Entretien avec le réalisateur Mohamed Ismaïl : «C’est malheureux d’encourager des films que personne ne regarde»


Propos recueillis par J-Chahid
Mardi 20 Avril 2010

Entretien avec le réalisateur Mohamed Ismaïl : «C’est malheureux d’encourager des films que personne ne regarde»
Son dernier film «Oulad Lblad» sortira dans cinq villes marocaines dès le 28 avril
courant ;
sa projection avant-première est prévue pour le 26 avril au cinéma ABC
à Casablanca
et le 28 du même mois à Tétouan. Dans la foulée, Libé l’a rencontré pour vous. Entretien.

Libé : Parlez-nous de votre film «Les gars du bled»?

Mohamed Ismaïl : Il s’agit d’un drame social tourné au Nord du Maroc (Oued Laou), décliné sous forme de critique dans un cadre humoristique, question d’alléger et d’apaiser la délicatesse du sujet. C’est vraiment difficile, car cela concerne des centaines de jeunes diplômés chômeurs qui souffrent d’un malaise social. Ils sont ainsi des pâtes à modeler dans tous les sens, dans le bien comme dans le mal.

On constate une campagne contre les films des festivals. Où ranges-tu ton dernier film?

Après le dernier Festival de Tanger, j’ai senti qu’on me faisait haïr le cinéma en général, car on encourage des films que personne ne regarde et qui restent aux tiroirs, ou qui sont incompris. La question qui se pose est : Quel cinéma voulons-nous et pour quel public? Si l’on veut un cinéma d’auteur, qu’on le dise à haute voix, c’est tout. Il faut dire que le public boude les salles, ou ce qui en reste, car il n’est ni imbécile ni dupe. Finalement, c’est l’argent du contribuable. On ne comprend pas comment on pourrait le dépenser pour des films que ce public ne verra jamais. En ce qui me concerne, mes films sont proches du public, sans tomber dans le commercial.

Après Ouchtam, l’on ne vous voit plus dans la comédie ?

La comédie au Maroc ne peut pas marcher, en raison des différences culturelles et de la spécificité humoristique de chaque région. La comédie de la Chaouia ne fait pas rire les gens de l’oriental, et vice-versa. Ceci dit, mes films «Ici et là» et «Oulad Lblad» traitent des sujets avec un humour noir. Franchement, je voudrais tirer le public vers le haut à la faveur de sujets où il peut se retrouver. Mais, dans les festivals, je remarque malheureusement que les films proches du public ne passent pas.
Depuis « Et après », il a fallu attendre plusieurs années pour voir un film de qualité «Adieu mères».

Que s’est-il passé?

Chaque film est une aventure. Franchement, «Et après» m’a épuisé, puisque j’ai fait une tournée mondiale à travers des rencontres, débats et festivals. Mais je pense que les autres films ont eu le même traitement et même les téléfilms ont eu un succès reconnu tel «Allal Lqalda» qui aurait pu passer au cinéma. Je ne sais personnellement pas tricher, et ce n’est même pas  moi qui cherche le sujet, mais c’est ce dernier qui s’impose à moi.

Nous avons remarqué que le comédien Rachid El Ouali est omniprésent dans vos films. N’avez-vous pas peur de créer une certaine monotonie dans vos films.

Loin de mes relations personnelles et professionnelles avec Rachid El Ouali, je peux dire que ce comédien n’est jamais le même dans mes films. A chaque fois, il campe un rôle et un personnage différents qu’on essaye de travailler et de façonner ensemble. Vous allez le voir dans «Les gars du bled», incarnant un personnage assez différent. 


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