Rattrapé par les affaires, Nicolas Sarkozy contre-attaque en usant de la méthode Pasqua


Par Mohamed Bentahar
Lundi 7 Juillet 2014

Rattrapé par les affaires, Nicolas Sarkozy  contre-attaque en usant de la méthode Pasqua
Monsieur Sarkozy, expliquez-vous, les yeux dans les yeux,  avec la justice et épargnez aux Français vos commentaires.
En ma qualité du citoyen de la République et de simple justiciable, je ferais les remarques suivantes au citoyen Nicolas Sarkozy.
 Chercher à avoir des informations secrètes en pleine affaire Béthencourt est puni par la loi si c’est prouvé ! C’est ce que les deux dames comme vous les qualifiez, vous ont signifié comme chefs d’accusation et qui vous ont mis en examen !   Qu’en pensent les Français sur la thèse de l’acharnement  judiciaire ?  63% de Français pensent qu’il n’y a aucun acharnement judiciaire contre le citoyen Nicolas Sarkozy. Alors les Français en témoins ? Non sûrement pas pour deux raisons assez simples à comprendre :  
Primo : il est contraire au principe d’une justice juste et équitable de rendre justice à la télé et non dans un prétoire. Et en ça, Nicolas Sarkozy se berlusconise sans limites ! 
Secundo : il est impensable de demander à des citoyens d’être témoins d’une affaire qu’ils ne connaissent pas et de juger, ou encore moins critiquer une procédure judiciaire. Et en cela, Nicolas Sarkozy trompe les Français comme il l’a fait souvent pendant 5 ans. Nicolas Sarkozy a parlé, comme il le fait depuis 2 ans sans cesse, malgré son, « je redeviens un citoyen comme les autres ». Il déclare être choqué de sa garde à vous et sa mise en examen pour avoir tenté d’obtenir des informations secrètes dans l’affaire Béthencourt au plus haut niveau (Cour de cassation..). Les deux dames, accessoirement deux juges de la République qu’il vilipende lui ont signifié les chefs d’accusation sur des faits du temps de sa présidence, bien avant l’arrivée à l’Élysée de Monsieur Hollande comme il le nomme, sans lui reconnaître le titre de Président de la République 
D’après le Dalloz : «Corruption active» signifie le fait par quiconque de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public, pour elle-même ou pour autrui ». 
Sur quelle base ?
Selon les deux dames/juges, Nicolas Sarkozy aurait pu proposer, via son avocat Thierry Herzog,  d’intervenir pour obtenir une promotion en faveur de Gilbert Azibert, premier avocat général ! Que risque-t-il ? Cette infraction, punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’’amende, peut aussi entraîner, en cas de condamnation, une peine d’inéligibilité. 
Concernant le «Trafic d’influence», le Dalloz précise qu’il s’agit, pour une personne dépositaire de l’autorité publique, de solliciter ou d’accepter un avantage en échange d’un acte que lui permet sa fonction, ou en échange de son influence, «réelle ou supposée», sur une décision ou, pour un particulier, de faire cette proposition à une personne dépositaire de l’autorité publique ». 
Sur quelle base ? 
Il n’est nullement nécessaire que l’échange ait eu lieu. Ainsi, même si Gilbert Azibert n’a pas obtenu le poste éventuellement réclamé à Monaco ou même s’il n’a pas d’influence réelle dans l’affaire Bettencourt, le délit peut être établi.
Que risque-t-il ?Le trafic d’influence est réprimé par les articles 432-11, 433-1 et 433-2 du Code pénal. Les peines, durcies fin 2013, peuvent aller jusqu’à dix ans de prison et 1 million d’’euros d’amende.
Pour ce qui est du «Recel de violation du secret professionnel», il est défini par l’article 321-1 du  Code pénal comme «le fait de dissimuler, détenir ou transmettre une chose ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre tout en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit». Sur quelle base ? Il est reproché à Nicolas Sarkozy d’avoir tenté d’obtenir des informations couvertes par le secret auprès du haut magistrat à la Cour de cassation, Gilbert Azibert.  La contrepartie pour M. Azibert aurait été une promesse d’intervention pour l’aider à obtenir un poste à Monaco – qu’il n’obtiendra pas.
 Que risque-t-il ? Cinq ans de prison et  375.000 euros d’amende.  Les accusations sont suffisamment graves pour justifier une garde à vue, disent les magistrats. C’est ce qui se passe dans toutes les situations similaires. Une garde à vue de 15 heures ? C’est rare que la durée soit plus courte dans une affaire de ce genre.  Les affaires du pôle financier se font à n’importe quelle heure de la journée ou de la nuit. Les comparutions immédiates sont à n’importe quelle heure !
 Nicolas Sarkozy compare sa situation à celle de Jérôme Cahuzac. 
Oui, Cahuzac n’a pas été gardé à vue parce qu’il a pris les devants en avouant les faits et fait économiser au contribuable les frais induits par les coûts de procédure! 
Les règles de la garde à vue qui ont été appliquées au citoyen Nicolas Sarkozy, entrent dans le cadre de procédures judiciaires prises par le pouvoir précédent, c’est-à-dire de la période où il était Président de la République. Elles sont applicables à tous les citoyens et n’ont pas été faites spécifiquement pour lui! Il ne s’agit aucunement d’une juridiction d’exception comme il a tendance à le faire croire, ainsi que ses soutiens !
 Politisant ses ennuis judiciaires, Nicolas Sarkozy accuse la justice d’être instrumentalisée et accessoirement deux juges qui n’ont pas demandé sa mise sous écoute, il accuse la ministre de la Justice Madame Taubira d’avoir « menti », et Monsieur Valls alors ministre de l’Intérieur, d’avoir déclaré ne pas être au courant. Il accuse tout ce beau monde de tous les maux ! Il stigmatise l’appartenance politique des juges au Syndicat de la Magistrature catalogué comme étant à gauche. Certes le cordon ombilical n’est certainement pas coupé définitivement et le lien pouvoir en place –justice survit. Mais qui a eu la charge de cette affaire Nicolas Sarkozy ? Les magistrats font partie, comme dans la vie politique en général de plusieurs représentations politiques. Pour faire simple, un tiers est au SM (gauche), un tiers à l’USM (centre droit) et un tiers à droite. 
Qui sont les juges que conteste Nicolas Sarkozy ? Claire Thépaut qu’il conteste est l’ancienne patronne du Syndicat de la Magistrature (SM, classé à gauche), ce qui lui a valu des critiques de la droite. Elle a longtemps été juge à Bobigny, chargée puis déchargée du tribunal d’instance de Pantin, et a été, à partir de 2007, en charge des juges d’application des peines à Nanterre avant de revenir en 2009 à Bobigny comme vice-présidente de l’instruction. 
Serge Tournaire, le juge discret est, quant à lui, l’un des deux juges qui, avec René Grouman,  a ordonné la mise sur écoute téléphonique de Nicolas Sarkozy dans le cadre de l’enquête sur un éventuel soutien financier de la Libye pour la présidentielle de 2007. Cet homme discret est aussi le juge qui, avec ses collègues Guillaume Daieff et Claire Thépaut, a mis en examen Bernard Tapie, son avocat Maurice Lantourne, l’ancien magistrat Pierre Estoup et l’ex-directeur de cabinet de Christine Lagarde devenu PDG d’Orange Stéphane Richard pour «escroquerie en bande organisée» dans l’affaire de l’arbitrage sur le dossier du Crédit lyonnais.   
La liberté syndicale des magistrats utilisée contre un juge ! Quel argument ! Quand un juge interroge un citoyen, lui demande-t-il quelles sont ses opinions politiques pour savoir s’il va lui signifier au nom de la loi tel ou tel chef d’accusation ? C’est une conception étrange de la liberté d’un citoyen d’exercer ses fonctions tout en ayant des activités régies par la loi dans le cadre de sa liberté à adhérer ou pas à une organisation syndicale !  La stratégie de diversion ou la méthode Pasqua, Nicolas Sarkozy pouvait-il être mis sur écoute par la justice? Réponse: oui, c’est un justiciable. La loi du 10 juillet 1991 (organisée par Sarkozy le 01 mai 2012) permet-elle une telle procédure dans un dossier de trafic d’influence? Réponse: oui. Malgré cela on assiste à droite (UMP), à une grosse opération d’enfumage avec  application minutieuse de la «méthode Pasqua ». Rappel : «Lorsqu’on est emmerdé par les affaires, il faut susciter une affaire-dans l’affaire, et si nécessaire, une autre affaire-dans l’affaire-de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien» [Charles Pasqua, parrain politique de Nicolas Sarkozy dans les Hauts-de-Seine]. Depuis les révélations sur le trafic d’influence présumé de Nicolas Sarkozy et de son avocat (informés sur la procédure par un magistrat de la Cour de cassation), la droite, en meute, a lancé la grande opération «enfumage» avec la complicité de la presse (BFMTV, itélé tournent en boucle sur #QuiSavait?). La loi autorise-t-elle l’information de la Chancellerie et du ministère de l’Intérieur dans ce type d’écoutes? Réponse: oui. On assiste cependant à la création d’un contre-feu, la droite lance son «Conclave politique» avec cet écran de fumée pour désigner son «Pape 2017» et, l’application de la «méthode Pasqua» permet de masquer les affaires qui l’éclaboussent. Alain Vidalies (ministre des Relations avec le Parlement), les félicite avec ironie. « Pour mettre un peu d’apaisement, je voudrais féliciter l’UMP. Franchement, moi qui suis depuis longtemps un observateur de la vie politique, je pense que c’est une des plus belles opérations d’enfumage politique et médiatique qui ait été réussie depuis bien longtemps. Ca reste une opération d’enfumage ».
Son objectif: un scandale bidon pour faire oublier les vraies affaires: l’affaire Copé, les enregistrements de Buisson, les dessous du financement de la campagne présidentielle de Sarkozy 2007, le trafic d’influence, l’usurpation de l’identité de Paul Bismuth par Sarkozy et son avocat pour l’ouverture d’une ligne de téléphone privée (le vrai Paul Bismuth va porter plainte), etc.
Tout doit disparaître! Surtout, ne pas parler des enregistrements Brice Hortefeux, dernière révélation de MediaPart: un patron de la Police judiciaire le préparait avant ses auditions dans l’Affaire Kadhafi : «Pas la peine de dire aux juges que vous êtes au courant». Trafic d’influence? Nicolas Sarkozy savait-il? BFMTV ne pose pas la question, c’est dommage…
«Savoir mentir, c’est un métier, une pratique que seuls les habitués exercent avec talent, c’est la marque des gens peu honnêtes…».  Qui a un intérêt quelconque dans les déclinaisons politiques des ennuis judicaires de Nicolas Sarkozy?  Si la gauche dans sa diversité ne se pose pas particulièrement la question de son retour dans l’état de déliquescence dans lequel se trouve l’UMP et le poids atteint par le Front national dans l’électorat de droite malgré les prises de position des Copé, Estrosi ou des Mariani, au sein de la droite, il y a plus d’une tête qui veut faire la peau à Nicolas Sarkozy. Les Fillon, les Juppé, les Bertrand, les Wauquiez, les Baroin, tout ce beau monde est plus qu’hostile au retour de celui qui a mené sa famille à l’échec en 2012.  
Oui, Nicolas Sarkozy, comportez-vous en justiciable comme les autres  et regardez bien la France avec du recul, après 5 ans de pouvoir! Regardez la France que vous avez laissée avec une dette qui a explosé au point d’atteindre les 600 milliards, un chômage qui a atteint des records (passé de 8% à 9,4% de 2007 à 2012).
 Donc, avec vos faux airs de martyr de la justice, osez dire que François Hollande, Taubira, Valls et les deux juges politiques sont les responsables de tout ce qui vous arrive, n’est-ce pas là du pur enfumage?
 Monsieur Sarkozy, répondez, expliquez-vous devant les juges de la République et ne faites pas comme l’autre Nicolas (Nicolae Ceausescu) qui, face à ses juges, déclarait: «Je n’ai rien à vous dire, vous êtes des juges politiques » !
Je vais vous donner un petit conseil : expliquez-vous avec la justice et épargnez aux Français vos commentaires ! 


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