Sergio Caputo et Hamid Moumen du groupe Oggitani : “Notre répertoire se compose des musiques issues de cultures spécifiques”


Propos recueillis par Alain Bouithy
Jeudi 23 Mai 2013

Sergio Caputo et Hamid Moumen du groupe Oggitani : “Notre répertoire se compose des musiques issues de cultures spécifiques”
Le groupe Oggitani a offert en début de mois aux
Casablancais un merveilleux spectacle autour des
musiques traditionnelles
de la Méditerranée. Un voyage en musique, parti
de l’Italie pour le Maroc,
en passant par la Turquie,
la Macédoine, la Grèce et l’Egypte, qui a séduit
le public du Théâtre du Consulat général italien
à Casablanca. Entretien.


Libé : En tant que leader du groupe, comment avez-vous trouvé le public casablancais?

Sergio Caputo : Je suis très content du public casablancais qui a été très réceptif et nous a accompagnés avec beaucoup d’enthousiasme dans ce merveilleux voyage à travers les différentes cultures et traditions de la Méditerranée.  L’accueil était vraiment chaleureux et on voyait bien que le public s’amusait et qu’il était satisfait du spectacle.
Votre  répertoire est exclusivement composé de musiques traditionnelles de la Méditerranée. Pourquoi ce choix ?
Sergio Caputo : C’est surtout un choix musical. Il se trouve que j’ai écouté beaucoup de musiques durant mes nombreux voyages et joué avec plusieurs musiciens venant de pays différents. Ce brassage des cultures a, sans doute, contribué à enrichir notre répertoire.

Est-ce une tradition au sein du groupe de raconter de petites histoires avant d’interpréter un titre?

Sergio Caputo : Effectivement, chaque morceau a une petite histoire. Ceci dit, nous ne nous intéressons qu’aux musiques et morceaux qui nous paraissent spécifiques. Par exemple, ce soir-là nous avons choisi trois morceaux de l’Italie représentant chacun une région avec une culture particulière, mais toujours ancienne et indépendante.

Dans le cas du Maroc, qu’est-ce qui vous a particulièrement attiré ?

Sergio Caputo : La musique marocaine est très riche. Elle m’a séduite dans les années 99, lorsque je me suis retrouvé un jour au désert écoutant pour la première fois du chaâbi. Cette découverte m’a vraiment marqué au point d’avouer que j’ai découvert le Maroc à travers la musique. Mais il a fallu plusieurs années avant de rencontrer Hamid Moumen qui apportera également au groupe la musique gnaoua.

Est-ce facile pour un Italien d’interpréter des chansons marocaines?

Sergio Caputo : Ce n’est pas du tout facile, voire pas évident. Même si on a des choses en commun, je pense qu’il est important de s’imprégner de cette musique: il faut vraiment la pratiquer et la vivre au sein d’une famille, par exemple, pour mieux la comprendre.
J’ai beaucoup pratiqué pour être au point, notamment auprès des amis de Hamid Moumen avec qui je me suis perfectionné dans le jeu des instruments.

En tant que professionnel de la tradition gnaoua du groupe, est-ce que c’est facile de se retrouver dans ce brassage culturel?

Hamid Moumen : Je manifestais déjà le désir de partager la musique avec des musiciens venant de très loin, avant même de quitter le Maroc et de venir en Italie. J’avais cette curiosité d’aller ailleurs, surtout en Europe, pour explorer ce qu’il y a de meilleur dans la tradition musicale. C’est ainsi que j’ai rencontré Sergio Caputo et nous avons commencé à travailler sur ce  projet qui devait par la suite nous conduire au Maroc.
Je suis arrivé en Italie avec un certain bagage musical. Aujourd’hui, je peux dire que j’en possède davantage en m’investissant dans d’autres cultures.  C’est ma principale satisfaction : je suis fier de proposer aux gens une musique riche et diversifiée.

Est-ce accessible de composer le chaâbi et la musique gnaoua avec d’autres genres musicaux?

Hamid Moumen : Le chaâbi et la musique gnaoua font partie de mon existence, ce qui fait que je n’ai vraiment pas eu du mal à les intégrer dans d’autres genres musicaux comme les musiques gitane, celtique, etc. Il faut se souvenir que la région de la Méditerranée partage une histoire commune d’une époque qui a établi des ponts entre nos différentes cultures.

Comment fusionne-t-on les différents genres musicaux composant votre répertoire?

Sergio Caputo : Nous travaillons toujours sur  un terrain commun à toutes les cultures de la Méditerranée: la musique ancienne. Sachant qu’à une époque lointaine, les pays de cette partie du monde ont partagé bien de choses au niveau culturel que l’on retrouve plus ou moins en Italie, en Grèce ou au Maroc. Par exemple, les couleurs et les rites de procession présents dans la musique gnaoua.

Comment ces deux musiques sont-elles perçues en Italie ?

Hamid  Moumen : Le chaâbi est beaucoup plus présent en Italie où il représente en général la musique marocaine. Pour une raison simple : la diaspora marocaine est en majorité issue des régions où le chaâbi est dominant dans les traditions musicales.
La musique gnaoua commence à avoir une place aussi importante grâce notamment à des projets d’échange culturel et surtout au Festival Gnaoua. Mais il y a encore très peu de musiciens qui jouent cette musique en Italie. Cela dit, chaque fois que le public la découvre, il l’apprécie et l’adopte aussitôt. Je crois que dans un avenir proche, elle défendra encore mieux les couleurs du Maroc, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays européens.

Selon vous, qu’est-ce qui rend si attrayant la musique ancienne chez les jeunes ?

Sergio Caputo : Depuis toujours, l’homme travaille à trouver de bons rythmes. Il se trouve que les musiques anciennes comme le chaâbi vous permettent de créer plusieurs chansons à partir d’un seul rythme, ce qui donne à ce genre musical un cachet original.


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