaccin à ces pays et en Amérique latine. Je ne peux pas me prononcer sur l'efficacité du vaccin chinois, parce qu'il n'y a pas eu beaucoup de publications à son sujet. Par contre, le vaccin russe a été étudié par l’Agence européenne du médicament et il semblerait qu'il se rapproche suffisamment du vaccin d’AstraZeneca.
Je pense que ça serait donc très bien aussi de pouvoir vacciner comme c'est le cas maintenant dans certains pays qui utilisent déjà le vaccin russe pour des raisons politiques. C'est un vaccin qui peut être valable. Paris.
Propos recueillis par Youssef Lahlali