A l'école publique, les élèves méritants n'ont pas droit à des livres sans fautes : Ces obscures valeurs de l'inégalité


Narjis Rerhaye
Mardi 6 Juillet 2010

A l'école publique, les élèves méritants n'ont pas droit à des livres sans fautes : Ces obscures valeurs de l'inégalité
"Le prophète Zakaria combattait la tyranie qui regagna quelques cœurs sombres des hébreux dont l'ingratitude aux faveurs de Dieu dépassait toute attente. Mais le Tout Puissant ne refus guère sa clémence à ses sujets humains, et ce en leur envoyant successivement des messagers rappelant la foi ".
Ceci est l'extrait d'un petit ouvrage destiné aux élèves du primaire de l'école publique. " Histoires des prophètes : Zakaria et yahya " est le titre de ce livre de 14 pages, édité en Syrie par " Dar Rabie ",  commis par un certain Omar Mohamed Al Baba. Fautes d'orthographe, de grammaire, de conjugaison, cette histoire de prophète est en fait l'histoire des défaillances du livre scolaire. L'auteur ne s'embarrasse ni de la concordance des temps ni du respect des majuscules. Pire encore, la langue française est dans tous ses états. Le livre est écrit dans un français très approximatif et regorge de toutes sortes de fautes. Ces petits fascicules nous viennent tout droit de Syrie, un pays non francophone et dont la deuxième langue est l'anglais. Question : comment de tels ouvrages sont-ils non seulement en vente au Maroc mais distribués dans les écoles marocaines aux élèves méritants ? L'école marocaine est au cœur de tous les discours officiels. Elle est inscrite au titre de priorité dans un plan d'urgence destiné à sauver l'école publique de ce pays. Toute la question est aujourd'hui de savoir quel citoyen l'école marocaine est en train de former. L'analphabétisme bilingue continuera-t-il d'être le signe distinctif des élèves qui n'ont pas d'autre choix que l'école publique ?  
L'apprentissage des langues est, on le sait, la pierre angulaire de la réforme de l'enseignement portée par la COSEF. Une réforme difficile, douloureuse, laborieuse que les enjeux politiciens ont plombé et qui  a toujours du mal à se mettre en œuvre. Dans le cursus scolaire, le français est, quoi qu'en disent certains amateurs de polémiques stériles, la deuxième langue usitée par les Marocains. Etre un excellent arabophone ne devrait pas interdire la « production » de bons francophones. Chez les élèves du primaire dont l'âge varie entre 7 et 10 ans, l'apprentissage de la langue française est de toute évidence aléatoire. En plus d'un mauvais français et d'une orthographe défaillante, les enfants du peuple ont droit non pas à une culture d'ouverture pouvant être transmise à travers la langue de Molière et de Montesquieu mais à la transmission de valeurs qui ont peu à voir avec la tolérance, le respect de l'Autre, l'égalité.
Dans « Zakaria et Yahya », la femme du prophète Zakaria rêve de mettre au monde un garçon et non pas une fille, « un garçon qui accomplirait les commandements saints dans la maison de Dieu. Dans ce petit livre, exactement puisé dans le même registre que ces petits livres jaunes aux prix modiques qui ont façonné d'étranges musulmans en terre marocaine, les juifs tuaient les prophètes car « ces derniers leur rappelaient le chemin de Dieu. Ce chemin qui gêne l'avidité des pécheurs dont ils faisaient partie ».
Qui contrôle les contenus des ouvrages destinés à ces jeunes élèves, citoyens de demain ? Quelles valeurs de la citoyenneté et quels principes des droits humains l'école marocaine tente-t-elle de leur inculquer ? La culture de la citoyenneté, de l'égalité et de la modernité est un long apprentissage qui commence dès l'école. Mais si l'école est elle-même diffuseur d'erreurs, de fautes d'orthographe, d'analphabétisme, d'intolérance et d'inégalité, le Maroc faisant le pari de la modernité, de la démocratie et de l'ouverture ne sera qu'un simple slogan échappé d'un discours aux fortes odeurs de la langue de bois.


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