Entretien avec l’artiste peintre Michelle Odelin : “Chaque œuvre est un voyage à l’intérieur de moi-même”


Propos recueillis par ALAIN BOUITHY
Vendredi 2 Juillet 2010

Entretien avec l’artiste peintre Michelle Odelin : “Chaque œuvre est un voyage à l’intérieur de moi-même”
Michelle Odelin, artiste peintre, vient de terminer son séjour au Maroc dont elle garde des
souvenirs mêlés
d’influences
déterminantes pour son œuvre. D’autant qu’elle est frappée par les œuvres
artistiques de deux peintres marocains : Abbès Saladi
et Mohammed Tabal. Sans oublier
d’exposer sa vision de la peinture et sa conception du travail artistique. Entretien.

Libé : Au cours de votre séjour au Maroc, vous vous êtes beaucoup intéressée à la vie artistique marocaine. Y a-t-il des artistes  peintres marocains qui ont particulièrement influencé votre création ?

Michelle Odelin : Au Maroc, il y a deux peintres qui ont frappé ma sensibilité : Abbès Saladi, peintre autodidacte, mystérieux, visionnaire, fascinant, d’une imagination inénarrable. Ses œuvres foisonnent de détails, de couleurs, de subtilités. Il s’inspirait du réel pour transporter le spectateur dans un monde étrange, féerique, hors du temps et Mohammed Tabal, il peint au rythme de la musique gnaoua dont il s’inspire. Il erre dans ce monde africain où la transe est une règle de vie. Il utilise beaucoup de symboles et entremêle les histoires pour réaliser une œuvre bouillonnante de vivacité. Bien avant de les connaître, j’évoluais déjà vers une expression artistique plus fouillée, plus colorée, plus mythique. Ils m’ont aidée à aller encore plus loin dans mes recherches.

En tant qu’artiste, quelle particularité a le Maroc  pour vous?

La couleur marron rouge de sa terre, la végétation, la mer et l’océan, ses déserts. les odeurs des épices ; la diversité des paysages et des villes ; un artisanat exceptionnel. Le Maroc a une très grande richesse culturelle.

Dans vos propos, j’ai relevé la différence que vous faites entre un peintre et un artiste peintre, pourquoi cette distinction?

Fidèle à la notion de recherche artistique, je considère qu’un artiste a la mission de faire avancer l’art, son œuvre est ambulante, errante. Chaque réalisation devrait être transitoire, surprenante, inattendue et donc sublime. La passion, la curiosité, la volonté de construire du nouveau, du personnel, l’exigence de sortir du conventionnel accompagnée d’une certaine naïveté quelquefois sont, à mon avis, les dynamiques à suivre pour s’affirmer sur la scène artistique. Un artiste est un travailleur imprévisible. Le peintre est un artisan qui fait bien son travail et qui le répète.
Et vous ? Peintre ou artiste peintre?
Peintre non, artiste peintre, je travaille pour cela.
Quelle place accordez-vous à la formation artistique ?
Elle donne des bases, permet d’utiliser des techniques, de rechercher un style mais elle ne construit pas un artiste. L’école forme des peintres. Devenir artiste, c’est une autre démarche qui ne s’apprend pas à l’école.
Des yeux partout dans vos dessins, vos œuvres à l’huile, le regard semble avoir une place privilégiée, pourquoi ?
J’entre en communication avec une personne par le regard. Il reflète l’âme d’une personne, sa sensibilité, sa disponibilité. Il a un rôle de feu vert, un accord tacite avant tout dialogue. Dans notre vie actuelle, le regard a plus d’importance qu’avant. On manque de temps, la communication visuelle demande un instant, pas de préparation, elle est directe et spontanée, quelquefois trop rapide.
Qu’est-ce qui dicte vos choix dans votre travail ?
Je suis une artiste de l’instant. J’aime dominer mon support dès les premiers traits. Le dessin me donne une grande liberté artistique. J’utilise les stylos, les feutres, l’encre de chine, l’encre gel, la gouache, l’acrylique ou l’huile selon mes besoins. Le support peut être carton, papier dessin, bois ou toile. L’œuvre naît de la spontanéité de mon geste. Je raffine ensuite, simple coup d’œil esthétique.  Mon inconscient retient beaucoup d’images,  mon imagination les dispatche selon des critères particuliers. Chaque œuvre est un voyage à l’intérieur de moi-même à un moment donné, elle est unique.
Vous utilisez beaucoup de cartons, de bois, vous avez peint des échelles en bois récupérées. Exprimez-vous un souci écologique?
Une envie de faire revivre, surtout pour les échelles abandonnées près des poubelles, du matériel utile. Le carton, le journal, le bois et bien d’autres supports sont recyclables par les mains de l’artiste. C’est écologique, certes, mais cela aide aussi l’artiste à s’actualiser.
Pourquoi tant d’éléments féminins dans votre œuvre ?
Peut-être parce que je déborde de féminité. C’est un besoin, mais je ne suis pas féministe.
Quelle préférence accordez-vous à vos expositions ?
Je pense que le lieu et l’organisation sont importants pour exposer des œuvres. Ma première exposition au Maroc en 2007 a été à la Galerie Chaïbia d’El Jadida. Mes toiles étaient grandes, elles avaient besoin d’espace pour que les visiteurs apprécient leur contenu. J’ai beaucoup aimé ce lieu historique et la fréquentation de la population avoisinante était intéressante. J’aime les expositions collectives construites dans une optique culturelle où les artistes viennent d’origines diverses. Actuellement, j’expose à Torino en Italie dans le cadre d’une Biennale d’art Stemperando 2010 qui regroupe 66 artistes de tous les horizons et qui se déplacera en septembre à Cosenza et en janvier à Roma.
Je tiens à ce que ma présence dans une exposition soit respectée ; chaque œuvre doit avoir sa place ; une exposition bien organisée évite les mélanges de mauvais goût.  


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