«La littérature de jeunesse : une littérature à part entière» était l’intitulé d’une rencontre-débat avec le chercheur Hassan Id Brahim (auteur de La littérature de jeunesse au Maroc–retours sur expériences, Éditions Sagacita, 2023), à l’École normale supérieure de l’Université Moulay Ismaïl de Meknès, le 16 décembre 2024. La littérature de jeunesse suscite un nouvel engouement, tant au Maroc qu’ailleurs.
«La littérature de jeunesse : une littérature à part entière» était l’intitulé d’une rencontre-débat avec le chercheur Hassan Id Brahim (auteur de La littérature de jeunesse au Maroc–retours sur expériences, Éditions Sagacita, 2023), à l’École normale supérieure de l’Université Moulay Ismaïl de Meknès, le 16 décembre 2024. La littérature de jeunesse suscite un nouvel engouement, tant au Maroc qu’ailleurs.
Elle commence à s’imposer dans la vie quotidienne ainsi qu’à l’université. Cette littérature ne se contente pas de divertir son lectorat, mais cherche également à édifier l’enfant ou l’adolescent, à lui transmettre des valeurs par le biais du conte, des illustrations et des images, etc. Cette littérature est souvent une heureuse conjugaison entre l’image et le texte. Elle est destinée au public enfantin incapable parfois de déchiffrer le texte, d’où l’importance de l’image qui sert à aider l’enfant-lecteur à suivre l’histoire, à captiver son attention. Cette littérature vise, en particulier, à affiner l’esprit critique du jeune lecteur, à stimuler le cerveau et à améliorer la mémoire. La lecture permet aussi le développement du langage et du sens de l’écoute. Elle développe ainsi la concentration chez l’enfant et nourrit une culture juvénile. Comme l’écrit Todorov dans La Littérature en péril, « la littérature aide à vivre » (2007 : 15).
Mais, tout d’abord, proposons une définition approximative de la notion de littérature de jeunesse. Le concept de littérature désigne l’ensemble des œuvres à finalité esthétique. Elle vise à divertir, à susciter des émotions et des réflexions. Il s’agit donc d’un concept limpide, mais qui demeure un calvaire pour les définisseurs. Depuis Qu’est-ce que la littérature? (Gallimard, 1948) de Jean-Paul Sartre, les définitions de la littérature prolifèrent. La notion de littérature renvoie à une activité littéraire où il y a de la littérarité. Mais comment peut-on la définir? Proposons cette définition : la littérarité est le fait de doter le langage d’un deuxième sens. En cela, la littérature est un traitement particulier du langage. Le substantif « jeunesse » renvoie au public spécifique de cette littérature. Cela n’empêche qu’elle s’adresse également aux parents, aux enseignants voire aux lecteurs adultes. Cependant, il existe une petite nuance entre la littérature d’enfance et la littérature de jeunesse. La seconde catégorie place souvent le personnage face à des institutions. Cette nuance révèle en réalité le caractère flou de cette littérature. Certains éditeurs procèdent par tranche d’âge pour pallier ce problème.
Littérature d’apprentissage, la littérature juvénile permet aussi de repenser le réel et de lui donner un sens. Il s’agit d’un ensemble de livres destinés aux enfants et aux adolescents.
Ces livres ne sont pas nécessairement dépourvus de littérarité, contrairement à certains préjugés selon lesquels cette littérature se limiterait à des œuvres édulcorées et faciles à lire. Cette appellation «littérature de jeunesse» est problématique. Elle repose sur un critère d’âge et «se définit par exclusion». Mais où commence et où finit la jeunesse ? Cette ambiguïté explique le statut incertain de cette catégorie littéraire. Celle-ci est relativement récente par rapport à la littérature générale (ou pour adultes). Il est important de rappeler qu’elle possède une dimension littéraire propre, car dès qu’on évoque cette littérature, on tend parfois à négliger cet aspect au profit de son lectorat: l’enfant et l’adolescent.
Rappelons que certains critiques qualifient ce genre littéraire par les expressions «paralittérature», «non-littérature», «littérature au second plan» et l’enferment ainsi dans des préjugés.
La littérature de jeunesse vise à installer la lecture comme activité routinière. Il s’agit aussi d’un enseignement, en ce sens que les histoires sont une école de sagesse. Elles nourrissent l’imagination de l’enfant ou de l’adolescent. Les histoires permettent à l’enfant de grandir. Les supports de cette littérature sont divers : livre d’images, contes, romans, albums, bandes dessinées, poèmes, pièces de théâtre, etc. Cette littérature joue un rôle pédagogique important. Il ne s’agit pas seulement d’une littérature de transition ni d’apprentissage, mais bien d’une littérature à part entière. Elle produit et transmet des valeurs. Cela souligne sa tâche délicate et nous amène à poser cette question : quelles valeurs serait-il pertinent de mettre en avant pour ce public spécifique ?
Cette rencontre littéraire, animée par le chercheur Hassan Id Brahim, avait pour objectif de répondre à cette question et de sensibiliser à l’importance de la lecture et à la valeur de cette littérature parfois oubliée comparativement à la littérature pour adultes. Cette rencontre-débat visait à réhabiliter la littérature de jeunesse tout en soulignant son rôle dans la formation psychologique de l’enfant, de l’adolescent, et même de l’adulte. La lecture permet d’avoir une vision plus large du monde et constitue en effet une méthode précieuse pour développer les capacités linguistiques et expressives. Elle protège aussi les enfants des écrans.
Le livre de Hassan Id Brahim, La littérature de jeunesse – retours sur expériences, propose de revisiter cette littérature à travers cinq voix littéraires marocaines dont la production est déjà conséquente. Il s’agit d’Ahmed Abdesslam El Bekkali, Driss Chraïbi, El Mostafa Bouignane, Fouad Laroui et de Habib Mazini. Ces auteurs, déjà consacrés dans le champ littéraire marocain, permettent de revivifier cette littérature. Leurs styles sont variés. Hassan Id Brahim note que l’écrivain Ahmed Abdesslam El Bekkali est le premier écrivain à faire de la littérature d’enfance sa première vocation. Sa façon de confectionner la matière narrative se caractérise par un «rebondissement de l’action, une construction du personnage, des tonalités de l’histoire, et un statut du personnage, qui est souvent un enfant ou un adolescent, fille ou garçon, en majorité de milieux sociaux pauvres ou modestes». Cet auteur, selon Hassan Id Brahim, est à l’aise dans tous les registres (« fictionnel, réel, folklorique, surnaturel, fantasmagorique, initiatique… »).
Driss Chraïbi propose, quant à lui, un univers « réflexif plutôt qu’anecdotique, aussi profond que léger », alors que Fouad Laroui « préfère s’adresser à l’intelligence de l’enfant plutôt que de l’instruire. Ainsi, son œuvre pour la jeunesse se déploie dans un espace fictionnel où alternent beaucoup d’éléments liés, entre autres, à l’éthique, à la société, à la famille, au vivre-ensemble, à l’identité et aux valeurs sociales». Cet écrivain utilise des images percutantes pour atteindre son lecteur. L’âne devient son personnage, un âne qui pense et dialogue avec les enfants; «il est humanisé à l’extrême».
Elle commence à s’imposer dans la vie quotidienne ainsi qu’à l’université. Cette littérature ne se contente pas de divertir son lectorat, mais cherche également à édifier l’enfant ou l’adolescent, à lui transmettre des valeurs par le biais du conte, des illustrations et des images, etc. Cette littérature est souvent une heureuse conjugaison entre l’image et le texte. Elle est destinée au public enfantin incapable parfois de déchiffrer le texte, d’où l’importance de l’image qui sert à aider l’enfant-lecteur à suivre l’histoire, à captiver son attention. Cette littérature vise, en particulier, à affiner l’esprit critique du jeune lecteur, à stimuler le cerveau et à améliorer la mémoire. La lecture permet aussi le développement du langage et du sens de l’écoute. Elle développe ainsi la concentration chez l’enfant et nourrit une culture juvénile. Comme l’écrit Todorov dans La Littérature en péril, « la littérature aide à vivre » (2007 : 15).
Mais, tout d’abord, proposons une définition approximative de la notion de littérature de jeunesse. Le concept de littérature désigne l’ensemble des œuvres à finalité esthétique. Elle vise à divertir, à susciter des émotions et des réflexions. Il s’agit donc d’un concept limpide, mais qui demeure un calvaire pour les définisseurs. Depuis Qu’est-ce que la littérature? (Gallimard, 1948) de Jean-Paul Sartre, les définitions de la littérature prolifèrent. La notion de littérature renvoie à une activité littéraire où il y a de la littérarité. Mais comment peut-on la définir? Proposons cette définition : la littérarité est le fait de doter le langage d’un deuxième sens. En cela, la littérature est un traitement particulier du langage. Le substantif « jeunesse » renvoie au public spécifique de cette littérature. Cela n’empêche qu’elle s’adresse également aux parents, aux enseignants voire aux lecteurs adultes. Cependant, il existe une petite nuance entre la littérature d’enfance et la littérature de jeunesse. La seconde catégorie place souvent le personnage face à des institutions. Cette nuance révèle en réalité le caractère flou de cette littérature. Certains éditeurs procèdent par tranche d’âge pour pallier ce problème.
Littérature d’apprentissage, la littérature juvénile permet aussi de repenser le réel et de lui donner un sens. Il s’agit d’un ensemble de livres destinés aux enfants et aux adolescents.
Ces livres ne sont pas nécessairement dépourvus de littérarité, contrairement à certains préjugés selon lesquels cette littérature se limiterait à des œuvres édulcorées et faciles à lire. Cette appellation «littérature de jeunesse» est problématique. Elle repose sur un critère d’âge et «se définit par exclusion». Mais où commence et où finit la jeunesse ? Cette ambiguïté explique le statut incertain de cette catégorie littéraire. Celle-ci est relativement récente par rapport à la littérature générale (ou pour adultes). Il est important de rappeler qu’elle possède une dimension littéraire propre, car dès qu’on évoque cette littérature, on tend parfois à négliger cet aspect au profit de son lectorat: l’enfant et l’adolescent.
Rappelons que certains critiques qualifient ce genre littéraire par les expressions «paralittérature», «non-littérature», «littérature au second plan» et l’enferment ainsi dans des préjugés.
La littérature de jeunesse vise à installer la lecture comme activité routinière. Il s’agit aussi d’un enseignement, en ce sens que les histoires sont une école de sagesse. Elles nourrissent l’imagination de l’enfant ou de l’adolescent. Les histoires permettent à l’enfant de grandir. Les supports de cette littérature sont divers : livre d’images, contes, romans, albums, bandes dessinées, poèmes, pièces de théâtre, etc. Cette littérature joue un rôle pédagogique important. Il ne s’agit pas seulement d’une littérature de transition ni d’apprentissage, mais bien d’une littérature à part entière. Elle produit et transmet des valeurs. Cela souligne sa tâche délicate et nous amène à poser cette question : quelles valeurs serait-il pertinent de mettre en avant pour ce public spécifique ?
Cette rencontre littéraire, animée par le chercheur Hassan Id Brahim, avait pour objectif de répondre à cette question et de sensibiliser à l’importance de la lecture et à la valeur de cette littérature parfois oubliée comparativement à la littérature pour adultes. Cette rencontre-débat visait à réhabiliter la littérature de jeunesse tout en soulignant son rôle dans la formation psychologique de l’enfant, de l’adolescent, et même de l’adulte. La lecture permet d’avoir une vision plus large du monde et constitue en effet une méthode précieuse pour développer les capacités linguistiques et expressives. Elle protège aussi les enfants des écrans.
Le livre de Hassan Id Brahim, La littérature de jeunesse – retours sur expériences, propose de revisiter cette littérature à travers cinq voix littéraires marocaines dont la production est déjà conséquente. Il s’agit d’Ahmed Abdesslam El Bekkali, Driss Chraïbi, El Mostafa Bouignane, Fouad Laroui et de Habib Mazini. Ces auteurs, déjà consacrés dans le champ littéraire marocain, permettent de revivifier cette littérature. Leurs styles sont variés. Hassan Id Brahim note que l’écrivain Ahmed Abdesslam El Bekkali est le premier écrivain à faire de la littérature d’enfance sa première vocation. Sa façon de confectionner la matière narrative se caractérise par un «rebondissement de l’action, une construction du personnage, des tonalités de l’histoire, et un statut du personnage, qui est souvent un enfant ou un adolescent, fille ou garçon, en majorité de milieux sociaux pauvres ou modestes». Cet auteur, selon Hassan Id Brahim, est à l’aise dans tous les registres (« fictionnel, réel, folklorique, surnaturel, fantasmagorique, initiatique… »).
Driss Chraïbi propose, quant à lui, un univers « réflexif plutôt qu’anecdotique, aussi profond que léger », alors que Fouad Laroui « préfère s’adresser à l’intelligence de l’enfant plutôt que de l’instruire. Ainsi, son œuvre pour la jeunesse se déploie dans un espace fictionnel où alternent beaucoup d’éléments liés, entre autres, à l’éthique, à la société, à la famille, au vivre-ensemble, à l’identité et aux valeurs sociales». Cet écrivain utilise des images percutantes pour atteindre son lecteur. L’âne devient son personnage, un âne qui pense et dialogue avec les enfants; «il est humanisé à l’extrême».
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La lecture permet d’expérimenter symboliquement le réel; elle féconde l’imagination. En ce sens, Habib Mazini fonde son imaginaire sur une certaine urbanité puisée spécifiquement dans la réalité casablancaise. Cet auteur «ne vise pas seulement à raconter aux enfants ou aux jeunes une histoire ou une saga, mais aussi à leur faire vivre celle-ci en usant de plusieurs procédés : styles, illustrations, élaborations sémantiques, noms propres, et références culturelles». Ces techniques permettent de captiver l’enfant dès les premières lignes voire transformer sa vie. Cet objectif éclaire en quelque sorte la complexité de l’écriture destinée aux jeunes lecteurs. En publiant régulièrement pour les enfants, El Mostafa Bouignane imprime une teneur sociale à ses œuvres, aussi bien pour la jeunesse que pour les adultes : «Les contes de Bouignane sont généralement articulés, axés et construits autour de questions de société. En effet, leur unité narrative assoit une axiologie tacite véhiculant des valeurs humaines inscrites dans l’air du temps». Il s’agit là d’instruire en distrayant. Le personnage passe par des épreuves permettant à l’enfant-lecteur une forme d’apprentissage. Bouignane réserve au conte un usage particulier en ceci qu’il évite de « tomber dans le prêchi-prêcha ou dans le rabâchage moral ou moralisateur. Autrement dit, l’auteur est plutôt dans la sensibilisation et la mise en garde à travers une matière narrative qui fait penser ou qui stimule la réflexion en déjouant certaines pseudo-certitudes».
Le point commun entre ces auteurs est d’avoir introduit des univers spécifiques favorisant chez l’enfant le désir de lire et la capacité de s’ouvrir sur le monde. La lecture permet de sortir du cercle vicieux pour embrasser la diversité du monde. En d’autres termes, elle favorise l’empathie. Chaque livre devient une véritable pédagogie pour l’enfant. Ecrire pour les enfants ou les adolescents comporte néanmoins des défis. Un enfant ne finit jamais totalement de lire un livre, car à chaque nouvelle lecture, il découvre une dimension inédite du texte. L’écriture pour enfants permet aussi à l’écrivain de retrouver les sensations enfantines. Cela explique le mouvement et l’aspect du jeu et de l’aventure de cette écriture.
Le personnage d’un livre de jeunesse est souvent hyperactif, énergique, en lutte contre des monstres ou des défis symboliques. L’action est marquée par des rebondissements constants et un statut particulier du héros. Ces caractéristiques soulignent l’importance de cette littérature dans la formation des enfants et des adolescents. Encourager la lecture s’apparente alors à un acte de militantisme, comme le rappelle Mohamed El Bouazzaoui dans sa préface au livre de Hassan Id Brahim.
Selon Hassan Id Brahim, «La relation de l’enfant au livre doit être provoquée par plusieurs instances : l’éditeur, le libraire, le bibliothécaire, l’éducateur, les parents… Cela ne peut se concrétiser sans une politique publique réelle du livre et de la lecture qui favorisera un accès démocratique au savoir, à la culture et à l’information. Le développement de la littérature d’enfance ne va pas de soi. Il nécessite l’adoption d’une stratégie de sensibilisation et de communication visant à faire adhérer le lecteur à l’œuvre, et vice versa».
L’auteur revient sur l’état des lieux de cette littérature. Il revient également aux manuels scolaires comme des supports spécifiques. Appelé par Roland Barthes, « fragment de substance », le manuel scolaire « constitue en lui-même une organisation de l’écrit mettant en valeur des éléments perceptifs que nous utilisons pour nous repérer dans nos premières lectures». Il est à souligner que le livre de jeunesse ne doit pas présenter sous un jour favorable tout ce qui sert à démoraliser l’enfant (racisme, crime, préjugé, suicide, etc.). Cela est considéré par certains comme une embûche aux potentialités de cette littérature.
Cette littérature récente rencontre des difficultés à se faire une place dans le champ littéraire et éditorial marocain. Parmi les obstacles, on peut citer le prix exorbitant des livres pour la jeunesse, mais aussi la difficulté d’installer un véritable secteur national dédié à l’édition de ce type d’ouvrages. Souvent, la fabrication de ces livres, qui comportent des images et des illustrations, nécessite une qualité technique élevée, parfois difficile à atteindre chez ces éditeurs. Il convient de noter qu’on a affaire à une littérature-objet (qui exploite son objet) et non pas à une littérature-signe, c’est-à-dire à la littérature pour adultes.
L’illustration, en particulier, peine à s’imposer dans l’édition marocaine. Au lieu de favoriser une littérature juvénile aux couleurs locales, certains éditeurs préfèrent importer des livres de France, freinant ainsi l’émergence d’une littérature de jeunesse «à la marocaine». De plus, la production littéraire marocaine pour la jeunesse est majoritairement dominée par le conte. Cette prédominance, selon Hassan Id Brahim, reflète «l’absence d’une culture illustrative», ce qui limite la diversité des supports, notamment la bande dessinée, les documentaires et d’autres formes littéraires adaptées à la jeunesse. L’absence de valorisation de cette littérature et son faible rendement poussent certains éditeurs à privilégier des activités plus rentables, ce qui perturbe le développement de ce champ éditorial. Bien qu’il existe des éditeurs spécialisés dans ce domaine, tels que Yomad et Marsam, leur nombre reste insuffisant face à la diversité et à la forte demande de ce type de livres. À ces difficultés s’ajoute le problème de la diffusion qui touche également la littérature générale.
Malgré ces obstacles, il ne faut pas négliger les avancées réalisées. La littérature de jeunesse au Maroc s’enrichit et se professionnalise progressivement. Elle parvient à s’inscrire dans l’esprit des Marocains et à se faire une place dans les institutions universitaires. Ce secteur de l’édition, qui se spécialise dans des ouvrages adaptés aux enfants et aux adolescents, continue de se structurer, tant sur le plan formel que sur celui du contenu.
Le point commun entre ces auteurs est d’avoir introduit des univers spécifiques favorisant chez l’enfant le désir de lire et la capacité de s’ouvrir sur le monde. La lecture permet de sortir du cercle vicieux pour embrasser la diversité du monde. En d’autres termes, elle favorise l’empathie. Chaque livre devient une véritable pédagogie pour l’enfant. Ecrire pour les enfants ou les adolescents comporte néanmoins des défis. Un enfant ne finit jamais totalement de lire un livre, car à chaque nouvelle lecture, il découvre une dimension inédite du texte. L’écriture pour enfants permet aussi à l’écrivain de retrouver les sensations enfantines. Cela explique le mouvement et l’aspect du jeu et de l’aventure de cette écriture.
Le personnage d’un livre de jeunesse est souvent hyperactif, énergique, en lutte contre des monstres ou des défis symboliques. L’action est marquée par des rebondissements constants et un statut particulier du héros. Ces caractéristiques soulignent l’importance de cette littérature dans la formation des enfants et des adolescents. Encourager la lecture s’apparente alors à un acte de militantisme, comme le rappelle Mohamed El Bouazzaoui dans sa préface au livre de Hassan Id Brahim.
Selon Hassan Id Brahim, «La relation de l’enfant au livre doit être provoquée par plusieurs instances : l’éditeur, le libraire, le bibliothécaire, l’éducateur, les parents… Cela ne peut se concrétiser sans une politique publique réelle du livre et de la lecture qui favorisera un accès démocratique au savoir, à la culture et à l’information. Le développement de la littérature d’enfance ne va pas de soi. Il nécessite l’adoption d’une stratégie de sensibilisation et de communication visant à faire adhérer le lecteur à l’œuvre, et vice versa».
L’auteur revient sur l’état des lieux de cette littérature. Il revient également aux manuels scolaires comme des supports spécifiques. Appelé par Roland Barthes, « fragment de substance », le manuel scolaire « constitue en lui-même une organisation de l’écrit mettant en valeur des éléments perceptifs que nous utilisons pour nous repérer dans nos premières lectures». Il est à souligner que le livre de jeunesse ne doit pas présenter sous un jour favorable tout ce qui sert à démoraliser l’enfant (racisme, crime, préjugé, suicide, etc.). Cela est considéré par certains comme une embûche aux potentialités de cette littérature.
Cette littérature récente rencontre des difficultés à se faire une place dans le champ littéraire et éditorial marocain. Parmi les obstacles, on peut citer le prix exorbitant des livres pour la jeunesse, mais aussi la difficulté d’installer un véritable secteur national dédié à l’édition de ce type d’ouvrages. Souvent, la fabrication de ces livres, qui comportent des images et des illustrations, nécessite une qualité technique élevée, parfois difficile à atteindre chez ces éditeurs. Il convient de noter qu’on a affaire à une littérature-objet (qui exploite son objet) et non pas à une littérature-signe, c’est-à-dire à la littérature pour adultes.
L’illustration, en particulier, peine à s’imposer dans l’édition marocaine. Au lieu de favoriser une littérature juvénile aux couleurs locales, certains éditeurs préfèrent importer des livres de France, freinant ainsi l’émergence d’une littérature de jeunesse «à la marocaine». De plus, la production littéraire marocaine pour la jeunesse est majoritairement dominée par le conte. Cette prédominance, selon Hassan Id Brahim, reflète «l’absence d’une culture illustrative», ce qui limite la diversité des supports, notamment la bande dessinée, les documentaires et d’autres formes littéraires adaptées à la jeunesse. L’absence de valorisation de cette littérature et son faible rendement poussent certains éditeurs à privilégier des activités plus rentables, ce qui perturbe le développement de ce champ éditorial. Bien qu’il existe des éditeurs spécialisés dans ce domaine, tels que Yomad et Marsam, leur nombre reste insuffisant face à la diversité et à la forte demande de ce type de livres. À ces difficultés s’ajoute le problème de la diffusion qui touche également la littérature générale.
Malgré ces obstacles, il ne faut pas négliger les avancées réalisées. La littérature de jeunesse au Maroc s’enrichit et se professionnalise progressivement. Elle parvient à s’inscrire dans l’esprit des Marocains et à se faire une place dans les institutions universitaires. Ce secteur de l’édition, qui se spécialise dans des ouvrages adaptés aux enfants et aux adolescents, continue de se structurer, tant sur le plan formel que sur celui du contenu.
Le livre La littérature de jeunesse – retours sur expériences de Hassan Id Brahim s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Il vise à réhabiliter ce genre en lui offrant une visibilité méritée et en contribuant à le sortir de l’anonymat et des préjugés qui l’entourent, tels que l’idée selon laquelle ce type de littérature serait une œuvre facile, un livre court, une œuvre illustrée ou simplement un texte drôle, etc. Cette littérature se révèle en réalité variée, riche et complexe. Elle ne se propose pas de contraindre l’enfant à devenir un futur adulte, ni lui apprendre à « être adulte », mais vise à l’accompagner dans la construction de sa propre culture, ce qui explique son caractère ouvert et ludique.
Par Abdelouahed Hajji
Université Moulay Ismaïl de Meknès
Par Abdelouahed Hajji
Université Moulay Ismaïl de Meknès