Une centaine de professeurs, en poste dans des universités à travers tout le pays, sont soupçonnés d'avoir touché des pots-de-vin pour délivrer de manière indulgente des titres de docteur à des étudiants en thèse.
Le Parquet de Cologne a ouvert une enquête pour déterminer dans quelle mesure ces professeurs ont été corrompus. "Il s'agit de professeurs honoraires enseignant dans tous les domaines, de la médecine au droit en passant par les sciences économiques et l'ingénierie", a précisé le procureur général de Cologne, Günther Feld, dans l'hebdomadaire Focus.
Les facultés les plus prestigieuses sont touchées, comme celles de Leipzig, Iéna ou encore l'Université libre de Berlin.
L'affaire, révélée ce week-end par Focus et confirmée par le parquet, est partie d'une perquisition dans les locaux d'une société privée à Bergisch-Gladbach, près de Cologne, qui servait d'intermédiaire entre les étudiants et les professeurs corrompus.
Ces derniers ont touché quelque 4.000 euros de cette entreprise pour "aider" des doctorants à rédiger leur thèse puis obtenir leur titre de docteur.
Les étudiants ont quant à eux payé jusqu'à 20.000 euros à cette société.
Alors que certains étudiants ont parfois des difficultés à trouver des directeurs de thèse ou à faire leurs recherches, des "entreprises de conseil" se sont développées en proposant aux étudiants de les aider contre une forte rémunération.
Cette lucrative activité est régulièrement dénoncée par les universités qui voient dans ces sociétés des "boîtes à bac" version doctorat mais elle n'est pas illégale en soi.
La centaine de cas découverts "n'est que la partie émergée de l'iceberg", juge le juriste munichois Manuel René Theisen. "L'institut (de Bergisch-Gladbach) a réalisé des millions d'euros de chiffre d'affaires", affirme cet homme qui s'est spécialisé dans la lutte contre le commerce des titres universitaires.
La Fédération des facultés allemandes a menacé de retirer leur titre aux personnes ayant versé des pots-de-vin à leurs professeurs. "Faire la lumière dans cette affaire est dans l'intérêt de la science et avant tout des 25.000 doctorants qui obtiennent chaque année dans la légalité leur titre de docteur", a souligné Bernhard Kempen, président de cette Fédération.
Dans de nombreuses entreprises allemandes, un titre de docteur est indispensable pour atteindre le sommet de la hiérarchie. Des études ont également démontré qu'à poste équivalent, le titulaire d'un doctorat percevait des émoluments généralement plus élevés que ses confrères moins diplômés.
Le statut de "docteur" jouit en Allemagne, comme dans les autres pays germaniques, d'un considérable respect. Ce titre est d'ailleurs systématiquement mentionné lorsqu'on décline son identité au point qu'un "Monsieur Ulrich Schmidt" sera appelé "Monsieur docteur Ulrich Schmidt".
La chancelière est également souvent présentée comme "Madame docteur Merkel", en référence à son doctorat de physique. Quant à certaines compagnies aériennes, elles proposent même de mentionner le titre du passager sur son billet.
L'accumulation de titres universitaires peut même déboucher sur une série d'abréviations difficilement déchiffrables avant le nom de la personne, comme "Prof. em. Dr. rer. nat. Dr. h.c. mult.", ce qui signifie que cette personne est professeur émérite, docteur en sciences naturelles et plusieurs fois docteur honoris causa.