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Fouad Laroui est ingénieur et économiste de formation, professeur de littérature à l’Université d’Amsterdam, romancier de langue française, poète de langue néerlandaise, éditorialiste et critique littéraire. Son dernier livre publié aux éditions Mialet-Barrault «Un plaidoyer pour les Arabes» évoque leur histoire ainsi que leur participation à la civilisation humaine dans le récit universel. Dans cet entretien accordé à Libé, Fouad Laroui nous parle de son plaidoyer.
Libération : Pouvez-vous nous expliquer le but de ce plaidoyer? Qu’est-ce qui vous a poussé en tant qu’écrivain marocain vivant en Occident à faire cette démarche ?
Fouad Laroui : Cela fait bien longtemps que je suis étonné, pour ne pas dire choqué, par la méconnaissance des Arabes, de leur Histoire, de leurs problèmes actuels de la part des Occidentaux. Ils ne les connaissent pas et en ont une représentation faussée. J’ai attendu longtemps le livre qui allait dénoncer cette ignorance et essayer de rectifier ces fausses représentations mais je ne l’ai pas vu arriver. Alors je me suis mis moi-même au travail...
Cette ignorance de l’Occident vis-a-vis des Arabes, ne croyez-vous pas que c’est voulu ?
Ce n’est pas voulu en ce sens que ce serait un complot mais disons que ça arrange beaucoup de gens. En fait, ça a commencé dès le 19ème siècle. Pour mieux conquérir et coloniser de larges parties du monde arabe, il fallait bien le dévaloriser. Pour parler de ‘mission civilisatrice’, il fallait bien croire - ou faire semblant de croire - que ces gens-là n’avaient jamais connu la civilisation. On a donc même oublié quelle influence l’empire des Abbassides et le califat de Cordoue avaient eu sur l’Occident - une influence qui était bel et bien admise en Europe avant le 19ème siècle. C’est un cas étrange d’amnésie collective qui a commencé avec les débuts du colonialisme.
Le monde arabe comme on le voit aujourd’hui, est une création de l’Occident pour dominer cette région comme l’a décrit Edward Said ?
Oui, c’est à ça que je viens de faire allusion. Edward Said a bien montré comment une certaine image de l’Orient a été bâtie au 19e siècle par les arts et la littérature et par d’autres moyens, et que cela a servi à justifier qu’il soit conquis, soumis, colonisé. Cette image a certes changé depuis, puisque tous les pays en question ont été décolonisés et ont prouvé qu’ils étaient différents de l’image qu’on donnait d’eux. Cela dit, une chose n’a pratiquement pas changé: l’ignorance du passé scientifique des Arabes et le refus, de la part de ceux qui devraient le connaître, de l’intégrer dans le récit universel. C’est surtout cela que j’ai essayé d’analyser et d’exposer.
Les Arabes qui vivent en Occident, comment font-ils ? Comme vous dites, “ils sont entre deux feux, entre le racisme et le fanatisme” ? Sont-ils perdus entre une identité mythique (leur passé glorieux) et la réalité très complexe de leur vie quotidienne?
C’est le cas pour certains. Ils sont pris entre deux feux et sont donc mal dans leur peau. Mais il y a bien pire et je le montre dans mon livre: il y a ceux qui ont tellement intégré le racisme ambiant et l’ignorance qu’ils en viennent à se dénigrer eux-mêmes. Cette auto-détestation se manifeste sous diverses formes mais elle est bien réelle, hélas. De ce point de vue, mon livre a peut-être une certaine valeur thérapeutique.
Dans votre livre, vous êtes optimiste malgré la montée du nationalisme et du fascisme. Est-ce que vous croyez que l’intégration des Arabes dans l’histoire universelle est toujours possible?
Ce ne sont pas les Arabes mais leur passé qu’il s’agit d’intégrer dans le récit universel. Ce n’est pas très compliqué, au fond. Il suffit de revoir les programmes d’enseignement en Occident, de promouvoir les expositions, les documentaires, etc. Quant aux Arabes eux-mêmes, c’est à eux d’être de nouveau à la hauteur de ce qu’ils ont été. Je ne pense pas, d’ailleurs, que c’est une affaire de groupe, de ‘monde arabe’, s’il existe encore. Chaque pays devrait faire cet effort de mise à niveau dans tous les domaines. Je ne sais pas si je donne l’impression d’être optimiste mais en fait, je reste sur l’expectative. L’avenir n’est écrit nulle part. Pour ce qui nous concerne, nous autres Marocains, il faut nous prendre en main et entrer résolument dans la science, le progrès, la recherche et tourner le dos à l’obscurantisme. Ce n’est pas impossible mais il faut le vouloir.
Comment voyez-vous la situation du Maroc, pays arabe, africain et méditerranéen émergent, qui cherche sa place dans ce monde complexe à la lumière du nouveau modèle de développement ?
J’ai participé avec 34 autres collègues, sous la direction de Chakib Benmoussa et avec une excellente équipe d’appui, à l’élaboration du rapport sur le NMD qui vient d’être remis à Sa Majesté le Roi. C’est un travail collectif et personne ne peut en revendiquer telle ou telle partie. En ce moment, il est en train d’être présenté au Parlement et ensuite je suppose qu’il y aura une large discussion dans le pays. En tant que membre de la CSMD, ma mission a pris fin avec la présentation du rapport. Maintenant c’est au tour de tous les Marocains de s’en emparer, de le lire, de le commenter, etc.
Libération : Pouvez-vous nous expliquer le but de ce plaidoyer? Qu’est-ce qui vous a poussé en tant qu’écrivain marocain vivant en Occident à faire cette démarche ?
Fouad Laroui : Cela fait bien longtemps que je suis étonné, pour ne pas dire choqué, par la méconnaissance des Arabes, de leur Histoire, de leurs problèmes actuels de la part des Occidentaux. Ils ne les connaissent pas et en ont une représentation faussée. J’ai attendu longtemps le livre qui allait dénoncer cette ignorance et essayer de rectifier ces fausses représentations mais je ne l’ai pas vu arriver. Alors je me suis mis moi-même au travail...
Cette ignorance de l’Occident vis-a-vis des Arabes, ne croyez-vous pas que c’est voulu ?
Ce n’est pas voulu en ce sens que ce serait un complot mais disons que ça arrange beaucoup de gens. En fait, ça a commencé dès le 19ème siècle. Pour mieux conquérir et coloniser de larges parties du monde arabe, il fallait bien le dévaloriser. Pour parler de ‘mission civilisatrice’, il fallait bien croire - ou faire semblant de croire - que ces gens-là n’avaient jamais connu la civilisation. On a donc même oublié quelle influence l’empire des Abbassides et le califat de Cordoue avaient eu sur l’Occident - une influence qui était bel et bien admise en Europe avant le 19ème siècle. C’est un cas étrange d’amnésie collective qui a commencé avec les débuts du colonialisme.
Le monde arabe comme on le voit aujourd’hui, est une création de l’Occident pour dominer cette région comme l’a décrit Edward Said ?
Oui, c’est à ça que je viens de faire allusion. Edward Said a bien montré comment une certaine image de l’Orient a été bâtie au 19e siècle par les arts et la littérature et par d’autres moyens, et que cela a servi à justifier qu’il soit conquis, soumis, colonisé. Cette image a certes changé depuis, puisque tous les pays en question ont été décolonisés et ont prouvé qu’ils étaient différents de l’image qu’on donnait d’eux. Cela dit, une chose n’a pratiquement pas changé: l’ignorance du passé scientifique des Arabes et le refus, de la part de ceux qui devraient le connaître, de l’intégrer dans le récit universel. C’est surtout cela que j’ai essayé d’analyser et d’exposer.
Les Arabes qui vivent en Occident, comment font-ils ? Comme vous dites, “ils sont entre deux feux, entre le racisme et le fanatisme” ? Sont-ils perdus entre une identité mythique (leur passé glorieux) et la réalité très complexe de leur vie quotidienne?
C’est le cas pour certains. Ils sont pris entre deux feux et sont donc mal dans leur peau. Mais il y a bien pire et je le montre dans mon livre: il y a ceux qui ont tellement intégré le racisme ambiant et l’ignorance qu’ils en viennent à se dénigrer eux-mêmes. Cette auto-détestation se manifeste sous diverses formes mais elle est bien réelle, hélas. De ce point de vue, mon livre a peut-être une certaine valeur thérapeutique.
Dans votre livre, vous êtes optimiste malgré la montée du nationalisme et du fascisme. Est-ce que vous croyez que l’intégration des Arabes dans l’histoire universelle est toujours possible?
Ce ne sont pas les Arabes mais leur passé qu’il s’agit d’intégrer dans le récit universel. Ce n’est pas très compliqué, au fond. Il suffit de revoir les programmes d’enseignement en Occident, de promouvoir les expositions, les documentaires, etc. Quant aux Arabes eux-mêmes, c’est à eux d’être de nouveau à la hauteur de ce qu’ils ont été. Je ne pense pas, d’ailleurs, que c’est une affaire de groupe, de ‘monde arabe’, s’il existe encore. Chaque pays devrait faire cet effort de mise à niveau dans tous les domaines. Je ne sais pas si je donne l’impression d’être optimiste mais en fait, je reste sur l’expectative. L’avenir n’est écrit nulle part. Pour ce qui nous concerne, nous autres Marocains, il faut nous prendre en main et entrer résolument dans la science, le progrès, la recherche et tourner le dos à l’obscurantisme. Ce n’est pas impossible mais il faut le vouloir.
Comment voyez-vous la situation du Maroc, pays arabe, africain et méditerranéen émergent, qui cherche sa place dans ce monde complexe à la lumière du nouveau modèle de développement ?
J’ai participé avec 34 autres collègues, sous la direction de Chakib Benmoussa et avec une excellente équipe d’appui, à l’élaboration du rapport sur le NMD qui vient d’être remis à Sa Majesté le Roi. C’est un travail collectif et personne ne peut en revendiquer telle ou telle partie. En ce moment, il est en train d’être présenté au Parlement et ensuite je suppose qu’il y aura une large discussion dans le pays. En tant que membre de la CSMD, ma mission a pris fin avec la présentation du rapport. Maintenant c’est au tour de tous les Marocains de s’en emparer, de le lire, de le commenter, etc.
Propos recueillis par Youssef Lahlali
Paris
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