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Le marché boursier américain semble ignorer la crise, avec des performances de plus en plus surprenantes. Comment expliquezvous cette tendance ?
A mon sens, il y a trois principaux moteurs de la performance record qu’on a vue jusqu’à présent. Le premier c’est d’abord le stimulus monétaire que le gouvernement américain (et d’autres gouvernements d’ailleurs) a introduit au début de la crise, et qui a permis au consommateur américain de continuer à consommer, même pendant le pire de la pandémie en mars et avril derniers. Bien sûr, pour cela, le gouvernement américain a utilisé sa capacité d’emprunt et de dépense pour stimuler l’économie à court terme, chose qu’il ne peut pas faire indéfiniment. Le deuxième moteur (et celui-là c’est le plus surprenant), est celui de la transition accélérée de l’économie physique vers le numérique, surtout dans des domaines comme le e-commerce et les services accessibles en ligne.
Pour les centaines de millions de consommateurs qui se sont retrouvés à travailler à domicile, accéder à des services de divertissement en ligne, et des services qui minimisent le contact physique et le risque de contagion à la Covid sont devenus indispensables. Et là, on a assisté à des changements sans précédent. Des changements auxquels on s’attendait en cinq ans sont arrivés en cinq mois. Le troisième moteur est celui des taux d’intérêt extrêmement bas et qui poussent les gérants de portefeuilles à prendre plus de risque, c’est-à-dire investir dans des industries moins mûres, plus spéculatives, comme la Big Tech, pour réaliser de meilleurs retours sur investissements. Ce besoin a poussé, et continue à pousser, ces gérants à optimiser leurs portefeuilles et à mettre une prépondérance Tech plus importante, qui fait qu’aujourd’hui il y a beaucoup plus de demande que d’offres pour ce genre de titres, et donc qui poussent les prix des actions à des niveaux records.
La Big Tech a bien su tirer son épingle du jeu au cours des dix derniers mois, avec des bénéfices et des chiffres d’affaires faramineux (Amazon notamment). Quel est le secret de ces performances ?
Oui, comme on disait, les changements sans précédent du comportement des consommateurs et la montée en puissance de l’e-commerce ont grandement contribué aux performances des entreprises de la Big Tech. La pénétration de l’e-commerce aux Etats-Unis par exemple est passée de 15% à 30% en moins d’un an, alors que ça grimpait de 2 à 3% par an avant la pandémie, ce qui a permis aux compagnies Big Tech de bien en profiter. Des compagnies comme Amazon, eBay, Peloton, Alibaba, Google, FB, SNAP, etc, ont vu leurs ventes et profits battre des records pendant les six derniers mois.
Ces dernières semaines, un phénomène pour le moins surprenant a marqué la bourse de New York, avec la flambée inattendue du titre de GameStop avant de chuter tout aussi subitement. Pouvez-vous nous éclairer sur ce phénomène, et doit-on s’attendre à d’autres épisodes similaires ?
C’est une tendance plutôt nouvelle, celle de voir les titres d’entreprises non-Tech réagir de la sorte. On peut dire que c’est une façon que les petits porteurs ont trouvée pour essayer de tenir tête aux grands gérants des fonds d'investissement spéculatifs. GameStop est un titre assez particulier dans la mesure où il était très «shorté», à plus de 100% par des hedge funds qui pariaient sur la chute et même la disparition éventuelle de cette société. «Shorter» une action, c’est le fait de l’emprunter (en payant des intérêts bien sûr au propriétaire) et de la vendre, avec le but de la racheter plus tard à moindre prix pour ensuite la restituer à son propriétaire et d’empocher la différence. Les petits porteurs se sont organisés à travers un site web qui s’appelle Reddit et ont décidé de commencer à acheter les actions de cette société en masse, ce qui a fait flamber le prix. Ce phénomène a forcé les fonds d'investissement spéculatifs à "couvrir leur short", c’est-à-dire à racheter les actions qu’ils avaient «shortées», parce que plus le prix grimpait, plus ils perdaient de d’argent. Ce bras de fer a fait perdre à ces fonds des milliards de dollars pendant une période très courte.
Après un moment, comme la valeur intrinsèque de la compagnie ne pouvait plus être justifiée par la hausse du prix de son action, la demande a chuté et avec elle, le prix aussi. Il est important de souligner ici que le gouvernement américain, à travers la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de la bourse, est en train de se pencher sur ce dossier pour voir s’il y a eu manipulation, ce qui est interdit par la loi financière américaine et passible d’amendes très lourdes. Tout ça pour dire qu’à travers des plateformes électroniques nouvelles comme Robinhood, qui permettent aux petits porteurs d’avoir accès à beaucoup d’informations financières et surtout d’acheter et de vendre des actions sans payer de commissions, ces petits porteurs sont maintenant habilités à lancer des défis aux plus grands des gérants de portefeuilles, et même parfois à leur faire causer de lourdes pertes. La question qui nécessite une réponse aujourd’hui est de savoir: est-ce qu’il y a eu faux jeux ou pas ? Si la SEC décide qu’il n’y a pas eu de manipulation, je pense qu’il y aura un déluge de cas comme GameStop dans l’avenir.
A mon sens, il y a trois principaux moteurs de la performance record qu’on a vue jusqu’à présent. Le premier c’est d’abord le stimulus monétaire que le gouvernement américain (et d’autres gouvernements d’ailleurs) a introduit au début de la crise, et qui a permis au consommateur américain de continuer à consommer, même pendant le pire de la pandémie en mars et avril derniers. Bien sûr, pour cela, le gouvernement américain a utilisé sa capacité d’emprunt et de dépense pour stimuler l’économie à court terme, chose qu’il ne peut pas faire indéfiniment. Le deuxième moteur (et celui-là c’est le plus surprenant), est celui de la transition accélérée de l’économie physique vers le numérique, surtout dans des domaines comme le e-commerce et les services accessibles en ligne.
Pour les centaines de millions de consommateurs qui se sont retrouvés à travailler à domicile, accéder à des services de divertissement en ligne, et des services qui minimisent le contact physique et le risque de contagion à la Covid sont devenus indispensables. Et là, on a assisté à des changements sans précédent. Des changements auxquels on s’attendait en cinq ans sont arrivés en cinq mois. Le troisième moteur est celui des taux d’intérêt extrêmement bas et qui poussent les gérants de portefeuilles à prendre plus de risque, c’est-à-dire investir dans des industries moins mûres, plus spéculatives, comme la Big Tech, pour réaliser de meilleurs retours sur investissements. Ce besoin a poussé, et continue à pousser, ces gérants à optimiser leurs portefeuilles et à mettre une prépondérance Tech plus importante, qui fait qu’aujourd’hui il y a beaucoup plus de demande que d’offres pour ce genre de titres, et donc qui poussent les prix des actions à des niveaux records.
La Big Tech a bien su tirer son épingle du jeu au cours des dix derniers mois, avec des bénéfices et des chiffres d’affaires faramineux (Amazon notamment). Quel est le secret de ces performances ?
Oui, comme on disait, les changements sans précédent du comportement des consommateurs et la montée en puissance de l’e-commerce ont grandement contribué aux performances des entreprises de la Big Tech. La pénétration de l’e-commerce aux Etats-Unis par exemple est passée de 15% à 30% en moins d’un an, alors que ça grimpait de 2 à 3% par an avant la pandémie, ce qui a permis aux compagnies Big Tech de bien en profiter. Des compagnies comme Amazon, eBay, Peloton, Alibaba, Google, FB, SNAP, etc, ont vu leurs ventes et profits battre des records pendant les six derniers mois.
Ces dernières semaines, un phénomène pour le moins surprenant a marqué la bourse de New York, avec la flambée inattendue du titre de GameStop avant de chuter tout aussi subitement. Pouvez-vous nous éclairer sur ce phénomène, et doit-on s’attendre à d’autres épisodes similaires ?
C’est une tendance plutôt nouvelle, celle de voir les titres d’entreprises non-Tech réagir de la sorte. On peut dire que c’est une façon que les petits porteurs ont trouvée pour essayer de tenir tête aux grands gérants des fonds d'investissement spéculatifs. GameStop est un titre assez particulier dans la mesure où il était très «shorté», à plus de 100% par des hedge funds qui pariaient sur la chute et même la disparition éventuelle de cette société. «Shorter» une action, c’est le fait de l’emprunter (en payant des intérêts bien sûr au propriétaire) et de la vendre, avec le but de la racheter plus tard à moindre prix pour ensuite la restituer à son propriétaire et d’empocher la différence. Les petits porteurs se sont organisés à travers un site web qui s’appelle Reddit et ont décidé de commencer à acheter les actions de cette société en masse, ce qui a fait flamber le prix. Ce phénomène a forcé les fonds d'investissement spéculatifs à "couvrir leur short", c’est-à-dire à racheter les actions qu’ils avaient «shortées», parce que plus le prix grimpait, plus ils perdaient de d’argent. Ce bras de fer a fait perdre à ces fonds des milliards de dollars pendant une période très courte.
Après un moment, comme la valeur intrinsèque de la compagnie ne pouvait plus être justifiée par la hausse du prix de son action, la demande a chuté et avec elle, le prix aussi. Il est important de souligner ici que le gouvernement américain, à travers la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de la bourse, est en train de se pencher sur ce dossier pour voir s’il y a eu manipulation, ce qui est interdit par la loi financière américaine et passible d’amendes très lourdes. Tout ça pour dire qu’à travers des plateformes électroniques nouvelles comme Robinhood, qui permettent aux petits porteurs d’avoir accès à beaucoup d’informations financières et surtout d’acheter et de vendre des actions sans payer de commissions, ces petits porteurs sont maintenant habilités à lancer des défis aux plus grands des gérants de portefeuilles, et même parfois à leur faire causer de lourdes pertes. La question qui nécessite une réponse aujourd’hui est de savoir: est-ce qu’il y a eu faux jeux ou pas ? Si la SEC décide qu’il n’y a pas eu de manipulation, je pense qu’il y aura un déluge de cas comme GameStop dans l’avenir.