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Si l’exercice est périlleux, il est surtout salutaire pour la démocratie. Ailleurs, sous d’autres cieux, au lendemain de catastrophes de l’ampleur de celle survenue à Meknès, les responsables défilent sur les plateaux de télévision et dans les studios de radios pour s’expliquer face à l’opinion publique. Mardi soir donc, l’opinion publique marocaine –devant laquelle ceux et celles qui nous gouvernent ont peu l’habitude de s’expliquer et de rendre des comptes- attendait des explications du ministre du Culte. Les Marocains, et plus particulièrement les familles des 41 personnes ayant perdu la vie à l’intérieur d’une mosquée vieille de trois siècles alors qu’ils accomplissaient la prière du vendredi, attendaient de Ahmed Taoufiq qu’ils livrent des réponses à leurs questions. Que s’est-il passé ce vendredi ? Pourquoi le minaret s’est-il effondré ? Pour quelles raisons n’y a-t-il pas eu de contrôle d’un édifice vétuste tel que la mosquée de Bab Al Berdeyiine ? Une telle tragédie pouvait-elle être évitée si tout le monde avait fait son
travail ?
Les interrogations, mêlées tout à la fois à la colère et à l’incompréhension, sont nombreuses. Ce mardi soir, elles resteront sans réponse. En se rendant à la télévision –on imagine aisément que le ministre Ahmed Taoufiq ne l’a pas décidé seul dans le secret de son bureau au nom du respect de l’opinion publique- ce responsable gouvernemental n’avait qu’un objectif, défendre son bilan.
Qui est responsable et où résident les responsabilités quand un minaret s’effondre et tue 41 citoyens ? La question a traversé l’émission. Jamais Ahmed Taoufiq ne va y répondre. Dès les premières secondes de l’émission, il plante le décor et se place sur le terrain de la fatalité et du religieux pour ne jamais le quitter. 41 personnes ont perdu la vie dans une mosquée ? Il invoque la fatalité et se lève pour réciter en direct la fatiha. Le message est clair : personne n’est responsable de la tragédie de Meknès. C’est Dieu qui en a voulu ainsi. Ahmed Taoufiq a choisi sa dimension, celle du céleste, celle où il n’y a de compte à rendre à personne sinon à Dieu… Bien commode pour ne pas s’expliquer devant des Marocains skotchés devant leur télévision et qui voulaient tenter de comprendre comment l’irréparable a été commis.
Les questions des journalistes sur le plateau de « Hiwar » se font plus pressantes, plus précises. Il y a bien eu des alertes, des citoyens qui ont saisi les autorités, s’inquiétant de la vétusté de cette mosquée de la médina de Meknès. « Faux, personne ne m’a jamais rien écrit. Mais une architecte s’est rendue sur les lieux. Elle a fait un rapport en novembre. Une commission d’experts devait se rendre sur place … » Et les experts ne se sont pas rendus sur place, et le minaret s’est effondré et, surtout, personne n’est responsable.
Ahmed Taoufiq continue de plus belle, récitant son chapelet de réalisations. Plusieurs dizaines de mosquées à rénover ont fait l’objet d’un inventaire. « Nous avons tout catégorisé et mobilisé une enveloppe budgétaire pour cela ». Problème, la mosquée de la médina de Meknès, celle-là même où 41 personnes ont trouvé la mort, ne faisait partie d’aucune de ces catégories de lieux de prière devant faire l’objet de réparation. A qui en incombe la faute ? Où faut-il chercher l’erreur ?
La commanderie des croyants et le minaret
Les choses ont alors dérapé. Doucement, sûrement. 2000 mosquées échappent au contrôle du ministère des Habous et des affaires islamiques. C’est le ministre de tutelle « himself » qui le déclare, en direct à la télévision. Ce qui n’est pas près de rassurer l’opinion publique.
Sur la question de la réparation des victimes et des ayants-droit, le ministre en charge de nos affaires religieuses se saisit d’un énorme parapluie, impliquant bien inutilement la commanderie des croyants. « C’est Amir Al Mouminine qui décide de la réparation », répondra-t-il en substance, oublieux de l’Etat de droit, des procédures judiciaires en cours, de la démocratie. Le ministre intellectuel et adepte de la zaouia Boutchichia le sait pourtant. La commanderie des croyants est responsable de la gestion du culte des musulmans de ce pays mais sûrement pas d’un minaret qui s’effondre, tuant plusieurs dizaines de personnes à l’intérieur d’une mosquée.
Ce mardi soir, à la télévision, le miracle n’a pas eu lieu. On attendait un ministre du Culte prêt à reconnaître les responsabilités des uns et des autres, et surtout celles de son département en charge de la sécurité « urbanistique » des mosquées. On a eu droit à un responsable gouvernemental prêt à tout pour défendre son bilan (et par conséquent conserver son fauteuil ministériel) en trouvant refuge dans la fatalité, le céleste et la commanderie des croyants. L’opinion publique de ce pays en a pris l’habitude. On ne s’est jamais vraiment préoccupé d’elle…