En Inde, les sculpteurs de divinités immortalisent désormais les défunts


AFP
Mardi 6 Novembre 2012

En Inde, les sculpteurs de divinités  immortalisent désormais les défunts
Aux côtés d'effigies de divinités hindoues, de Jésus et de la Vierge Marie, trône un buste inconnu: c'est Ivy, morte à 77 ans voici quatre ans, qu'un sculpteur de l'ouest de l'Inde a immortalisée dans une statue en fibre de verre à la demande du veuf.
Faire appel à un sculpteur après le décès d'un proche est un nouveau phénomène en Inde, pays aux mille divinités.
Lorsque la photo du défunt ne suffit plus à la famille en deuil pour se souvenir, les Sequeira, une famille de sculpteurs depuis trois générations entreprend alors de recréer la personne disparue en trois dimensions.
A l'aide de vieilles photos, les bustes et statues sont fabriqués en bois ou fibre de verre avant d'être recouverts de peinture et rehaussés d'une paire d'yeux en verre. Dans le cas d'Ivy, l'épouse disparue de Peter Pereira, 82 ans, l'artiste compte parfaire l'ensemble en lui ajoutant des lunettes.
"Grâce à la statue, j'aurai l'impression qu'elle est toujours là", se réjouit le vieil homme, un ancien cameraman, qui compte la placer dans son appartement de Bombay. "Certains n'aiment pas se souvenir des morts, moi si", dit-il.
Peter Pereira a même passé commande pour une deuxième statue qu'il installera dans le jardin d'une autre maison de famille.
L'atelier de la famille Sequeira est situé dans le nord de Bombay, dans le petit village de Small Giriz niché au creux des cocotiers et bananeraies de Vasai, jadis bastion portugais où les coloniaux ont apporté le catholicisme et un savoir-faire en menuiserie.
Selon Benzoni Sequeira, dont le nom lui-même rappelle les connexions portugaises, c'est son grand-père qui a débuté en 1920 le commerce de la sculpture sur bois pour représenter des divinités religieuses.
Après plusieurs décennies de productions d'autels et d'effigies, ils ont réalisé leur premier mémorial pour défunt voici 20 ans.
"On avait une ou deux commandes par-ci par-là mais maintenant cela n'arrête pas", témoigne-t-il auprès de l'AFP.
Le travail des Sequeira rappelle un peu les statues en cire du Musée Tussaud à Londres mais M. Benzoni confie avoir beaucoup plus de difficultés à créer un personnage convaincant.
"Eux, ils ont toutes les photos dont ils ont besoin, sous tous les angles et avec toutes les mesures. Nous, nos clients ne nous apportent en général qu'une seule vieille photo en noir et blanc. Il y a beaucoup d'essais et beaucoup d'erreurs", avoue-t-il.
Les proches d'Andrew Machado, un fermier décédé, ont commandé aux Sequeira une statue en pied qui trône aujourd'hui fièrement à l'entrée de la demeure familiale à Vasai. Collier de guirlandes autour du cou, il a été représenté en short et chemise.
"Nous ne voulions pas de draperie, juste les habits qu'il portait. On voulait que ce soit comme dans la vraie vie", dit sa veuve, Santan, âgée de 75 ans. Les sculpteurs commencent par un modèle en argile qu'ils présentent à la famille pour vérifier la ressemblance. Pour un buste en bois, il faut compter la coquette somme de 85.000 roupies (environ 1.200 euros) tandis qu'une statue en fibre de verre, moins chère, vaut 50.000 roupies. Les frères Sequeira savent travailler le bois depuis leur enfance grâce à leur père Renold et leur oncle Roque, un moustachu de 71 ans qui sculpte toujours sur le pas de la porte en dépit de sa vue qui baisse.
Chez eux, une statue d'une femme en sari attend dans le couloir d'être acheminée vers l'Angleterre, une commande passée par un hôtel tenu par une famille indienne.
La famille voudrait elle aussi immortaliser l'un des siens, le grand-père Michael à l'origine de leur commerce, mais les nombreuses commandes des clients en ont constamment reporté l'entreprise.
"On a un dicton: un menuisier n'a pas de banc dans sa propre maison", sourit Benzoni.


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