Da l’Houssine n’est plus


Par Nejm-Eddine Mahla
Lundi 4 Janvier 2016

Monsieur Aït Ahmed, le dernier des chefs historiques du Congrès de la Soumam de 1954,  n’est plus. Il a été et restera dans la mémoire des Algériens comme de tous ceux qui l’ont côtoyé de près ou de loin comme un pur. Ce fut un homme de principes et un démocrate accompli. Il a été depuis toujours l’éternel opposant au régime oligarchique algérien qui a usé de tous les subterfuges pour l’éliminer physiquement d’abord puis par les tentations substantielles. A l’instar de feu Mohamed Boudiaf, il a été approché en 1995 en pleine guerre civile, par les généraux pour qu’il redore le blason d’un régime en perte de vitesse. Il a récusé ce cadeau empoisonné, non pas par peur de subir le même sort que son compagnon de lutte, mais tout simplement pour ne pas cautionner les agissements barbares et inhumains de l’oligarchie militaire aux commandes depuis l’indépendance. Il avait dit à ce sujet : « Je préfère être président d’une simple commune au fin fond de l’Algérie que d’être imposé de force comme président au peuple algérien ». C’est tout l’homme, le résistant symbole qu’était Aït Ahmed. Les élections qui suivirent furent boycottées par les sept partis d’opposition, le FFS d’Aït Ahmed à leur tête.
Da l’Houssine comme aimaient l’appeler ses intimes, avait été l’un des protagonistes des réunions de Rome organisées par la communauté de Saint Egidio, lesquelles réunions avaient rassemblé tous les opposants au régime sanguinaire. Croyant dur comme fer aux vertus du dialogue, il n’a pas hésité à répondre à l’appel de cette communauté, décision qui avait soulevé à l’époque un tollé général autant chez les généraux que chez les opposants algériens qui avaient de concert considéré le fait de s’asseoir à la même table que les commanditaires de l’Ais et du Gia, faisant allusion à Anouar Khaddam représentant à l’époque du FIS dissous en Europe, comme une trahison à la mémoire des victimes. C’était mal connaître M. Aït Ahmed. Il considérait que le mal est fait et que la solution n’était ni dans l’éradication par les armes ni par le confinement et/ou l’emprisonnement dans les camps de concentration dans le Sahara comme le prônaient les militaires mais par les pourparlers de paix loin des tambours des va-t-en-guerre des deux parties qui s’entretuaient dans le maquis comme dans les villes du pays. La sale guerre  n’avait que trop duré. L’armée se devait de revenir aux casernes après avoir remis le pouvoir aux civils, ne cessait de clamer l’opposant historique. C’était là le glossaire de l’esprit des rencontres de Saint Egidio qui ont été malheureusement refusées manu  militari par la soldatesque d’Alger, le DRS à leur tête. Au lieu d’entendre la voix de la raison, les généraux persistent et signent. Quatre longues années s’écouleront pour que le pays voie enfin le bout du tunnel mais à quel prix? Ayant remporté une victoire à la Pyrrhus sur le terrain, les mêmes généraux -Médiène, Belkhir et Nezzar- font appel à un pitre sans foi ni loi pour qu’il les absolve et les adoube, une façon de leur éviter d’être poursuivis. M. Bouteflika a fait son entrée sonnée scène politique algérienne encore groguy par les assassinats et les exils ininterrompus de sa fine fleur. Des élections présidentielles ont été organisées, et le candidat du régime les remporta haut la main, sans véritable challenger, un plébiscite concocté à l’avance par le patron du DRS le généralissime démissionnaire Médiène plus connu sous le nom de Toufiq. Commence alors l’épopée Bouteflika : la concordance civile, un quatrième mandat tant décrié, des ennuis de santé et, pour finir, le baril du pétrole à 35 dollars.
Après plus d’un demi-siècle d’indépendance, l’Algérie piétine encore. Le bilan n’est guère reluisant: cinq coups d’Etat, 98% des exportations du pays sont à ce jour constitués d’hydrocarbures, un président moribond qui, vient de parapher d’une main tremblante le budget de l’année 2016, un budget qui a fait couler beaucoup d’encre et qui, selon les spécialistes, fera entrer l’Algérie dans une zone de turbulences pire que celle où elle se trouve actuellement. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, s’éteint à Lausanne en Suisse un homme qui aurait pu faire le consensus. Pour revenir au regretté Da l’Houssine, il a été jusqu’à ses derniers moments, un opposant au régime de La Mouradia puisqu’il a préféré être enterré auprès de sa mère dans le petit cimetière de son village natal Aït Yahya en Kabylie que de l’être dans celui d’El Alia au milieu de ceux qui l’ont depuis l’indépendance persécuté et avaient tenté à maintes reprises de le tuer ou de le museler. Une claque à titre posthume à ce régime béotien et autocratique qui a voulu récupérer l’état d’engouement du peuple algérien pour ce combattant symbole à leur seul profit. Mal leur en a pris. La famille, les proches du défunt ainsi que toute la Kabylie ont refusé toute présence ostentatoire des caciques du régime lors des funérailles. Le message est on ne peut plus clair.



 


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