La seule voix dissonante émane de nationalistes canariens
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Le ministère de l'Intérieur espagnol envisage même, et dans la mesure du possible, de renforcer la coopération policière avec le Maroc, en envoyant des experts et des techniciens en matière d'immigration à l'ambassade d'Espagne à Rabat, afin qu'ils puissent effectuer leur travail au plus près de la zone où le problème est généré et le traiter à la racine.
José Manuel Albares, ministre espagnol des Affaires étrangères, a indiqué que les résultats de cette coopération entre les ministères de l’Intérieur des deux pays sont déjà palpables puisque les arrivées de migrants en situation irrégulière ont chuté de près de 80% en avril par rapport au même mois de 2021. Pour lui, l’archipel ne peut pas gérer seul le phénomène migratoire et il pense que l’intensification de la coopération avec le Maroc donnera plus de résultats dans les mois qui viennent.
Toutefois, l’enthousiasme d’Albares n’est pas partagé par les responsables canariens. Ángel Víctor Torres, président des Iles Canaries, estime, de son côté, qu'il n'y a pas "d'accord possible" empêchant le phénomène migratoire. Il pense même que tout accord visant à arrêter les déplacements humains n’est qu’une « chimère ». Selon lui, les mécanismes de contrôle mis en place ne servent qu’à plus de surveillance et non pas à éradiquer la mobilité des migrants.
Pablo Rodríguez, porte-parole du groupe nationaliste canarien, a affirmé, pour sa part, que l’accord de coopération entre l'Espagne et le Maroc demeure inopérationnel et sans intérêt puisque la situation migratoire est grave sur l’île, selon lui, en s’appuyant sur le dernier rapport du ministère de l’Intérieur qui a indiqué que « le nombre de migrants arrivés aux Iles Canaries entre janvier et mai de cette année a augmenté de plus de moitié par rapport à la même période de l'année dernière, et qu'il y a des ONG qui soulignent qu'en 2021, plus de 4.000 personnes ont perdu la vie sur la soi-disant route migratoire vers les Iles Canaries ».
Román Rodríguez (Nouvelles Canaries), vice-président du gouvernement des Iles Canaries et ministre du Trésor,va plus loin. Il rejette le « succès » des accords conclus entre Madrid et Rabat dans le domaine migratoire et doute des relations diplomatiques avec le Royaume du Maroc. Selon lui, notre pays n’est pas « digne de confiance » puisqu’il fait « du chantage » à l’Espagne. Pour lui, le succès des accords doit se manifester par la diminution du nombre des décès et la mise en place d’un système migratoire "régulé et sûr".
Même son de cloche de la part du porte-parole du parti populaire, Australia Navarro, qui a déclaré que les Iles Canaries avaient accueilli un total de 7.619 migrants jusqu'au 15 mai, soit une hausse de 21% par rapport à la même période de l'année dernière. Les arrivées d'immigrants sur ces îles représentent près de 75% du total des arrivées en Espagne au cours de cette année (10.163), soit une augmentation de 14%. A ce propos, il remet en cause ce que les ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères qualifient de succès en faisant allusion aux nouvelles relations politiques entre l'Espagne et le Maroc.
Pour une source marocaine proche de ce dossier sollicitant l’anonymat, les propos proférés par ces responsables canariens n’ont pas de sens vu le rôle et la place du Maroc dans le dossier de la migration dans la région. « C’est de la spéculation politique », nous a-t-il confié. Et de poursuivre : « Ces responsables aiment pêcher en eau trouble et créer de faux débats. En effet, Rabat n’est pas censé protéger les frontières des Iles Canaries. Le Maroc est un pays souverain et il n’est pas le gendarme de l’Europe. Et ce malgré le fait que notre pays a contribué à l’échec, au cours du premier trimestre 2022, de plus de 14 .00 tentatives de sorties illégales et au démantèlement de 52 réseaux de contrebande ».
D’après notre source, les propos des responsables canariens ne vont en aucun cas remettre en cause le rôle du Maroc considéré comme essentiel et primordial vu que le dossier de la migration dépasse les relations hispano-marocaines. « Il s’agit d’un dossier stratégique dont les enjeux et défis sont transnationaux et qui n’intéresse pas uniquement l’Espagne », a-t-il conclu.
Hassan Bentaleb