La musique et l’amour


Najib Allioui
Mercredi 19 Février 2025

L’art, la musique plus précisément, avec toutes ses formes variées, peut nous offrir cette dose de plus, celle d’aimer mieux et davantage que les autres. Faire de nous des humains qui se sentent sans cesse plus responsables que les autres, plus amoureux d’autres, la musique en est capable, elle peut veiller à cette dose, car elle  est là où le mal n’est pas, ou, mieux, elle peut mettre à mort doucement le monstre.

La musique est une âme, maître du corps. Lorsque Dostoïevski écrit qu’il est plus responsable que les autres, il n’écrit pas seulement, il nous aime profondément. Vibration de l’âme et du corps, la musique serait la grande médecine. Grâce à la musique, on peut éprouver ce sentiment que tout est amour.

Quand j’écoute la chanson de Fleetwood Mac, «Everywhere», par exemple, je ne me soucie pas de comprendre le sens des choses, mais, à l’écouter simplement, je me régale, je sens que mes forces sont importantes, vives, vivantes et vivifiantes (on se dote d’une grâce vivifiante, spirituelle).
«Musiquer», ce verbe créé par Apollinaire ne signifie-t-il pas simplement aimer ?
Tout vibre en moi, car je ne suis plus un corps simple, mais une âme qui danse de et à l’intérieur. Il suffit de la voix des instruments et de la musique, avec la voix sublime de la chanteuse, Christine McVie, pour que tout danse en moi-même, et l’humanité avec. Oui, c’est çà la musique, c’est l’amour, c’est la joie et la joie de vivre. L’art de la musique nous fait comprendre par l’émotion que l’individu représente  toute l’espèce humaine car il l’est. On ne peut pas y échapper, « Je est un autre » (Rimbaud), « Soi-même comme un autre » (Ricoeur), etc.

Or, détrompons-nous ! Il ne s’agit pas de croire que la musique se veut une morale cédant au principe de ressemblance, ce discours qui tient à cœur à plus d’un, au contraire, elle privilégie la différence. Certes, on est les mêmes, et il va de soi du fait que nous avons tous le même sang rouge, néanmoins, on n’est pas les mêmes du moment que nous n’avons pas le même goût, le même style, la même langue, la même culture, la même musique…

La musique me rappelle non seulement que je suis différent des autres, mais que je leur ressemble en même temps. C’est cet autre dans le même qui est au centre de l’émotion que me fait éprouver la musique. Il est certes vrai que ce sentiment s’impose vaguement au début, mais à y réfléchir, on découvre que la musique est un art philosophique par excellence.  Cet art ne se limite pas à une simple connaissance enfermée dans son carcan, mais il va jusqu’à susciter des émotions des plus rares, humainement parlant, quand bien même il serait difficile de les traduire. C’est la connaissance des émotions, la musique.
C’est que la musique est amour, et nous gardons avec elle l’idée que Tout est Amour. Il n’y a que l’Amour, le monde est Amour. Or, on ne s’en aperçoit que quand on danse de l’intérieur, et ce grâce à ELLE.

Apollinaire le disait, bien qu’il ait déclaré qu’il tienne la musique en peu d’estime; en ce qui nous concerne, nous ne le croyons pas un seul instant, et si nous devions le croire, nous le comprendrions autrement, c’est-à-dire, peut-être veut-il parler de cette musique de certains allemands qui l’ennuyaient, selon ses dires. Il pense que la musique, poétique bien sûr, car la musique, ou bien elle est poésie ou bien elle n’est pas, dispose de ce pouvoir de rendre l’homme plus jeune, au sens positif. Une jeunesse des idées est possible, et elle peut être influencée positivement par la musique.

Nietzsche est allé plus loin au sujet de la musique, car il a affirmé que sans la musique, la vie serait une erreur. Dans le même ordre d’idées, on peut citer l’adage qui consiste à dire que la musique est l’âme du corps, ou encore: la musique adoucit les mœurs. Tous ces arguments d’autorité nous invitent à penser à la relation qu’entretiennent la musique et la poésie. Effectivement, la musique fonctionne comme la poésie, dès lors qu’elles travaillent toutes les deux à notre apaisement. Ce rapport étroit entre elles se clarifie davantage par l’intérêt partagé mutuellement par le poète et le musicien pour les deux passions. Nous les qualifions ainsi car toutes les deux ne remplissent leur fonction véritable que si elles sont le fruit d’une vraie passion, contrairement à de la  petite musique !

Raison pour laquelle, on perd de vue l’essentiel si on croit que la poésie ou la musique (nous en parlons ici comme si c’étaient les mêmes, non pas sur le plan formel, mais sur le plan émotionnel) ne sont pas un besoin nécessaire ; au contraire, elles sont plus que jamais essentielles, car elle sont vitales. Quand Aragon écrit qu’il est temps d’apprendre à vivre, car il est déjà trop tard, il a compris que la vie est extrêmement attachée à la poésie, et que la vie sans la poésie serait cette survie, fondée sur les éléments prosaïques, nécessaires à la survie, non à la vie. Sans la poésie, la vie est comme en retard. Il nous faudra toujours un grain de beauté ajouté à la prose, le grain de beauté, c’est la poésie. A noter bien que la poésie n’est pas ici celle écrite dans les bouquins, mais c’est surtout celle intime à la vie, car la poésie émane de la vie, de cette passion pour la vie. Le poète est quelqu’un qui aime trop la vie, mais il n’a pas peur de mourir !

Ce que nous disons de la poésie s’applique parfaitement à notre sens à la musique, car la musique est poésie et vice versa. La musique nous sauvera. Si donc on s’arrêtait un instant pour apprécier la musique, nous gagnerions du moins en ces temps-ci de musiquer, c’est-à-dire, d’aimer.
Et c’est dans la musique où on chantait : «Parlons aux inconnus, sortons de l’ignorance !»…
Et c’en sera jamais fini de la musique !

Par Najib Allioui


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Tags : amour, musique

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