Pietro Marcello Franc-tireur d'un cinéma italien en quête d'audace

Je crois à l'idée d'un cinéma d'expérimentations, utile et nécessaire. Mais de nos jours, c'est l'industrie du divertissement qui décide


Mercredi 2 Octobre 2019

Pietro Marcello Franc-tireur d'un cinéma italien en quête d'audace
Sous le feu des projecteurs depuis sa sélection remarquée à la dernière Mostra de Venise, le réalisateur italien Pietro Marcello se revendique d'un cinéma social, "utile et nécessaire", bâti en marge d'une industrie "du divertissement" dont il s'est toujours tenu éloigné.
Encensé sur le Lido, "Martin Eden", son second long métrage de fiction, a éveillé la critique internationale à la démarche audacieuse et engagée de ce Napolitain que d'aucuns, en Italie, hissent aux avant-postes d'une génération porteuse d'un souffle nouveau.
"Je crois à l'idée d'un cinéma d'expérimentations, utile et nécessaire. Mais de nos jours, c'est l'industrie du divertissement qui décide", regrette le réalisateur de 43 ans, rencontré ce week-end au Festival du film italien d'Annecy, qui lui dédiait une rétrospective.
Il y a dix ans, ce spécialiste du cinéma soviétique a créé "L'Avventurosa", une société de production sur laquelle il s'appuie pour financer ses films. Avec un objectif: contrôler l'ensemble du processus de création.
"L'économie est antinomique avec toute notion d'art, même si le cinéma n'en est pas une forme pure". Quand j'ai compris que l'industrie ne considérait pas le cinéma comme un instrument d'évolution de l'Homme, je m'en suis détourné", explique-t-il.
Ce refus de courber l'échine face à la mécanique économique du 7e Art est au coeur de "Martin Eden" - en salle le 14 octobre -, oeuvre romanesque librement inspirée du chef-d'oeuvre de Jack London dont le héros, un jeune marin devenu écrivain par amour, perd son âme dans sa quête narcissique de succès littéraires.
"J'ai voulu raconter l'histoire d'une déception. Celle d'un homme qui ne se reconnaît plus, victime du narcissisme de l'industrie culturelle", analyse Pietro Marcello, pointant "une société hédoniste où culture et individualisme font encore bon ménage".
Le cinéaste explique s'être efforcé de rester à distance de sa zone de confort, à la recherche de l'"alchimie cinématographique" qui, à l'instar d'un Roberto Rossellini, nourrit son travail depuis ses débuts.
Né en 1976 près de Naples, Pietro Marcello abandonne à 20 ans son ambition de devenir peintre, "un rêve d'enfant", convaincu que ce choix ne lui permettra pas de s'exprimer comme il l'entend.
Il s'engage alors sur la voie du cinéma documentaire, au contact duquel il va apprendre à "affronter l'imprévu, à regarder autour de [lui] et à faire des sacrifices".
"Depuis, je me pose toujours la question de la dimension sociale dans tout ce que j'entreprends. Je fais du cinéma pour parler des autres. J'aurais honte de l'utiliser pour parler de moi", affirme-t-il.
C'est l'un de ses premiers documentaires, "La bocca del lupo", portrait d'un criminel sicilien multirécidiviste ayant passé la moitié de sa vie en prison, qui le révèle en 2009 à une Italie où "les spectateurs ont été éduqués à voir des films très formatés".
Passionné d'Histoire, le réalisateur a fait de l'utilisation d'images d'archives l'une des clés de voûte de sa filmographie. Il se plaît à lui opposer un montage "en contrepoint", parfois déroutant, voué à défricher "des voies inexplorées" de la narration.
"Le montage est le partie du processus de création qui me procure le plus d'adrénaline. Mon cinéma reflète qui je suis", souligne Pietro Marcello, pour qui l'essence du cinéma réside en la "transposition d'émotions puisées dans la vie quotidienne".
Le réalisateur, qui souhaiterait "un jour" transmettre aux jeunes italiens "une autre manière de voir les choses", déplore que l'industrie cinématographique de son pays ait cessé "de se poser des questions" et que la nouvelle génération de réalisateurs n'avance pas "unie".
"Il n'y a pas de renaissance du cinéma italien car il n'y a pas de poussée sociale assez forte qui le remette en question. Il est important de faire des films quand il y a une nécessité", conclut-il.


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