Nos oasis à la merci des flammes


Hassan Bentaleb
Mercredi 10 Août 2022

Tant de mesures annoncées pour sauvegarder un patrimoine humanitaire, mais restées lettre morte

Nos oasis à la merci des flammes
La menace des incendies continue à planer sur les oasis de la région Guelmim-Oued Noun. Ainsi et quelques semaines après les feux qui ont ravagé certaines zones, un incendie s'est déclaré lundi dans les palmiers d'Assa entraînant la destruction de plus de 100 palmiers une heure après son apparition, selon certaines sources médiatiques. D’autres sources non officielles ont avancé le chiffre de près de 5.000 palmiers détruits totalement ou partiellement. A noter qu’il s’agit de l'oasis de palmiers la plus dense de tout le désert marocain, avec plus de 20.000 palmiers fructueux. Les origines de l'incendie demeurent inconnues jusqu'à présent et sa propagation rapide s’explique par les vents d’Est connus dans la région et par les températures élevées. Certaines sources non officielles ont indiqué que les incendies ont éclaté d’une manière concomitante et à partir de différents endroits, ce qui soulève des doutes sur l’origine de ces feux qui ne seront dissipés que par les enquêtes qui auront lieu. Certains soutiennent que les capacités humaines et logistiques limitées des éléments de la Protection civile au niveau local ont contribué involontairement à l'expansion des incendies de manière effrayante. Ce qui pose des questions quant à l’opérationnalisation du contenu de l'accord de partenariat relatif à la lutte contre le danger d'incendies qui demeurent récurrents dans ces régions. En effet, il a été question d’aménager des couloirs et des voies au sein des oasis avec éclairage public par panneaux solaires pour faciliter les interventions, de la réalisation de lances d'extinction d'incendie et de la création de points d'eau équipés. Pour Jamal Akchbabe, président de l'Association des amis de l'environnement à Zagora (AAEZ), le phénomène des feux des oasis est un problème récent qui remonte à cinq ou six ans. Selon lui, ces feux sont le résultat direct de l’indifférence. Et qu’en est-il des facteurs climatiques tels que la sécheresse et la hausse des températures ? « Ce ne sont que des facteurs amplificateurs. La preuve, c’est que ces facteurs climatiques ont toujours existé dans la région, mais sans grand impact. La situation a changé ces dernières années à cause de l’abandon des oasis traditionnelles par les autorités locales et la population autochtone», nous a-t-il expliqué. Et de poursuivre : « En effet, la situation dans ces oasis est catastrophique (destruction des palmiers, épuisement des ressources hydrauliques, récoltes ruinées…). L’ensemble de ces éléments prépare le terrain pour le déclenchement des feux». Concernant les efforts déployés pour faire face à ce fléau, notre interlocuteur affirme sans détour que rien n’a été fait au niveau d’aménagement des voies d’accès pour la Protection civile, ni au niveau de création de points d’eau ou de nettoyage des oasis. Idem pour la sensibilisation et la communication sur ce fléau. « Plusieurs plans, mesures et programmes ont été annoncés, mais rien de concret n’a été effectué. Nous avons constaté une absence totale des institutions officielles et de grands efforts de lutte contre les incendies ont été menés par la société civile », nous a-t-il précisé. Et de se demander : « A quoi sert l’Agence nationale pour le développement des zones oasiennes et de l’arganier (ANDZOA) qui dispose d’importantes ressources financières et qui est chargée, entre autres, de l’élaboration et la réalisation de projets de développement local visant l’amélioration des conditions de vie des populations de ces zones et à les inciter à organiser leurs activités en vue de développer leur production et améliorer leurs revenus ?». Pour le président de l’AAEZ, ces oasis vivent leurs derniers jours alors qu’il s’agit d’un patrimoine humanitaire qui joue un rôle important dans la région. Des prévisions que partage Greenpeace qui a déjà tiré la sonnette d’alarme des années auparavant sur le risque de disparition de ces oasis à cause du réchauffement climatique, de la hausse des températures et de leur impact sur les ressources en eau et, par conséquent, sur les activités agricoles spécifiques à ces zones. Selon l’ONG, les périodes de sécheresse sont de plus en plus longues, avec des fréquences passant «d’une fois tous les cinq ans à une fois tous les deux ans». «Notre dépendance aux énergies fossiles comme source principale d’électricité a réchauffé la Terre, ce qui fait que ces oasis ont vécu des changements fondamentaux dans leur écosystème», indique l’antenne MENA de l’ONG. «Ce dont les oasis marocaines sont témoins est un exemple des effets du changement climatique dans le monde, de la disparition de civilisations et de peuples ainsi que de la déperdition de zones naturelles importantes pour l’équilibre environnemental», ajoute la même source. Pour sa part, le ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural, de l’Eau et des Forêts a révélé que les deux tiers environ des habitats de l’oasis marocaine ont disparu au cours du siècle dernier, et ce processus s’est accéléré lors des dernières décennies, avec des températures en augmentation sensible. «Le pire dans cette affaire, c’est qu’au-delà de la destruction d’un héritage et d’un patrimoine humain et civilisationnel, il y a le sort incertain de centaines de paysans qui vont certainement payer le prix fort de ces incendies. En effet, ces derniers auraient pour conséquence directe une hausse des taux de la pauvreté et de la misère chez les paysans, ce qui les forcerait inévitablement à l'exode vers les villes pour vendre leur force de travail et survivre dans des conditions précaires », a conclu Jamal Akchbabe.


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