Tsunami. On en parle et reparle

Pour la DGM, la baisse du niveau de la mer observée récemment sur les côtes marocaines n’a rien d’inhabituel


Hassan Bentaleb
Mercredi 7 Août 2024

Tsunami. On en parle et reparle
La Direction générale de la météorologie (DGM) rassure l’opinion publique nationale : La baisse du niveau de la mer observée récemment sur les côtes marocaines n’a «rien d’inhabituel» et n’a «aucun lien avec le phénomène du tsunami», qui est «une onde longue engendrée par une secousse sismique sous-marine qui provoque un déplacement soudain du fond de l’océan».
En effet, et depuis une semaine, la menace d’un tsunami sur les côtes marocaines est sujet de débat et d’inquiétude, amplifié par des vidéos et des photos décontextualisées avec des messages laissant penser le pire. Mais est-il vrai que notre pays ne risque pas un tel scénario ?

Difficile de répondre à cette question avec précision et d’une manière définitive. Car si le risque d’un tsunami est probable au niveau des côtes atlantiques, il se présente comme inéluctable au niveau des côtes méditerranéennes.
 
Risque probable
 
Selon une note de ThinkHazard, relevant de la Banque mondiale, qui offre un panorama général des risques naturels, « le risque de tsunami au Maroc est modéré, d’après les informations de modélisation actuellement disponibles. Il y a une probabilité de plus de 10% qu’un tsunami susceptible de causer des dommages survienne au cours des 50 prochaines années ». 

Sur un autre registre, la même note indique que « les zones exposées à un risque de tsunami s’étendront avec l’élévation mondiale du niveau de la mer. Selon le GIEC (2013), l’élévation mondiale du niveau de la mer dépendra de divers facteurs, et les estimations pour 2100 sont comprises entre environ 20 cm et près d’un mètre. Les projets situés dans une zone côtière de faible altitude, comme un delta, ou sur une île, devraient être conçus pour résister à l’élévation projetée du niveau de la mer ».

De son côté, l’Institut Royal des études stratégiques (IRES) a déjà expliqué dans un rapport datant de 2010 intitulé : «Littoral marocain et changement climatique», qu’au Maroc, il y a «l’impression que la menace n’est pas présente et que l’impact du changement climatique sur le littoral peut paraître réduit, de prime abord (une élévation de quelques millimètres par an), et à effet lointain (1 m d’élévation dans les scénarios pessimistes à l’échéance 2100)». Toutefois, les experts de l’IRES estiment que «les dynamiques en cours, sur le littoral, doivent nous inciter à prendre les précautions nécessaires». «Car le combat, selon eux, pour nous adapter aux effets du changement climatique sur le littoral, est de même nature et parfois de même forme que celui que nous sommes dans l’obligation de lancer de manière urgente, pour lutter contre les dynamiques négatives en cours et pour corriger les dysfonctionnements qui en sont responsables, à savoir : l’érosion des plages sableuses est largement entamée, la pollution des côtes est inquiétante, la sur-occupation du trait de côte est étouffante, les modes d’occupation défigurent de manière durable cette ressource précieuse, la biodiversité côtière est en dégradation rapide », constate  l’IRES.

A ce propos, ils ont appelé les décideurs à agir rapidement pour changer ces tendances rapides et à effet cumulatif.  D’après eux, « toute action positive dans ce sens, c'est-à-dire toute action sur des changements qui ne sont forcément pas d’ordre climatique, aura sans doute des retombées positives en termes d’adaptation au changement global ».
 
Risque inéluctable
 
De son côté, une récente  étude parue dans la revue scientifique «Pure and Applied Geophysics » intitulée : «Probabilistic tsunami in the Mediterranean Sea», affirme que «la région Méditerranée risque de faire face à un tsunami de grande ampleur». La Commission océanographique intergouvernementale estime à 100% la probabilité de survenance d’un tel évènement d’ici les 30 prochaines années. Pis, cette « hypothèse qui existe depuis des années, a vu ses prévisions de réalisation augmenter en raison du changement climatique ».

La côte atlantique espagnole est l’une des zones les plus susceptibles d’être touchées par un tsunami à cause de la faille marine d’Averroes, située dans la mer d’Alboran en Méditerranée, capable de générer des vagues de six mètres de haut et pouvant atteindre la côte espagnole en moins de 25 minutes.

Dans les Iles Canaries, les vagues pourraient dépasser les 8 mètres. Dans les villes portuaires de Huelva et Cadix, situées au sud-ouest de l’Espagne, les probabilités de survenance d’un tsunami d’un mètre et de trois mètres sont respectivement de 10% et 3%.
Le rapport présente également les zones à faible risque de tsunami dont la côte cantabrique au Nord de l’Espagne où la montée des eaux serait de moindre intensité (un demi-mètre), notamment dans les communautés d’Asturies, de Cantabrie et du Pays-Basque.

Que faut-il faire face à cette situation ? Pour faire face aux graves impacts du changement climatique actuel et futur, le Maroc s’est engagé dans la promotion de mesures d’adaptation et le renforcement de la résilience face aux risques climatiques. Deux priorités qui constituent l’un des piliers sur lesquels repose le Plan climat national 2030 et qui ont été reprises dans le Plan national stratégique d’adaptation (PNSA) qui constitue désormais une feuille de route pour mettre en place une politique nationale coordonnée d’adaptation au niveau national et territorial.

Le PNSA promeut des actions pour réduire l’impact climatique grâce à une capacité institutionnelle renforcée à l’échelle nationale, sectorielle et locale, une meilleure gestion des connaissances, et une approche convergente pour l’adaptation au changement climatique et la réduction des risques associés aux catastrophes climatiques.

L’approche d’adaptation au changement climatique du Maroc intègre également des aspects touchant les systèmes socioéconomiques et naturels les plus vulnérables, à l’instar du littoral marin, des montagnes et des oasis, des groupes de population, et des communautés urbaines et rurales. Ces systèmes sont confrontés à des problèmes critiques qui nécessitent une réponse cohérente et extensive sous forme d’interventions d’adaptation transformatrices visant à minimiser les risques et vulnérabilités climatiques.

Hassan Bentaleb

Définition du phénomène

Qu'est-ce qu'un tsunami ?
Le mot « tsunami » est issu du japonais « tsu » qui veut dire  « port » et nami qui veut dire « vague », « vague de port ». Il s’agit donc d’une onde qui se propage dans un contexte aquatique (océan ou mer), provoquée par le brusque mouvement d'un grand volume d'eau. Le mot tsunami a été officialisé en 1963, plutôt que le terme de « raz-de-marée » pour éviter l'association fausse avec les marées.

Ce mouvement peut être dû à un séisme, une éruption volcanique sous-marine de type explosive ou à un glissement de terrain sous-marin de grande ampleur. Un tsunami n'est en aucun cas la conséquence d'éléments à caractère météorologique (vents, ...).
La problématique des tsunamis du bassin méditerranéen occidental est particulière : l’ampleur et la fréquence de ces tsunamis sont plus faibles que dans le Pacifique (ordre de grandeur sur la côte de l’ordre de 2 mètres), mais le temps de réaction nécessaire est beaucoup plus court (30 minutes au maximum). Le temps de retour des tsunamis provoqués par les séismes en Méditerranée occidentale a été estimé à 10.000 ans environ sur chaque structure sismogénique majeure.
 
Les principaux séismes tsunamigènes en Atlantique nord-est et Méditerranée occidentale
Quelle est l'origine des tsunamis ?
 
L’intensité et la fréquence des tsunamis susceptibles d’atteindre le littoral de la métropole française sont bien inférieures à celles des tsunamis observés au niveau des océans Pacifique et Indien. Cependant, le risque existe.
Concernant la côte de la métropole française, les tsunamis peuvent être provoqués soit par : des séismes (rupture de faille localisée au niveau de la mer Ligure ou de la marge maghrébine), au des effondrements gravitaires sous-marins ou côtiers.
Les observations historiques des phénomènes ainsi que les connaissances actuelles de l’aléa « tsunami », obtenues par simulations numériques, indiquent la possibilité de vagues près du rivage jusqu’à 1 à 2 m d’amplitude, avec un temps d’arrivée variable à la côte de l’onde tsunamigène.

Pour les tsunamis d’origine sismique : quelques minutes seulement pour des évènements provoqués par des séismes localisés en mer de Ligurie, plus ou moins une heure pour des séismes localisés au large de la côte nord-africaine.
Pour les tsunamis d’origine gravitaire, le temps de propagation peut être de moins d’une minute à quelques dizaines de minutes selon la distance entre la côte et le mouvement de terrain. La période de retour d’un tsunami de telle ampleur est de l’ordre de plusieurs dizaines à quelques centaines d’années.

Source : Observatoire régional des risques majeurs en Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Les tsunamis historiques connus ayant affecté (ou ayant pu affecter) la côte ouest marocaine

 • Le tsunami de 382, généré par le tremblement de terre ressenti dans toute la Méditerranée orientale, aurait occasionné un tsunami jusqu’à sur la côte sud-ouest du Portugal et celle du Maroc. Toutefois, cette supposition ne s’appuie aujourd’hui sur aucune description locale précise (Kaaboulen et al., 2009).

• Le tsunami du 22 mai 881; selon Mrabet (2005), la localisation épicentrale du séisme se trouve probablement en mer d’Alboran, le tremblement de terre fut suivi par un tsunami qui aurait atteint le sud de la côte d’Andalousie en Espagne, et probablement aussi la côte nord et nord-ouest du Maroc. 

• Le tsunami du 1er novembre 1755 a donné lieu à un tsunami transocéanique, ayant affecté non seulement la côte nord-est et centre atlantique mais il a été ressenti également jusqu’aux îles des Caraïbes. Il s’agit du tsunami le plus dévastateur concernant le Maroc. La magnitude du séisme était de l’ordre de 8,5. Concernant la faille à l’origine du séisme (localisation et mécanisme) de 1755, elle appartient au système de failles complexe qui constitue la limite de plaques Afrique-Europe au niveau du golfe de Cadix; toutefois, l’identification précise de cette faille fait toujours débat aujourd’hui.  C’est au niveau des côtes entre Lisbonne et le sud du Portugal, du sud-ouest de l’Espagne et de l’ouest de Maroc que les intensités de tsunami les plus fortes ont été relevées. 

• Le tsunami du 31 mars 1761, consécutif au séisme de magnitude probablement proche de 8,5, avec un épicentre dans le golfe de Cadix. D’après les témoignages historiques, le tsunami généré aurait non seulement affecté les côtes portugaises, mais il aurait aussi atteint le nord de l’Europe et les îles antillaises  de la Barbade. Même si à ce jour, aucun témoignage n’a été retrouvé concernant les observations du tsunami au niveau du Maroc. Vu son ampleur, le tsunami a aussi très vraisemblablement dû atteindre la côte ouest (Kaaboulen et al., 2009).

- Le tsunami du 25 novembre 1941, consécutif au séisme de Mw 8,2, localisé en Atlantique, au niveau de la faille de Gloria, correspond à un tsunami transocéanique. Il a été enregistré depuis le Maroc jusqu’aux côtes anglaises ainsi qu’au niveau des côtes des Etats-Unis. Concernant le Maroc, l’amplitude des vagues enregistrées par les marégrammes a été de 0,25 m à Casablanca et de 0,45m à Essaouira (Mogador), (Kaaboulen et al., 2009). Le tsunami du 28 février 1969 correspond au séisme de magnitude Mw 7,3, avec un épicentre vraisemblablement très proche de celui de 1755. Le tsunami a été enregistré au niveau des côtes portugaises, espagnoles et marocaines, et des îles des Açores et des Canaries. A Casablanca, une amplitude de vague de 0,9 m a été enregistrée. A Rabat et Salé, une forte agitation de la mer est décrite, (Kaaboulen et al., 2009).
Le tsunami du 26 mai 1975 est dû au séisme de magnitude Mw 7,9, localisé en Atlantique au niveau de la faille de Gloria. Bien que ressenti au niveau des îles des Açores jusqu’aux côtes du Portugal et celles du nord du Maroc, son amplitude est restée relativement faible, 0,76 m aux Açores (Faial), 0,04 m à Sebta, (Kaaboulen et al., 2009).

Source :  Banque mondiale : « Adaptation au changement climatique et aux désastres naturels des villes côtières d’Afrique du Nord ».


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