Taroudant : Quatre ans pour préparer un enterrement


Nour-Eddine Salouk
Mercredi 8 Avril 2009

Taroudant : Quatre ans pour préparer un enterrement
Abusés sexuellement, assassinés, enterrés, puis déterrés, découpés et jetés aux chiens, découverts et mis à la morgue de Taroudant, envoyés ensuite pour test ADN à Casablanca, ils ne reviendront que quatre ans et quatre mois plus tard. Ils sont enfin là, les corps des victimes de A. Hadi, pédophile et assassin,  surnommé le monstre de Taroudant. 6 des 8 victimes n’ont pas été identifiées. L’heure était au recueillement sur les âmes des innocentes petites victimes vendredi dernier.
Avec l’enterrement des enfants,  on est tenté de dire que ce dossier douloureux qui rappelle aux institutions de l’Etat son inefficience à protéger ses enfants. La condamnation à mort de A. Hadi pour soulager la conscience des  responsables, ne pouvait dissimuler le sentiment de culpabilité, tant que les victimes n’ont pas retrouvé la paix de l’âme avec un enterrement décent dans les bonnes vieilles coutumes musulmanes. Seulement, à y voir de plus près, de nombreuses zones d’ombre accusent une gestion irresponsable du dossier.
Retour sur une tragédie sociale.
Sachant que l’assassinat des 8 enfants remonte à 2004, comment se fait-il que l’identification des victimes au test ADN ait pris quatre ans et quatre mois? Qui endosse la responsabilité de ce retard injustifié? Est-ce que ce sont les autorités locales de Taroudant ? Le procureur général ? Le conseil communal de la ville de Casablanca ? La police scientifique?
Le retard enregistré dans cette affaire de grande sensibilité sociale est un second affront à la mémoire des 8 jeunes victimes de Taroudant. A l’heure actuelle, seules deux des 8 victimes ont été identifiées après le test ADN. Saïd Al Idrissi et Lahçen Amarir ont leurs noms gravés sur les stèles de leur tombe, les six autres n’ont eu droit qu’à l’intraitable X de l’inconnu et une myriade de questions qui trottent dans les esprits traumatisés des parents ayant perdu un enfant, un frère, un neveu ou un petit fils. N’aurait-on pas pu éviter   tout ce tapage médiatique ? Il aura fallu l’intervention de l’Association « Touche pas à mon enfant » pour débloquer cet imbroglio faisant dire à la présidente de l’Association, Najat Anwar, contactée au téléphone : « Brigitte Bardot aurait remué ciel et terre pour sauver 8 chatons ». Une enquête devrait être ouverte pour dénouer les péripéties de cette affaire et déterminer le ou les responsables de ce retard et éviter ainsi que ce drame  se reproduise.
En plus de ce retard, d’autres comportements irresponsables, mesquins ont tristement accompagné le déroulement des événements en rapport avec le dossier. Dans un premier temps, c’est Agadir qui va dépêcher deux ambulances pour récupérer les dépouilles des  victimes alors que c’est la province de Taroudant qui devait en prendre la charge. Casa ne fait pas mieux. Sollicité, le conseil communal charge deux responsables qui pousseront le cynisme jusqu’à conseiller à la présidente de l’Association, d’enterrer les enfants dans une fosse commune tout en proposant d’assurer les linceuls, l’ambulance de la commune étant en panne. En fin de compte, c’est le président de l’Association Makbarat Arrahma, qui allait proposer de transporter les cercueils de Casablanca à Taroudant. Après que l’une des ambulances soit tombée en panne à Amskroud, tous les cerceuils  seront mis dans une seule ambulance. Les responsables de Taroudant ne jugeront pas utile  d’envoyer une autre ambulance pour les besoins du convoi funèbre, à présumer qu’ils voulaient absolument se décharger de l’affaire et tourner la page. D’ailleurs, les derniers hommages rendus habituellement aux morts selon la tradition musulmane seront refusés aux victimes qui seront acheminées directement au cimetière de la ville au milieu d’une foule immense.
En attendant l’ouverture d’une enquête pour déterminer la ou les responsabilités dans la gestion de cette affaire, l’Association « Touche pas à mon enfant » poursuit son œuvre humanitaire et prend à sa charge le déplacement et le séjour à Casa des parents des victimes pour un test ADN, ce qui permettra par la suite de mettre des noms sur les tombes à Taroudant et faire le deuil des disparus.


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