Piers Faccini, le maître de la complainte

Quand les gens me disent cette musique-là, elle est trop triste+, je leur réponds que les musiques mélancoliques me donnent une forme de bonheur


Samedi 25 Janvier 2020

Piers Faccini, le maître de la complainte
Qu'il la chante en anglais, en malinké, créole réunionnais, dialecte sicilien, en français ou en arabe, le chanteur folk Piers Faccini est passé maître dans l'art de la complainte qui, selon lui, n'est pas synonyme de tristesse, mais mène à l'apaisement.
"Quand les gens me disent +cette musique-là, elle est trop triste+, je leur réponds que les musiques mélancoliques me donnent une forme de bonheur, parce que je me dis que c'est la vie exprimée", affirme le chanteur anglo-italo-français.
Le choix de cette forme de chansons, le côté céleste qu'il leur donne avec des arrangements raffinés, l'atmosphère recueillie qui s'en dégage, lui ont rapidement valu d'être comparé à Leonard Cohen.
Mais autant la voix du barde canadien est caverneuse, autant celle de Piers Faccini est plutôt haute et aérienne.
Sur son nouveau EP 4 titres, "Hear my Voice", Piers Faccini se penche cette fois au chevet du blues, de la soul et du gospel, qu'il éclaire à la lueur d'arrangements soignés venus de sa culture anglo-saxonne.
Ce musicien revendique l'héritage des pères de la folk anglaise, Bert Jantsch, John Martyn ou John Renbourn, "à la fois très ancrés dans quelque chose de très ancien, fins connaisseurs des musiques du monde et de la musique américaine".
Il distillait ses nouvelles compositions en concert jeudi et vendredi à l'église Saint-Jean de Montmartre, à Paris. Il affectionne les églises pour l'acoustique qu'elles renvoient.
"La complainte, c'est l'expression de la condition existentielle de l'humain. On la retrouve dans plein d'endroits du monde. Il y a une complémentarité entre une complainte des Pouilles ou un blues en mode mineur du Mississipi", estime Piers Faccini.
Son esprit de curiosité, toujours aiguisé à presque 50 ans, il l'a acquis dès l'enfance. Grâce à son père, chercheur-pathologiste, qui étudiait au microscope le comportement de cellules malades et les montrait à son fils, fasciné.
"S'il n'était pas auteur de chansons et si je ne suis pas médecin, au final on passe notre temps à observer. Et de cette observation naît une intuition", explique Piers Faccini.
Cet artiste a tout d'abord mis ce sens de l'observation au service de la peinture et des arts plastiques. "Je ne me destinais pas à être musicien", confesse celui qui intègre en 1989, après le lycée, une école d'art à Chelsea, avant de suivre à Paris un amour de jeunesse.
Il y fera le bonheur des Beaux-Arts. Celui qui a traversé les années 70 et 80 entre la musique de chambre qu'écoutaient ses parents et celles de ses grands-frères - Bob Marley, Dylan, The Clash, Neil Youg... - y développera aussi ses talents de chanteur.
Grâce à l'écoute de vieux disques, à l'écriture de musiques pour la TV anglaise et aux rencontres dont celle, fondamentale, avec le violoncelliste Vincent Segal.
"Lorsque j'ai réalisé mon album solo, T-Bone Guarnerius, j'ai fait appel à Piers que l'on n'avait jamais véritablement entendu en France. Je voulais que le public découvre et aime cette voix", a déclaré Vincent Segal à propos de celui qui, plus qu'un complice musical, est devenu un ami.
 La bascule se fait lorsque Piers Faccini monte à la fin des années 90 le groupe Charlie Marlowe. De ce qui était jusqu'alors une passion, il va en faire un métier.
Il s'y est fait une belle place, en publiant depuis 2004 huit albums sous son nom, sans compter de nombreuses collaborations. Parmi les plus récentes : une participation sur le prochain album du joueur de kora malien Ballaké Sissoko.
D'un père trop tôt disparu, qui travaillait souvent dans la maison familiale, au coeur de la campagne anglaise ou française, Piers Faccini a aussi hérité l'amour de la nature.
Depuis une quinzaine d'années, cet homme a l'apparence tranquille d'un "gentleman farmer" a fait d'une maison des Cévennes, où il vit avec sa femme napolitaine et leurs deux fils, son laboratoire. Il continue d'y tendre l'oreille sur le monde et lui-même.


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