Le travail social en quête de reconnaissance et de moyens

Retards persistants dans le versement des subventions gouvernementales, manque de financement pour des programmes essentiels…


Hassan Bentaleb
Mardi 18 Mars 2025

Le travail social en quête de reconnaissance et de moyens
« Le secteur du travail social au Maroc traverse une période critique, marquée par des retards persistants dans le versement des subventions gouvernementales et un manque de financement pour des programmes essentiels. Ces difficultés financières ont des répercussions directes sur la qualité et la continuité des services sociaux, affectant à la fois les professionnels du secteur et les populations vulnérables qu’ils accompagnent. Avec plus de 40.000 travailleurs sociaux et 400 associations dépendant de ces fonds pour mener à bien leurs missions, les conséquences de ces retards sont profondes et multidimensionnelles ». C’est ainsi que la Fédération nationale des travailleuses et travailleurs sociaux (FNTTS) qualifie  la situation du secteur aujourd’hui.
 
Un retard des subventions qui paralyse le secteur
 
Un communiqué publié récemment par la FNTTS indique que « les travailleurs sociaux et les associations marocaines font face à un retard significatif dans le versement des subventions gouvernementales, engendrant une crise financière qui menace la pérennité des services sociaux, notamment ceux destinés aux personnes handicapées, aux victimes de violence et aux enfants en situation de rue. Ces populations, déjà fragilisées, risquent de se retrouver sans soutien adéquat, ce qui aggraverait leur précarité et leur isolement ».

« Les associations, qui jouent un rôle clé dans la prise en charge de ces publics, se retrouvent dans l’incapacité de payer leurs salariés, de maintenir leurs activités ou de répondre aux besoins croissants des bénéficiaires », révèle le document. Et de préciser : « Pour les 40.000 travailleurs sociaux, cette situation se traduit par des salaires impayés, une précarité accrue et une démotivation grandissante. Ces professionnels, souvent en première ligne face à des situations sociales complexes, se retrouvent ainsi doublement fragilisés : par les conditions difficiles de leur métier et par l’incertitude financière qui pèse sur leur emploi ».
 
Un programme d’appui à l’éducation des enfants handicapés en péril
 
Parmi les programmes les plus touchés, indique la FNTTS, figure celui dédié à l’éducation des enfants handicapés, qui bénéficie à près de 30.000 enfants à travers le pays. Ce programme, soutenu par une enveloppe annuelle de 500 millions de dirhams, est essentiel pour garantir l’accès à une éducation inclusive et adaptée aux besoins spécifiques de ces enfants. Cependant, la suspension ou le retard dans le versement de ces fonds menace directement la continuité des services éducatifs et sociaux offerts à ces enfants et à leurs familles.

Les associations partenaires de ce programme, ajoute la FNTTS, se retrouvent dans l’impossibilité de financer les infrastructures, les équipements spécialisés et les salaires des éducateurs et travailleurs sociaux impliqués. Cette situation risque de creuser les inégalités déjà existantes et de priver de nombreux enfants handicapés de leur droit à une éducation de qualité, pourtant essentielle à leur épanouissement et à leur intégration sociale.
 
Nécessité de reconnaissance et de protection pour les travailleurs sociaux
 
Au-delà des difficultés financières, les travailleurs sociaux au Maroc réclament une reconnaissance officielle de leur profession, conformément à la loi 45.18 relative à l’exercice des métiers du social. Cette loi, adoptée en 2018, vise à encadrer et à valoriser les métiers du social en définissant un cadre juridique et professionnel clair. Cependant, sa mise en œuvre tarde à se concrétiser, laissant les travailleurs sociaux dans une situation de flou juridique et de précarité professionnelle.

La FNTTS insiste sur l’urgence de mettre en œuvre cette loi, qui permettrait de professionnaliser le secteur, de garantir des conditions de travail décentes et de protéger les droits des travailleurs sociaux. Cette reconnaissance est d’autant plus cruciale que ces professionnels jouent un rôle central dans la mise en œuvre des politiques sociales et dans l’accompagnement des populations les plus vulnérables.

La carte d’invalidité : un outil essentiel mis en stand by
 
Parallèlement, la Fédération dénonce le retard dans l’activation de la carte d’invalidité, pourtant prévue par le décret réglementaire publié en 2021. Cette carte, destinée à faciliter l’accès des personnes handicapées aux services publics et aux avantages sociaux, représente un outil clé pour améliorer leur inclusion et leur autonomie. Cependant, son déploiement tarde à se concrétiser, privant ainsi des milliers de personnes handicapées d’un dispositif essentiel à leur bien-être et à leur participation sociale.
 
Un appel à l’action pour venir au secours du travail social
 
Face à ces défis, la Fédération nationale des travailleuses et travailleurs sociaux appelle à une mobilisation urgente des autorités publiques et des acteurs concernés. Elle réclame notamment le versement immédiat des subventions dues afin de permettre aux associations de poursuivre leurs missions et de garantir la continuité des services sociaux. Ainsi que le financement pérenne du programme d’appui à l’éducation des enfants handicapés, essentiel pour l’inclusion et l’épanouissement de ces enfants.

La mise en œuvre effective de la loi 45.18 pour reconnaître et protéger la profession de travailleur social, en améliorant les conditions de travail et en valorisant ce métier essentiel et l’activation rapide de la carte d’invalidité afin de garantir aux personnes handicapées l’accès aux droits et services qui leur sont dus figurent également parmi les revendications.

Pour les responsables de la FNTTS, le travail social au Maroc est à un tournant. Ils estiment qu’alors que les besoins sociaux ne cessent de croître, il est impératif de doter ce secteur des moyens humains, financiers et juridiques nécessaires pour remplir pleinement sa mission. Sans une action rapide et concertée, c’est toute une profession, ainsi que les populations vulnérables qu’elle accompagne, qui risquent de sombrer dans une précarité encore plus profonde, concluent-ils.

Hassan Bentaleb 


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