Sepp tente de s’attaquer à Havelange et survit à l’affront (I) : Buenos Aires, Estadio Monumental, 25 juin 1978


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Mardi 25 Août 2009

Sepp tente de s’attaquer à Havelange et survit à l’affront (I) : Buenos Aires, Estadio Monumental, 25 juin 1978
Les amis d’Havelange, ces amiraux et généraux galonnés d’or et bardés de décorations assis avec lui dans la tribune VIP, étaient aux anges. Le bouillant attaquant Mario Kempes avait déjà frappé une première fois, dans le temps réglementaire de la finale, lorsqu’il marqua à nouveau, pendant les prolongations. L’Argentine battit les Pays-Bas par 3 buts à 1, s’emparant de la Coupe du monde devant une foule qui avait enfin un prétexte pour se réjouir. C’était le premier tournoi mondial du président depuis qu’il avait expédié Sir Stanley à la retraite; un triomphe, pour lui et pour la dictature militaire argentine. Sous le regard menaçant des soldats encerclant le terrain, patrouillant dans les gradins, surveillant tous les accès au stade, Havelange sourit et déclara: “Le monde a vu le vrai visage de l’Argentine”.
En tout cas le visage que le gouvernement sanguinaire argentin voulait montrer au monde. La Coupe du monde eut pour lui l’effet que les jeux Olympiques de 1936 eurent pour Adolf Hitler. Un autre régime meurtrier récupérait le sport et les sportifs, en détournant leurs exploits à son profit.
Le vrai visage de l’Argentine était plus sûrement celui, courageux et opiniâtre, des mères de disparus, qui risquaient l’arrestation et bien pire en défilant autour de la place de Mai chaque jour de la Coupe du monde, brandissant des photos de leurs enfants victimes de la sale guerre menée par la junte contre son propre peuple.
Les manifestations des défenseurs des droits de l’Homme organisées un peu partout dans le monde avaient échoué à faire déplacer le tounoi de 1978 dans un autre pays, quel qu’il soit, dont le gouvernement aurait été démocratiquement élu. Quand, deux ans plus tôt, les généraux s’étaient emparés du pouvoir, la seule  préoccupation de la FIFA avait été: cela interférera-t-il avec l’organisation du Mondial? Havelange se sentait peut-être personnellement concerné, une de ses sociétés au Brésil souhaitant assurer le tournoi.
Dans les jours qui suivirent la finale, la presse mondiale rapporta que les généraux, résolus à éliminer toute contestation, avaient fait en sorte que tous les opposants soient mis hors d’état de .... s’opposer. Pour beaucoup de leurs victimes, cela signifia se retrouver ligotés, lestés avec des poids, entassés dans des avions de l’armée puis précipités en plein vol, hurlant sous leurs bâillons, dans l’estuaire du Rio de la Plata, au bord de l’Atlantique. Havelange n’accorda aucun intérêt à ces informations. En quoi cela concernait-il la FIFA?
Ils venaient de vivre vingt-cinq jours de football fabuleux et, à présent que l’Argentine l’avait remporté de manière convaincante, cela ferait taire les rumeurs sur les six buts hallucinants, soit deux de plus que nécessaire pour accéder en finale, marqués contre une équipe péruvienne soudain  bien mollassonne, celle-là même qui, dans un match du premier tour, avait tenu tête aux Pays-Bas en obtenant le match nul. Pourquoi le général argentin Videla n’aurait-il pas eu le droit de visiter les vestiaires péruviens juste avant le match? Le fait que la junte argentine ait soudain offert à la junte péruvienne d’énormes cargaisons de céréales et 50 millions de dollars de prêts ne pouvait en aucun cas avoir influencé la vérité du terrain, n’est-ce pas? Et ces liasses de billets distribuées aux joueurs adverses? Pure médisance!
Et un grand bravo à l’amiral Lacoste, “Carlos Alberto” pour son ami Havelange. Du jour où il avait remplacé le général Omar Actis à la tête du comité d’organisation, l’argent avait coulé à flots. Actis, avec ses discours sur les restrictions budgétaires et sa Coupe du monde au rabais, n’était clairement pas l’homme de la situation. Quant aux allégations selon lesquelles son bon ami Carlos Alberto était derrière l’attentat qui lui avait coûté la vie dans une rue de Buenos Aires... Des ragots malveillants!
Le président Havelange était effectivement un bon ami de l’amiral et il avait applaudi quand Lacoste avait accédé à la présidence de l’Argentine, en décembre 1981, même s’il n’y était resté que onze jours. L’année suivante, l’amiral Lacoste devint un des vice-présidents de la FIFA, une position qu’il conserva quatre ans.
Quand la démocratie revint et que Lacoste fit l’objet d’une enquête concernant son enrichissement soudain et l’achat d’une luxueuse résidence dans la station balnéaire de Punta del Este en Uruguay pendant les années de terreur, Havelange intervint pour le tirer d’affaire, expliquant qu’il lui avait prêté 90.000 dollars à titre personnel.
Pour Havelange, la vie au sommet était une succession d’acclamations tous les quatre ans lors des congrès de la FIFA. Ayant eu la chance d’accéder au pouvoir dans les années soixante-dix, au moment où le monde des affaires commençait à s’intéresser sérieusement au sport, aidé par Dassler et plus tard par l’ISL, il put tenir les promesses lancées à tous les vents. Sepp Blatter mit efficacement en place des stages d’entraîneurs et de nouveaux tournois de jeunes. Les Européens, intimidés par le regard glacial du Brésilien et l’argent qu’il dépensait dans les pays les plus pauvres, n’osèrent pas lui opposer un candidat lors du congrès de 1982 à l’occasion de la Coupe du monde en Espagne, ni en 1986  au Mexique, pas plus qu’en 1990 en Italie. Sitôt cette dernière Coupe du monde achevée, Havelange déclara à un journaliste sud-américain qu’il s’offrirait un nouveau triomphe lorsqu’il se présenterait pour un sixième mandat lors du congrès suivant de la FIFA, à Chicago en juin 1994.
Mais alors pourquoi, à Tumis en janvier 1994, sous les portraits sévères du président Zine El-Abidine Ben Ali, le secrétaire général Sepp Blatter arpentait-il les couloirs du congrès du football africain, chuchotant dans les oreilles des délégués que le vieil homme avait fait un beau parcours, réalisé un excellent travail, mais que indéniablement, à présent, à l’âge de soixante-dix-huit ans, il était temps pour lui de passer la main? Après treize ans dans l’ombre, Sepp en avait sa claque. Il ne pouvait plus attendre. Sepp rêvait d’être président à son tour.
Havelange promettait une chose et en faisait une autre. Il avait ainsi déclaré: “ J’aimerais prendre ma retraite et je vois bien Blatter me succéder; on peut l’y préparer.”
Sepp s’apprêtait donc à lancer sa campagne pour une transition sans heurts quand   il entendit la voix familière se rétracter : « Je passe trois cents jours par an en voyage. Je me sacrifie pour la jeunesse ». Et, apparemment, Havelange avait bien l’intention de continuer à se sacrifier le plus longtemps possible.
C’était peut-être vrai, ce qu’on racontait dans les cuisines de l’hôtel particulier de Sonnenberg : le vieux se faisait injecter des cellules vivantes de fœtus de vache dans sa quête de la vie éternelle. En attendant, il se faisait entretenir somptueusement par la FIFA. Un moment, l’avenir sembla sourire à Sepp quand Havelange fut pris d’étourdissements à Barcelone, en 1992. Mais, après un peu de repos, Joào reprit la route.
A SUIVRE


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