“Popeye”, une vie de violence et d'affabulation au service d'Escobar

A sa sortie de prison, Jhon Velasquez déclarait vouloir changer ses anti-valeurs pour des valeurs


Samedi 8 Février 2020

Tueur assumé et affabulateur, "Popeye" se disait "fasciné par l'odeur du sang". Le célèbre sicaire d'Escobar s'était créé un personnage, publiant des livres, devenant youtuber et inspirant Netflix, après avoir semé la mort à l'époque la plus noire du narco-trafic en Colombie.
De son vrai nom Jhon Jairo Velasquez, il est mort jeudi à 57 ans d'un cancer de l'estomac, sous la surveillance d'agents pénitentiaires, à l'Institut national de cancérologie à Bogota.
Sur Netflix, son personnage, créé à partir de son autobiographie "Survivre à Pablo Escobar", abat sans ciller, de deux coups de feu, un homme ligoté au sol, puis monte à bord d'un avion chargé de cocaïne.
Fiction et réalité se mêlaient dans la vie de l'un des derniers tueurs ayant survécu au baron de la cocaïne Pablo Escobar, abattu par la police en décembre 1993 à Medellin.
Dans le milieu, il se fait connaître comme "Popeye", surnom hérité de son passage par l'école de la Marine et d'un menton proéminent qu'il fera ensuite opérer. Et il est devenu une incarnation du mal, tuant de sang froid et narrant les crimes commis sur ordre du "patron".
Lors d'un entretien avec l'AFP, en 2015 dans le cimetière de Medellin où est enterré Escobar, Jhon Velasquez se targuait d'avoir assassiné "au moins 250 personnes, peut-être 300".
Agenouillé sur la tombe du "capo", un bouquet de fleurs à la main, il s'était alors présenté comme un criminel repenti, déclarant avoir aussi commandité les assassinats de plusieurs milliers de personnes.
Mais des policiers qui l'ont pourchassé, des proches d'Escobar et de victimes narrent une autre version de l'histoire: celle d'une "gâchette" fanfaronnant pour accéder à la célébrité.
Il faisait "l'apologie du crime et de la barbarie que nous vivons encore dans nos rues", a déclaré à l'AFP Carlos Zuluaga, fils d'un juge assassiné pour avoir ordonné l'arrestation d'Escobar.
Né de parents commerçants dans le village de Yarumal (nord-ouest) en 1962, Popeye affirmait avoir grandi dans un "entourage violent" et se disait "fasciné par l'odeur du sang".
Dans ses mémoires, il raconte être passé par les écoles de la Marine et de la police, avant de devenir l'un des hommes de main d'Escobar.
En 1992, âgé de 30 ans, il abandonne "le patron" pour se livrer à la justice. Il passera 23 ans en prison.
Il confessait avoir fourni l'arme qui a tué en 1989 le candidat libéral à la présidence de Colombie, Luis Carlos Galan, avoir abattu un procureur et participé à l'enlèvement du conservateur Andrés Pastrana, élu ensuite président (1998-2002).
Popeye se montrait comme le chef des sicaires du capo colombien et a même soutenu que Raul Castro était le contact d'Escobar à Cuba.
L'auteure Maritza Wills, qui a relaté sa vie, a toutefois déclaré au magazine Soho que le mensonge était "la base de sa personnalité": "Une grande partie des manuscrits qu'il m'envoyait via des tiers racontaient un jour une histoire, puis une version complètement différente un autre jour".
L'ex-vice-président et général en retraite, Oscar Naranjo, qui a pourchassé les narcos du cartel de Medellin, estime aussi que Popeye était un affabulateur.
Ses récits sont ceux d'"une personne qui veut se grandir (...) et justifier son activité criminelle". "Je suis sûr que ce qu'il connaît est, pour une bonne part, de l'information de seconde main (...) et qu'il n'a été le protagoniste que dans quelques cas."
Le frère du baron de la cocaïne, Roberto Escobar, a même affirmé à la presse que Popeye n'était qu'"un chauffeur, qui n'a jamais été le bras droit de Pablo".
A sa sortie de prison, Jhon Velasquez déclarait vouloir mener une vie austère, changer ses "anti-valeurs pour des valeurs". Mais sa vanité et sa rechute criminelle l'ont emporté, avant le cancer.
Fort de plus d'un million d'abonnés sur YouTube, il militait contre l'accord de paix signé avec l'ex-guérilla des Farc en 2016 et les leaders de gauche, allant jusqu'à les menacer.
En 2017, il est repéré dans une fête donnée par un mafieux requis en extradition par les Etats-Unis. L'année suivante, il était arrêté pour association de malfaiteurs et extorsion. Il est mort jeudi loin des feux de la célébrité.


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