
Entre un mauvais et un bon politique, cela fait toute la différence: l'un s'en tient à l'effet visible; l'autre tient compte de l'effet qu'on voit et de ceux qu'il faut prévoir.
Pis, le premier peut être même un adepte invétéré des embellies conjoncturelles fort bien accueillies par les urnes si leur retour de bâton se situe dans le moyen et le long termes, alors que les bons politiques inscrivent généralement leur action dans des stratégies au long cours censées réaliser le progrès économique et social au risque de produire leurs effets sans prendre compte des urgences induites par les calendriers électoraux.
A titre d’illustration, certaines des décisions courageuses prises sous le gouvernement d’Alternance formé en mars 1998 n’ont commencé à avoir d’effets palpables que depuis fort peu. Il aura fallu que trois Exécutifs se succèdent aux commandes et qu’une nouvelle Constitution en abroge une autre pour que le Ramed, l’Amo et d’autres stratégies sectorielles ou chantiers du même acabit puissent commencer à atteindre leurs cibles voire les résultats escomptés.
Ces projets, faut-il le rappeler, se fixaient tous comme objectif de développer le Maroc ou d’offrir certains services à ses citoyens sans pour autant attenter à leur pouvoir d’achat. Un choix auquel les chantiers de réforme initiés par les gouvernements Benkirane I et II ont tourné le dos à en juger par la décompensation des hydrocarbures, l’ouverture du secteur de la santé aux investissements privés non médicaux, la privatisation à outrance de l’enseignement supérieur, le projet de réforme des Caisses de retraite et le reste à l’encan. Des réformes dont le caractère antisocial est patent et dont les méfaits ne manqueront pas de se faire bientôt sentir. Au grand dam des couches démunies qui n’auront désormais plus que les yeux pour pleurer.
De pareils projets, l’Histoire retiendra ce que Chateaubriand en a dit dans ses «Mémoires d'outre-tombe»:
«Il y a deux conséquences en histoire: l'une immédiate et qui est à l'instant connue, l'autre éloignée et qu'on n'aperçoit pas d'abord. Ces conséquences souvent se contredisent; les unes viennent de notre courte sagesse, les autres de la sagesse perdurable. L'événement providentiel apparaît après l'évènement humain. Dieu se lève derrière les hommes. Niez tant qu'il vous plaira le suprême conseil, ne consentez pas à son action, disputez sur les mots, appelez force des choses ou raison ce que le vulgaire appelle Providence; mais regardez à la fin d'un fait accompli, et vous verrez qu'il a toujours produit le contraire de ce qu'on en attendait quand il n'a point été établi d'abord sur la morale et la justice».