Elle a le devoir de mettre en garde contre toutes formes de dérives : La presse n’a pas à devenir une presse consentante


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Lundi 1 Février 2010

Elle a le devoir de mettre en garde contre toutes formes de dérives : La presse n’a pas à devenir une presse consentante
L’intervention de Ahmed Zaidi, président du Groupe socialiste à la Chambre des représentants lors du débat « Médias  et Société » initié par les groupes parlementaires n’est pas passée inaperçue. Vu son importance, nous vous en proposons, ci-dessous, le texte intégral.
“Autant je sens le poids de ma responsabilité politique au service de ma patrie parmi mes camarades à la direction de l’USFP, et parmi les deux groupes parlementaires, autant j’ai la nostalgie du métier de journaliste qui est un autre constituant de mon parcours.
C’est cette dialectique, du journaliste et du politique, qui se présente à mon esprit aujourd’hui encadrant ce que nous avons convenu d’appeler, dans le cadre des groupes parlementaires, le débat national  « Médias et société ».  Cette dialectique soulève l’ampleur des interrogations qui se posent aujourd’hui aux médias nationaux exigeant des réponses à l’avenir, en vue de sortir le secteur de la zone de turbulences et de cet état de flottement ainsi que de ce rapport de conflit tendu avec le pouvoir politique et la société en perspective de son institutionnalisation.  Nous lançons aujourd’hui un chantier gigantesque dont nous voulons obtenir au départ l’accumulation des contributions de toutes les composantes de la société, avec à leur tête les femmes et les hommes des médias, et les instances politiques, en vue d’un nouvel édifice juridique qui encadrera le métier, le protégera, garantira les droits de ses acteurs, consolidera sa diversité et en même temps préservera les droits de la société.


«Autant je sens le poids de ma responsabilité politique au service de ma patrie parmi mes camarades à la direction de l’USFP, et parmi les deux groupes parlementaires, autant j’ai la nostalgie du métier de journaliste qui est un autre constituant de mon parcours.
C’est cette dialectique, du journaliste et du politique, qui se présente à mon esprit aujourd’hui encadrant ce que nous avons convenu d’appeler, dans le cadre des groupes parlementaires, le débat national  « Médias et société ».  Cette dialectique soulève l’ampleur des interrogations qui se posent aujourd’hui aux médias nationaux exigeant des réponses à l’avenir, en vue de sortir le secteur de la zone de turbulences et de cet état de flottement ainsi que de ce rapport de conflit tendu avec le pouvoir politique et la société en perspective de son institutionnalisation.
Nous lançons aujourd’hui un chantier gigantesque dont nous voulons obtenir au départ l’accumulation des contributions de toutes les composantes de la société, avec à leur tête les femmes et les hommes des médias, et les instances politiques, en vue d’un nouvel édifice juridique qui encadrera le métier, le protégera, garantira les droits de ses acteurs, consolidera sa diversité et en même temps préservera les droits de la société.
Nous envisageons aujourd’hui l’ouverture d’un chantier qui permettra de jeter de nouvelles bases pour une presse marocaine libre et professionnelle, après que l’ensemble des acteurs aient acquis la conviction ou bien de l’épuisement des cadres et des pratiques habituelles du métier ou bien du besoin de ce même métier de se développer pour acquérir davantage de liberté.
En tendant vers la réalisation de cet objectif, nous ne partons pas du vide. Il ne s’agit pas, dans le cas de la transition démocratique du Maroc, d’un passage du stade d’un Etat totalitaire à celui des prémices de la liberté, mais du stade d’un Etat enraciné où la diversité intellectuelle et de la divergence d’opinions – et de son expression-, sont restées une caractéristique principale, malgré les années de la répression politique, où la diversité intellectuelle, culturelle et politique, reconnue ou arrachée, est restée une réalité concrète. Loin de moi l’idée de vous convaincre, à partir de cette tribune, que la presse des partis démocrates nationaux était la meilleure expression de cette réalité et en même temps l’illustration vivante de la lutte pour la liberté et de la résistance de la société en vue de sa diversité. C’est l’image de la géographie et de l’histoire du Maroc diversifié.
Mesdames et Messieurs, chers collègues,
Le Maroc a entrepris, durant cette dernière décennie, de grandes réformes et une consolidation de la liberté, - en dépit des écarts des uns et des autres -, se traduisant par  la révision d’un ensemble de lois stratégiques et structurelles dans le sens de la liberté et du progrès. Parallèlement, notre pays a connu un développement notoire sur le plan économique et dans le cadre des équipements principaux. En échange, paradoxalement, le Maroc a connu un recul flagrant dans son contexte politique se traduisant par une anarchie sans précédent dans la pratique politique, au niveau des candidatures, l’élection et l’adoption de personnes non qualifiées au professionnalisme politique.
En contrepartie, surgit la question : Où en est la presse marocaine de tout cela ? Et comment a-t-elle relayé cette réalité ? Et comment l’a-t-elle présentée à l’opinion publique ? Et quelle est sa responsabilité dans l’évaluation, le redressement, la critique objective et le dévoilement des pratiques malsaines ? Pendant que la presse s’attache à son droit à bénéficier des acquis politiques réalisés par notre pays, non seulement son droit à écrire ce qu’elle veut, mais aussi à profiter de l’aide publique, nombre d’organes médiatiques n’ont pas soulevé les questions essentielles garantissant des réponses objectives, la continuité, le progrès et l’ancrage à la société.
La presse marocaine affronte aujourd’hui plusieurs questions :
La première question se rapporte au professionnalisme, non seulement dans sa partie se rattachant au produit, de son contenu et de la manière de le présenter, mais également  à l’organisation de l’entreprise et celle des infrastructures et des ressources humaines et de la formation. Et quand la presse revendique, pas vraiment à tort, le développement de l’action politique et exige des responsables politiques qualifiés pour gérer la chose publique, notre amour pour elle nous porte à lui dire également qu’elle est appelée à se développer et à développer son produit. Elle doit se rendre compte qu’elle ne peut pas se substituer à la politique, ni ne pourrait jouer le rôle de l’opposition et moins encore celui du gouvernement.
C’est la qualité qui pourrait permettre à la presse de s’acquitter de l’une de ses principales fonctions, à savoir  sa fonction pédagogique. La question du professionnalisme nous renvoie à celle de l’éthique journalistique et de la disposition de la presse à la respecter. Pourrait-on donc parler de professionnalisme en présence de la diffamation quotidienne envers des les gens ? Où en sommes-nous de cette éthique lorsque nous constatons que des organes médiatiques se sont transformés en espaces privilégiés pour les règlements de comptes politiques, financiers, et personnels ? Si plusieurs professions ont continué d’exister et ont mérité le respect des gens,  c’est parce qu’elles n’ont pas fait injure à l’intelligence de ces gens-là.  C’est parce qu’elle s’est créé une sorte d’immunité et résisté à toute sorte d’intrusion affrontant différentes formes de dérapages. Jusqu’où notre presse pourrait-elle rester le métier de tous ceux qui n’en ont pas ?
La quatrième question sur laquelle notre presse est interpellée aujourd’hui se rapporte à la crédibilité et la confiance avec ce que cela implique en termes de fidélité dans la transposition des faits et des réalités, la confrontation des points de vue, le recours à des sources crédibles. La presse est appelée à mobiliser la société et la mettre en garde contre les différentes formes de dérive, l’usage abusif du pouvoir et des responsabilités.
C’est cette sincérité qui permettra à la presse de recouvrer sa crédibilité auprès des gens et des décideurs.
En rapport avec cette question, surgit celle de l’indépendance, quand bien même elle serait relative. Elle se pose aujourd’hui avec acuité. Quand des lobbies économiques ou politiques possèdent les mécanismes d’orientation de l’opinion publique, avec à leur tête les médias, les risques de dérives anti-démocratiques deviennent grands et pourraient ainsi hypothéquer le processus de développement des sociétés. Quand on pose la question de l’indépendance, il ne faut pas entendre la neutralité ou le négatif. Nous défendons par là les valeurs de l’objectivité et de l’exigence de vérité.
La cinquième question correspond à la qualité du produit médiatique, de la langue et de la manière d’orienter le discours et l’écriture. Et sans produit de qualité, ou style sain, on ne peut forger des lecteurs de qualité. Nous devons être prudents quant au risque de voir se généraliser le syndrome de la presse de caniveau, laquelle a régné pendant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Nous devons également faire attention à ce que notre presse ne passe pas de ce stade à celui de l’anarchie médiatique.
Nous sommes conscients du fait que l’ouverture et le règne d’un climat de liberté et des droits constituent le tribut à payer, mais cela ne devrait pas nous porter à permettre de tolérer tout ce qui mettrait en danger cette même liberté. Nous allons continuer à lutter pour trouver un point de conciliation entre la liberté et la responsabilité.
Nous disons cela parce que nous sommes conscients de l’ampleur des dégâts que le pays paie en raison de la crispation et de la tension entre les autorités publiques et le contexte politique et certains constituants de la presse écrite. Nous mesurons l’ampleur de cette tension sur l’image du pays et la menace qu’elle fait planer dans la perte de la confiance du citoyen dans son pays, sa patrie et ses institutions.
Nous ne demandons pas à la presse de devenir une presse consentante, mais nous considérons qu’elle a le devoir d’accompagner, de manière critique, ce qui traverse la société, en termes de conflits, d’échecs ou de réussites.
Où se situerait la faille dans la presse nationale? C’est ce que nous cherchons à savoir en tant que parlementaires.
Et que pourrait faire le Parlement pour aider à combler cette faille ? C’est ce que nous allons chercher à faire à travers ce débat … Nous n’allons pas débiter des mots creux du genre « réforme juridique », « la révision » et ainsi de suite.
En perspective de tout cela, je dois dire : Premièrement, il faut affirmer que le principe de liberté est un acquis qu’il faut préserver et défendre à tous les moments et dans tous les cas, nous sommes des partenaires principaux avec les professionnels du secteur. Deuxièmement, il faut insister sur l’importance et la valeur de la modestie, il est intolérable que certains journalistes se mettent au-dessus de la loi, seulement parce qu’ils possèdent cette autorité symbolique qui se transforme en arme pour terrifier les gens. Troisièmement, il faut affirmer que le recours à l’étranger, en tant que carte de pression, est inacceptable du point de vue patriotique et éthique.
En contrepartie, nous considérons que le processus des poursuites et l’épée des amendes devraient rester le dernier recours et ne concerner que les cas graves. Il ne faudrait pas que cette image soit collée à notre pays. Et nous avons l’espoir que certains cas seront réparés par la grâce de Sa Majesté le Roi et sa vision compte tenu de ses prérogatives constitutionnelles.
Comment surmonter alors cette situation? Il n’y a pas de recettes préconçues, ni d’instructions préétablies ; même les lois ne sont pas suffisantes pour remettre de l’ordre dans le secteur. De quelque côté que l’on se trouve, il faut avoir recours à l’arme de la persuasion. Du côté du politique et de l’administratif, il faut être conscient de la nécessité de la liberté et de la loi dans notre pays, et du côté des professionnels des médias, il faut également être conscient de l’exigence du respect de l’éthique et du principe de la conscience professionnelle.
Cela étant, la réforme des lois selon une nouvelle méthodologie s’avère nécessaire. Et c’est là l’un des objectifs tracés pour ce débat national que nous lançons aujourd’hui. Nous espérons que ces lois soient le résultat d’un débat national dont les protagonistes seront les professionnels, les politiques et les forces vives de la société.
Notre rencontre aujourd’hui sous cette coupole possède une forte symbolique, d’autant plus qu’il s’agit de trouver une réponse à la question : quels médias nous voulons pour le Maroc du XXIème siècle ?
Notre concentration sur la presse écrite ne devrait pas nous faire oublier les progrès techniques qui ont conduit à l’avènement de médias audiovisuels développés mais dont l’impact est souvent dangereux. Le Maroc s’est rendu compte de l’importance de parier sur la communication audiovisuelle, en facilitant sa libéralisation. Ce processus s’est déclenché depuis dix années. Mais le paradoxe a voulu que cette libéralisation et la restructuration institutionnelle de ce secteur ne soient pas accompagnées d’un changement qualitatif et du développement du contenu, tant ce secteur est resté modeste dans sa performance et non attractif de l’opinion publique ; incapable de la mobiliser à des étapes charnières de l’histoire du pays.
La structure moderne de notre paysage audiovisuel et sa transformation en SNRT (Société nationale de la radiodiffusion et de la télévision) n’ont pas été accompagnées par un progrès dans sa prestation, ni au niveau de ses ressources humaines et à celui des lignes éditoriales.
Nous ne voulons pas que le fossé se creuse davantage entre nos médias publics et les chaînes satellitaires étrangères.
Cette libéralisation a eu pour résultat l’avènement de plusieurs radios privées, et cette réalité reflète la diversité et le climat de liberté, mais soulève en contrepartie la problématique de la qualité, puisque le caractère privé de ces institutions ne devrait pas l’exempter de sa responsabilité du service public dans le nivellement vers le haut de la conscience de l’opinion publique.  Les droits de ces institutions ne sont pas absolus, et la liberté dont elles jouissent ne devrait pas lui permettre de heurter le sentiment national et mettre en doute les valeurs communes des Marocains.
Alors que les plus grandes démocraties du monde reposent la question de l’identité, je crois que personne parmi nous ne permettrait que soit défigurée son identité, sous ses différents versants (musulmane, arabe, amazighe).


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