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Plus que les faits eux-mêmes, déjà connus, ce sont leurs conclusions qui étaient attendues. Elles sont sans appel. Selon le rapport, dévoilé ce lundi par Le Monde, les violences sont constitutives «d’un crime contre l’humanité». La commission ajoute «qu’il existe des motifs raisonnables de présumer (...) d’une responsabilité pénale individuelle», «voire d’une responsabilité de commandement» du président, le capitaine Moussa Dadis Camara. Elle incrimine également directement deux officiers dont la présence sur les lieux des violences avait été corroborée par de nombreux témoignages : le lieutenant Aboubacar «Toumba» Diakité, aide de camp du président, et le ministre chargé des Services spéciaux, le commandant Moussa Thégboro Camara (sans lien avec Dadis Camara).
La sévérité de ces mises en cause s’expliquent par l’enchaînement des événements mis en lumière par l’enquête. Pour l’ONU, les meurtres ne sont pas de simples «bavures» de forces de l’ordre débordées comme l’affirme le gouvernement guinéen, mais le fruit d’une attaque «généralisée et systématique». Le but de cette répression qui a duré trois jours et causé la mort d’au moins 156 personnes était d’instaurer un climat de terreur parmi les opposants à une candidature du capitaine Camara à l’élection présidentielle.
Le drame s’est noué dès l’aube du 28 septembre, alors que les premiers manifestants se dirigeaient vers le stade. «Un premier incident mortel a été enregistré à 300 mètres du stade lorsqu’un jeune a été tué par balle.» Une fois les opposants dans l’enceinte, «les bérets rouges ont tiré en rafales sur la foule», décrivent les enquêteurs. «Les manifestants qui cherchaient à fuir ont été tués par les bérets rouges (...), d’autres ont été poignardés ou bastonnés (...) de même que systématiquement pillés.»«Des viols et des violences sexuelles ont été commis presque immédiatement», rapporte également l’ONU qui souligne aussi de nombreux cas de «femmes enlevées (...) et détenues à des endroits différents comme esclaves sexuelles plusieurs jours». Les médecins ont, quant à eux, reçu «l’ordre ne pas soigner les blessés», transportés dans les hôpitaux.
La sévérité de ces constatations, en forme de réquisitoire, a semblé surprendre les autorités de Conakry. Hier, Idrissa Chérif, le ministre de la Communication et porte-parole de la junte, affirmait simplement que le travail de l’ONU était entaché de «vice de forme». «Les autorités de Guinée avaient demandé cette enquête. Le rapport aurait dû nous être remis avant d’être rendu public», expliquait-t-il, y voyant «un complot ou peut-être une machination». Les démocrates guinéens, de leur côté, se montraient eux aussi prudents. «C’est à l’ONU de décider des suites à donner», indiquait l’opposant Alpha Condé.
Le rapport ouvre en effet la voie à des poursuites devant la Cour pénale internationale (CPI), qui avait déjà engagé une enquête préliminaire sur les événements du 28 septembre. La Guinée étant signataire des accords qui ont fondé la CPI, les magistrats de La Haye pourraient même se passer d’un accord du Conseil de sécurité qui rebat aussi les cartes de la politique guinéenne. Moussa Dadis Camara, blessé à la tête par une balle tirée le 3 décembre dernier par le lieutenant Diakité, est toujours soigné au Maroc. Mais l’avenir politique du chef de la junte apparaît désormais très compromis, comme celui de ses proches. Une situation qui pourrait pousser le timide général Sékouba Konaté, qui a pris les commandes du pays «par intérim», à chercher un compromis avec la communauté internationale. À moins que les extrémistes du régime ne choisissent la fuite en avant.