​Les palais du pavot ou l’opulence dans le Beverly Hills de Kaboul

Des villas louées entre 25.000 et 60.000 dollars par mois


Jeudi 21 Mai 2015

​Les palais du pavot ou l’opulence dans le Beverly Hills de Kaboul
Dans le “Beverly Hills de Kaboul”, les villas aux colonnades prétentieuses, aux lustres gigantesques et aux sculptures guindées semblent trop éblouissantes pour être honnêtes.
Ces propriétés aux couleurs criardes coûtent plusieurs millions de dollars et sont surnommées les “palais du pavot” en raison des soupçons sur l’origine de l’argent qui a servi à les ériger, probablement liée au trafic de drogue. Elles détonent dans une ville qui porte encore les stigmates de 35 ans de conflit. “Pensez-y un peu! Comment un fonctionnaire payé 2.000 dollars par mois peut-il s’offrir une maison de luxe de 2,5 millions de dollars sur un terrain qui vaut à lui seul un million de dollars?”, s’interroge Bashir Omar, patron d’une agence immobilière à Kaboul.
“D’où vient leur fortune?”, dit-il, en ajoutant que le financement de ces villas du quartier Sherpour reste opaque. Pour louer ces villas en forme de gâteaux de mariage et devenir voisins de célèbres chefs de guerre, il faut débourser entre 25.000 et 60.000 dollars par mois. Sorties de terre à la faveur de la croissance exceptionnelle qu’a connue le secteur du bâtiment après la chute du régime taliban en 2001, ces maisons pompeuses étaient même deux fois plus chères il y a deux ans, en raison de la forte présence de prestataires de services étrangers, d’entreprises de sécuritée et d’agences humanitaires.
Mais le départ progressif des étrangers, alors que l’Otan a mis fin à sa mission de combat de 13 ans en Afghanistan, et la peur d’un retour des talibans, ont fait chuter les prix et fleurir les panneaux “à louer” dans le quartier. 
“Le marché est proche de zéro”, déplore Abdul Latif, agent immobilier à Kaboul, pendant la visite d’une propriété de 52 pièces avec terrasses et vue sur un jardin orné de roses.
Tout en marbre et granit, ce palais brun clair érigé derrière de hauts murs surmontés de barbelés est à louer depuis près de six mois mais n’a pas trouvé preneur.
Le propriétaire y a même fait construire un abri à l’épreuve des bombes, pour protéger les habitants des attaques d’insurgés, explique M. Latif, rapporte l’AFP.
Mais “les gens riches quittent Kaboul”, déplore-t-il, sa voix résonnant entre les murs vides de la villa.
L’alignement de ces petits châteaux inoccupés à Sherpour symbolise l’économie en panne en Afghanistan, où l’aide étrangère, arrivée par milliards de dollars depuis 2001, se tarit.
Avec le retrait récent des forces de combat de l’Otan et l’incertitude sur l’avenir du pays, l’économie afghane s’est contractée. Les “nouveaux riches” ont déplacé leurs capitaux vers Dubaï, la Turquie, le Pakistan et l’Inde, selon les experts. 
Alors que le pays tente de réduire sa dépendance envers l’argent étranger, les mauvais esprits en Afghanistan comparent souvent ce pays à un patient qui serait tombé dans le coma après avoir survécu pendant des années sous perfusion.
Mais les villas kitsch de Sherpour symbolisent aussi un autre problème majeur dans le pays, la corruption: Sherpour est ainsi connu sous le nom de “Sher-chur” (le butin du lion).
Avant l’intervention internationale de 2001 menée par les Américains, ce quartier était un terrain à flanc de colline où vivaient des réfugiés.
Les organisations de défense des droits de l’Homme ont accusé les chefs de guerre et la nouvelle classe dirigeante d’y avoir envoyé les bulldozers en 2003 afin de chasser ces va-nu-pieds. 
Aujourd’hui, les spéculations vont bon train sur l’origine de l’argent investi dans la construction de ces villas, qui serait lié à la production d’opium en Afghanistan, qui génère trois milliards de dollars par an.
Mais “les palais du pavot de Sherpour ne symbolisent pas seulement l’impunité, la corruption et l’abus de pouvoir”, souligne Vanda Felbab-Brown, experte de l’économie illicite en zones de conflit, au sein du cercle de réflexion Brookings Institution.
Ces petits châteaux symbolisent aussi “une grande division de la société afghane au cours de la dernière décennie”, dit-elle.


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