Le nombre des cas de poursuites liées à la traite humaine fait froid dans le dos : Triste record


Hassan Bentaleb
Dimanche 16 Mars 2025

Le nombre des cas de poursuites liées à la  traite humaine fait froid dans le dos : Triste record
«Les chiffres de 2023 confirment une tendance à la hausse des cas de traite des êtres humains au Maroc, tant en termes de plaintes que d’affaires enregistrées. L’exploitation sexuelle demeure la forme dominante, touchant principalement les femmes et les mineurs. Les efforts judiciaires s’intensifient, avec une aug mentation des poursuites, mais des défis persis tent, notamment en ce qui concerne le traitement des plaintes et la lutte contre les ré seaux criminels organisés. Les données mon trent également que la traite des êtres humains est un phénomène à la fois national et transna tional, nécessitant une coopération renforcée entre les différents acteurs ». Tels sont les prin cipaux faits marquants qui ressortent du dernier rapport du Parquet général concernant la lutte contre la traite humaine. Analyse.

Hausse

En 2023, 92 plaintes liées à la traite des êtres humains ont été enregistrées, marquant une aug mentation de 37% par rapport à 2022, où 58 plaintes avaient été déposées. Ces plaintes éma naient soit des victimes elles-mêmes, soit de sec teurs gouvernementaux, d’ONG ou d’ambassades. La plupart des plaintes provenaient de per sonnes majeures (67 plaintes), contre 25 dépo sées par des mineurs. Il est à noter que 64% de ces plaintes ont été formulées par des femmes, et 36% par des hommes. Sur l’ensemble des plaintes enregistrées en 2023, seules 35 (38%) ont donné lieu à des pour suites de la part du Parquet, tandis que 18 autres (20%) ont été classées sans suite. Les 39 plaintes restantes (42%) ont été traitées dans le cadre de crimes relevant du droit commun. Par ailleurs, le rapport indique que 110 nou velles affaires ont été enregistrées en 2023, soit une hausse de 23,64% par rapport à 2022 (84 affaires). Ce chiffre représente le niveau le plus élevé au cours des quatre dernières années.

Profil

L’analyse des données concernant les per sonnes poursuivies révèle que, sur 77 affaires, une seule personne a été poursuivie dans 27 cas, tandis que plusieurs individus ont été impliqués dans les autres. Seules six affaires ont concerné des poursuites contre des bandes criminelles. Selon le Parquet, la traite des êtres humains au Maroc est souvent le fait d’individus agissant seuls ou avec la complicité d’autres personnes, sans atteindre le niveau de criminalité organisée pratiquée par des réseaux criminels structurés. La répartition géographique des affaires montre que la Cour d’appel de Marrakech arrive en tête avec 15 affaires (13,64%), suivie de Ca sablanca (14 affaires) et des tribunaux de Meknès et Fès (10 affaires chacun). Les Cours d’appel de Casablanca, Marrakech, Errachidia et Laâyoune ont enregistré une hausse du nombre d’affaires par rapport à 2022, tandis qu’une baisse a été observée à Ouarzazate, Safi et Nador. Le Parquet précise également que 91 affaires ont été commises sur le territoire national, contre 19 affaires transnationales.  

Le nombre de personnes poursuivies pour traite des êtres humains a atteint 171 individus en 2023, contre 153 en 2022, soit une augmentation de 10,53%. Ainsi, 2023 est l’année ayant enregis tré le plus grand nombre de poursuites. Parmi les personnes poursuivies, 143 (84%) étaient en dé tention, tandis que 28 ont été libérées. Tous les individus poursuivis sont de sexe masculin et de nationalité marocaine, à l’excep tion de 13 personnes étrangères (8%). Parmi eux, 80% ont un niveau scolaire élémentaire ou sont non scolarisés, et 61% sont sans profession. L’exploitation sexuelle demeure la forme la plus répandue de traite des êtres humains au Maroc, avec 128 cas (75,3%), suivie du travail forcé (8 cas) et de la mendicité (2 cas).

Comparaison

En comparant les données de 2023 avec celles de 2022 et des années précédentes, plu sieurs tendances et évolutions concernant la traite des êtres humains au Maroc se dégagent. D’abord au niveau du nombre de plaintes et d’affaires enregistrées, ce chiffre continue d’aug menter, reflétant une prise de conscience accrue et un renforcement des mécanismes de signale ment. A noter, cependant, que bien que le nom bre de poursuites augmente, le taux de classement sans suite reste préoccupant, suggé rant des difficultés dans la collecte de preuves ou la protection des victimes. Concernant le profil des victimes, la propor tion des mineurs parmi les victimes semble di minuer en 2023 (27% des plaintes contre 47,41% sur la période 2019-2022), mais les femmes restent majoritairement touchées. S’agissant des formes de traite, l’exploitation sexuelle domine toujours, mais les chiffres de 2023 montrent une concentration encore plus forte sur cette forme de traite (75,3% contre en viron 39% en 2022).

Concernant les poursuites et profils des ac cusés, le nombre de poursuites continue d’aug menter, mais le profil des accusés reste similaire : majoritairement des hommes marocains peu éduqués et sans emploi. A propos de la répartition géographique, les grandes villes et certaines régions frontalières restent des foyers majeurs de traite des êtres hu mains et la traite transnationale demeure une réalité, mais elle représente une minorité des cas (17% en 2023).

Défis 

Mohammed Chaoui, chercheur en sciences politiques, soutient que malgré les progrès réali sés, la confusion juridique persistante au niveau de la loi n° 27-14 relative à la lutte contre la traite des êtres humains, entrave l’efficacité des pour suites, comme en témoigne le faible taux de plaintes aboutissant à des condamnations. Tout en précisant que, bien que les chiffres montrent une hausse des plaintes, ils ne reflètent proba blement qu’une fraction de la réalité, car de nombreuses victimes restent invisibles. Le manque de mécanismes de protection et de sen sibilisation explique en partie, selon lui, cette sous-déclaration. Notre interlocuteur estime, en outre, que la traite transfrontalière représente un défi majeur, nécessitant une coopération internationale ren forcée, tout en indiquant que les chiffres mon trent que cette dimension est bien présente, mais qu’elle reste minoritaire par rapport aux affaires nationales. Il a également souligné que les chiffres confirment que la traite touche principalement des populations vulnérables, tant du côté des victimes que des accusés. D’après lui, cela met en évidence la nécessité de la mise en place de politiques sociales et éducatives pour prévenir ces crimes.

Hassan Bentaleb 


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