Berlin, capitale d’une techno dopée par le tourisme de la fête


Libé
Lundi 19 Novembre 2012

Berlin, capitale d’une techno dopée par le tourisme de la fête
La techno, qui a trouvé à Berlin sa capitale, est passée en quelque 25 ans de l’underground à une véritable industrie, dopée par le tourisme de la fête, au risque, pour certains, de perdre son âme.
“A Berlin, la techno fait partie de l’ADN de la ville”. Ainsi parle Sven von Lüthen, musicien électro et co-auteur du livre “Der Klang der Familie” (“le son de la famille”) un docu-roman sorti cette année en Allemagne et à paraître fin 2013 en France. Il y retrace l’épopée des pionniers de la techno berlinoise, sur la base d’une cinquantaine de témoignages.
Il y a d’abord eu le “Tresor”, le premier club à diffuser cette nouvelle musique, “Hard wax”, un magasin de disques, et une poignée de labels, d’ailleurs associés à ces deux lieux.
Mais surtout, insiste von Lüthen, en ce début des années 90, “il y a eu, historiquement, une conjonction unique qui vraisemblablement ne se répétera jamais”.
“Cette nouvelle musique, la chute du Mur et l’espoir qui y était associé mais également la libération de nombreux espaces urbains, trois éléments qui font que Berlin ne ressemble à aucune autre ville”, détaille Heiko Hoffmann, rédacteur en chef de “Groove”, la principale revue allemande sur le genre.
La disparition du Mur a par exemple permis l’ouverture du premier “Tresor”, dans l’ancien ministère des Finances du IIIe Reich, avant que celui de l’Allemagne réunifiée ne récupère le lieu.
Côté son, la techno berlinoise, même si elle “n’a cessé de se modifier au fil des ans”, c’était “très rugueux, épais, mais avec malgré tout une âme”. Une musique née à Detroit avec des artistes comme Jeff Mills ou Derrick May, eux-mêmes “amoureux du son électronique venu d’Europe” dont l’un des précurseurs était le groupe allemand Kraftwerk, rappelle von Lüthen.
Début novembre 2012. Plusieurs dizaines de milliers de personnes et quelque 40 clubs associés célèbrent la techno lors des “Berlin Music Days” (Bermuda) dans l’enceinte de Tempelhof, aéroport désaffecté à l’intérieur de la capitale allemande.
Certes, la Love Parade (1,6 million de participants en 2006), manifestation emblématique, a disparu, victime de son succès et de l’opposition grandissante des autorités locales. Mais chaque week-end de chaque semaine, plusieurs dizaines de milliers de fêtards - dont, selon Hoffmann, “50 à 70% de touristes”, souvent arrivés grâce aux compagnies low-cost qui ont fait de Berlin un “hub” - forment de longues queues devant le “Berghain”, le “Katerholzig”, le “Watergate” ou toute autre enseigne emblématique de la capitale.
“Entre la techno berlinoise des années 90 et celle de 2012, il y a un monde, c’est juste totalement autre chose”, résume von Lüthen.
En 2005, la branche réalisait un chiffre d’affaires de 170 millions d’euros, selon une étude réalisée pour la ville-Etat.
Aujourd’hui, on se situe, “activité des labels comprise, autour du milliard”, précise Lutz Leichsenring, porte-parole de la Club-commission qui réunit ses acteurs les plus importants. Les clubs sont devenus plus professionnels et la scène, clandestine à l’origine, est devenue grand public, mais l’alcool et la drogue y sont toujours bon marché.
“Berlin est devenue une sorte de Disneyland de +l’underground+. Tout le monde fait de la musique, tout le monde est artiste, tout le monde sort tous les soirs, c’est quasi incestueux”, explique Miss Kittin, DJ installée pendant cinq ans à Berlin qui vit aujourd’hui à Paris.
D’autres regrettent “une espèce d’uniformisation du son dans tous les clubs”, comme Julien Gagnebien, représentant du label français Infiné, installé depuis sept ans à Berlin. Il regrette une scène autrefois “plus dynamique”. “Il faut trier davantage”, renchérit Miss Kittin.
Mais si Berlin n’est “pas un eldorado”, comme elle le dit, la ville reste l’étonnante capitale de cette musique. Elle continue d’attirer les artistes, comme par exemple Rone, un DJ français qui y a composé son deuxième album, nourri “par les espaces”, “le rythme” de cette ville dont il apprécie “l’énergie collective”.
Outre son incomparable scène club et ses labels, Berlin regroupe également les principales entreprises techniques du secteur, “Native Instruments” (300 salariés), “Ableton” (200), experts en logiciels et tables de mixage, ou la plate-forme de partage musical “Soundcloud”, toutes trois fondées par des gens issus de la scène locale.
Et il y reste cette “combinaison entre le côté bon marché, les espaces, des règles plutôt libérales et une interprétation elle-même libérale de ces règles”, selon von Lüthen, qui font de Berlin un endroit propice à la poursuite de cette “histoire à succès”.


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