Quand le foot devient affaire d’Etat

Au Maroc, le sport peut servir de tremplin politique


Narjis Rerhaye
Samedi 21 Novembre 2009

Quand le foot devient affaire d’Etat
Deux matchs de qualification pour la coupe du monde de football 2010 sont venus rappeler les relations passionnelles qu’entretient la politique avec le ballon rond. La main (bénie ? interdite ?)du match de France-Irlande et les débordements de l’après-rencontre Egypte-Algérie ont tourné aux affaires d’Etat. La qualification des uns et l’élimination des autres se sont invitées au débat politique. Au sommet de l’Etat, on se mêle d’un match de football tout en refusant de jouer aux arbitres. Dans les coulisses de la politique et les cénacles du pouvoir, on refait le match, on condamne, on défend. Les politiques se mobilisent et le ballon rond se fait presque fédérateur. Il ne faut pas gâcher la joie du peuple, il faut réparer l’injustice faite à un pays, c’est selon.
« Foot et politique ne sont sûrement pas un couple improbable. C’est une longue histoire qui lie ces deux mondes qui ont beaucoup de choses en partage. Au Maroc, par exemple, de nombreux politiciens sont venus à la politique justement par le football, soit après avoir créé des équipes de football soit en dirigeant des clubs.
Des leaders comme Maati Bouabid ou encore Abdellatif Semlali en ont été l’illustration. De nombreux observateurs sont prompts à l’affirmer : l’Union constitutionnelle s’est imposée à Casablanca grâce notamment au Raja, une équipe de football sur laquelle l’ancien premier ministre et leader fondateur de l’Union constitutionnelle, M. Bouabid, avait une réelle emprise», rappelle ce membre fondateur de l’UC. Et voilà comment une formation politique naissante a construit son ancrage en greffant à une équipe de foot qui avait le vent en poupe. De l’autre côté de la Méditerranéen, l’exemple de l’AC Milan est révélateur de tous les possibles. Pour ses détracteurs, l’équipe de football du premier ministre italien Berlusconi a souvent été instrumentalisée à des fins de propagande politique.
Désaffection
des urnes et… des stades
Pour ce sociologue de la place, la footballisation de la politique a tendance à prendre corps là où le discours politique est en crise. « Face à la désaffection du citoyen du politique, le peuple des supporters, lui, est bel et bien là. Mais attention, il peut lui aussi déserter les stades à l’image du citoyen électeur qui boude les urnes dès que la crise de confiance s’installe et que le supporter ne s’identifie plus à son équipe. Toujours est-il que le foot continue d’être dans une large mesure l’opium des peuples », explique notre interlocuteur. Et si de manière générale le sport –et pas seulement le football- a servi bien des carrières politiques en terre marocaine, il continue, aujourd’hui, à mettre en orbite une nouvelle élite et classe dirigeante cooptées par le Pouvoir. Ces dernières années, les exemples sont foison et marquent l’arrivée d’une nouvelle étoffe de managers dans les stades. Ainsi l’équipe r’batie de football, le FUS, a été confiée à Mounir Majidi, le secrétaire particulier du Souverain. C’est le PDG de la SNRT, Fayssal Laaraichi, qui a succédé à Mohamed Mjid à la tête de la fédération de tennis. Quant au football national –et son désastre-, Ali Fassi Fihri, directeur général de l’Office national de l’électricité, est très officiellement investi de la périlleuse mission de le sortir de la crise dans laquelle il se débat depuis plusieurs années déjà.
Le ticket pour Johannesburg où se joueront les matchs de la Coupe du monde en juin prochain a mobilisé non seulement les foules mais aussi les plus hauts responsables de pays. Le match France –Irlande et la main contestée du joueur français Thierry Henri se sont invités au sommet européen extraordinaire qui s’est tenu jeudi soir à Bruxelles. Le premier ministre irlandais a ainsi interpellé le président français Sarkozy, lequel se refuse de se substituer « à l’arbitre, aux instances de football français et européen ».
Quelques heures auparavant, le parlement irlandais débattait d’une faute de main désormais à la réputation planétaire alors que le gouvernement demandait à la FIFA de prendre ses responsabilités. « L’élection du tout nouveau président du conseil de l’Europe qui est véritablement une première a failli passer inaperçue ! », fait remarquer un commentateur sportif.
Foot et politique,
un mariage catholique ?
Footballisation de la politique ? Probablement. Algériens et Egyptiens dont le match de qualification pour la Coupe du monde a attisé une haine passionnelle, ne sauraient attester du contraire d’autant que l’affaire prend des proportions de plus en plus diplomatico-étatiques. L’Egypte a rappelé son ambassadeur en Algérie « pour consultations » et ce après avoir convoqué l’ambassadeur algérien « pour lui notifier l’indignation extrême de l’Egypte face aux agressions de ressortissants algériens contre des ressortissants égyptiens après le match qui a opposé les deux équipes mercredi soir à Khartoum ». Il y a fort à parier que foot et politique sont un couple condamné au mariage catholique, n’autorisant pas le divorce, pour reprendre l’expression du père fondateur de l’Istiqlal quand il il évoquait la Koutla démocratique. Au parlement, les défaites des Lions de l’Atlas sont passionnément débattus en commission alors que le ministre en charge de la Jeunesse et des Sports est sous les feux croisés de questions orales forcément posées sur le ton de l’indignation.
La reprise en main de la Fédération royale marocaine de football qui s’est vu attribuer la coquette somme de 250 millions de dhs au nom de la restructuration du football national et de la professionnalisation du championnat national peut témoigner du fait que le foot est une force de mobilisation. Et tant qu’il y aura des responsables politiques et un ballon de foot à proximité…


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1.Posté par jigoud le 21/11/2009 12:28
Dans un journal de Gauche , évoquer le rapport de la politique et du foot en citant de mauvais exemples inspirés de la Droite (UC, Berlusconi ...) semble se déduire, je regrette, d'une intuition médiocre de la politique. Et c'est cette intuition qui encadre désormais le champ politique...Dommage que l'on ait descendu à ce point d'affront à la sensibilité de Gauche...

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