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Libération : Vous avez décidé de vous présenter dans la circonscription de Maârif, une commune à fort ancrage socialiste avec une riche histoire ittihadie notamment avec l’expérience de Karchoui. Que diriez-vous de cette expérience?
Mohamed Mouhib : L’expérience d’Aïn Diab menée par l’équipe Karchaoui entre 1976 et 1983 a été édifiante et atypique. Elle a été lancée dans un contexte très particulier, à savoir la promulgation de la Charte communale en 1976 et le début de la mise en place de la gestion communale. Un contexte qualifié de conflictuel vu les réticences des pachas et des agents de l’autorité qui étaient contraints de transférer leur pouvoir aux élus. Ceci d’autant plus que pendant cette période, les communes étaient dépourvues d’un siège fixe, de fonctionnaires et de programmes. Malgré ces contraintes, l’USFP a pu mettre en place, grâce à ses cadres et son programme et dès la première session du conseil de la commune d’Aïn Diab, les premiers jalons d’une expérience hors du commun notamment au niveau de la défense des attributions des communes. En effet, cette commune a été une pionnière en ce qui concerne les services de proximité, l’action culturelle et sociale et elle a pu dépasser la vision étriquée de l’action communale qui limitait sa mission aux travaux de propriété, éclairage public, assainissement, etc à une vision plus vaste qui fait de l’homme son objectif principal. Dans ce sens, plusieurs projets et programmes à caractère culturel, éducatif et social ont été lancés. Mais, l’un des points positifs à mettre à l’actif de cette expérience, restera la lutte acharnée menée par l’équipe Karchoui pour défendre le stade «Casablancaise» contre les lobbies de l’immobilier ainsi que les terrains du quartier Arsat Ben M'Sik. Un combat qui a mobilisé l’ensemble des élus et parlementaires de l’USFP au niveau de tout Casablanca.
Et qu’en est-il de l’expérience du Maârif de 1983-1992 ?
L’expérience de Maârif de 1983 n’a été que le prolongement de celle d’Aïn Diab puisque notre référence était l’équipe Karchaoui. Mais nous avons voulu développer davantage cette expérience au niveau de l’action sociale, culturelle et des services administratifs. Ainsi, une fois qu’on a pris notre responsabilité autant que le bureau dirigeant de cette commune, on a procédé à réduire le temps nécessaire pour avoir un acte de naissance de 10 jours à quelques heures. De même pour la légalisation des signatures et l’enregistrement à l’état civil. Au niveau culturel, on a transformé l’Eglise située dans la rue Jura en un complexe culturel. Au sein de cet édifice, nous avons créé un théâtre, une bibliothèque et un Conservatoire de musique. La commune de Maârif a été également la première à s’ouvrir sur l’Université en établissant un partenariat avec l’Université de Ben M’Sick pour l’organisation du Festival international du théâtre.
Sur le plan social, notre équipe a pu mettre en place des crèches au niveau de quatre circonscriptions de Maârif ainsi que la construction d’un Complexe social polyvalent. A ces réalisations sociales et culturelles, il faut également souligner les efforts déployés au niveau de l’élargissement des boulevards et artères de la commune, de l’éclairage public, de l’assainissement et la plantation des arbres et la création des espaces verts, de l’hygiène et de la lutte contre l’analphabétisme …
Il faut savoir que cette expérience a réussi car l’équipe dirigeante disposait déjà d’un diagnostic de l’état de la commune et avait une vision globale des besoins et des attentes de la population, et ce dès la première session du conseil de la commune, ce qui nous a permis de mettre en place un plan dont 80% des objectifs ont été atteints. Nous avons réussi aussi à augmenter les recettes de la commune en passant de 1,5 milliard de centimes à 14 milliards, soit une plus-value de 12,5 milliards de centimes.
Malheureusement, cette belle expérience a dû être stoppée avec la mise en place du régime de l’unité de la ville qui a dépossédé la commune de ses attributions et de ses ressources financières. En fait, le budget de la commune de Maârif a été drastiquement réduit à 600 millions de centimes et ses attributions se sont limitées à celles des services de proximité. L’essentiel de ses prérogatives (sociales, culturelles et autres) a été transféré au niveau du Conseil de la ville. Et dans cette institution, l’USFP ne représente qu’une minorité au niveau de Casablanca comme ce fut le cas depuis 1976.
Pensez-vous que le régime de l’unité de la ville ait été un échec ?
Le régime de l’unité de la ville n’a pas échoué mais il a été plutôt dévié de son objectif principal. Il faut savoir que ce régime a été conçu pour pallier l’échec du régime des communes urbaines. Pourtant, il paraît dans la pratique que le régime de l’unité de la ville a préservé l’esprit de l’ancien. Pour l’USFP, il a été question dès le début de différencier l’élection du Conseil de la ville de celui des communes. A ce propos, on a proposé que les édiles du Conseil de la ville soient choisis directement par la population casablancaise et que les élus des communes soient élus par les populations des communes concernées, soit dans le cadre d’un scrutin individuel ou dans celui d’une liste. On estime qu’il devrait y avoir une démarcation entre les communes et le Conseil de la ville. Et cela afin d’éviter l’élection des édiles hantés par la défense des seuls intérêts de leurs communes au détriment de la ville.
Pour nous, il est clair que le Conseil de la ville ne doit pas exercer les attributions des communes et vice-versa. Le conseil doit se concentrer sur les projets structurants et céder les services de proximité aux communes qui doivent avoir des moyens humains et financiers adéquats pour mener à bien leur mission. Aujourd’hui, la commune urbaine de Casablanca concentre toutes les attributions. Pis, il y a une sorte d’interférence entre les projets. Si les communes ont besoin d’un élu de proximité, le Conseil a besoin de plus, à savoir des édiles dotés d’expérience et de compétence pour être aptes à gérer une ville comme Casablanca qui ambitionne de devenir une locomotive de développement du pays et une place financière internationale. De telles ambitions exigent la présence d’une vraie élite à la tête de la ville et un conseil fort et homogène plutôt que des alliances entre six ou sept partis politiques.
Donc, le déséquilibre de ce régime est-il dû au texte législatif ou à la faiblesse des compétences des élus ?
C’est sûr qu’il y a un déséquilibre juridique qu’on a tenté à plusieurs reprises de surmonter soit au niveau de la réforme de la Charte communale ou lors de la discussion au sujet du Code des élections. On avait une approche claire concernant la mise à jour des textes législatifs en cause. Cependant, cette approche n’a pas abouti et tout le processus de la réforme a subitement été arrêté.
Mais au-delà de ce vide juridique, la ville vit un autre problème plus important, à savoir celui du déficit au niveau des ressources humaines. On se demande comment un service extérieur d’un ministère dont le budget est moindre que celui de Casablanca peut disposer d’un directeur diplômé et compétent et non le Conseil de la ville. En fait, les cadres et les compétences de haut niveau fuient le Conseil de la ville faute de carrières et de salaires motivants. Et les effets de cette fuite des cadres se ressentent au niveau du suivi de l’exercice des sociétés de la gestion déléguée qui échappe à tout audit par manque d’élus compétents et de cadres versés dans le domaine financier et juridique.
Aujourd’hui, la ville vit un vrai décalage entre l’inflation du nombre de ses agents (17.000) et la médiocratie de leur productivité.
A ce problème de ressources humaines, il faut ajouter également celui des ressources financières. En fait, les recettes du Conseil de la ville ne sont pas à la hauteur des besoins de la métropole et dont le rythme de croissance est loin des attentes.
Face à cette situation, quel rôle peut jouer un élu ?
Il faut savoir aujourd’hui que la gestion de la ville de Casablanca est éparpillée entre un Conseil de la ville qui dispose de larges attributions, des communes aux prérogatives réduites et les services extérieurs des ministères. Et pour que la ville retrouve son élan, il faut qu’il y ait une gouvernance participative entre ces trois composantes de la ville qui ne doivent pas travailler isolément. Il faut une vision intégrée dans le cadre d’une gouvernance globale à même de fédérer l’ensemble des Casablancais autour du projet de développement de la métropole. Cette dernière souffre actuellement de la mauvaise gouvernance et des lenteurs dans la mise en œuvre des projets. Des handicaps qui coûtent en argent et en temps.
Pensez-vous que le chantier de la régionalisation insufflera un nouvel élan à la gestion de la ville ?
La réussite de ce chantier dépendra des résultats du scrutin du 4 septembre prochain. En d’autres termes, tout dépendra des élites qui seront issues des urnes. La région du Grand Casablanca a besoin d’une nouvelle élite, intégrée et compétente capable de diagnostiquer avec précision les maux de la région et ses besoins et apte à mettre en place un plan de développement conçu d’une manière scientifique et accompagné par des cadres compétents.
La régionalisation peut changer beaucoup de choses mais tout dépend du choix des citoyens casablancais et de la volonté de l’Etat. D’autant que les attributions propres à la région ne suffisent pas et que la réussite de ce chantier sera conditionnée par les attributions partagées avec les services ministériels. Cela exige évidemment une contractualisation et une gouvernance participative.
Mais peut-on parler de nouvelles élites intègres alors que l’utilisation de l’argent sale et la transhumance politique battent des records?
A vrai dire, ces deux phénomènes constituent une vraie menace non seulement pour le processus électoral mais aussi pour la démocratie et la stabilité du pays. L’utilisation de l’argent sale et la transhumance portent gravement atteinte à l’action politique et altèrent sa qualité. Aujourd’hui, on doit être vigilant et donc lutter contre ces risques. Mais, cette lutte demande l’implication de tous, en l’occurrence, les partis politiques, l’Etat, la société civile puisqu’il s’agit d’un combat ultime : soit on gagne l’enjeu démocratique soit on régresse!
Un mot sur votre candidature aux élections du 4 septembre prochain?
En réalité, j’avais déjà décidé en 2003 d’interrompre ma carrière politique au niveau de l’action communale. En fait, celle-ci est un travail volontaire de tous les jours mais épuisant. Toutefois, suite aux nombreuses demandes de mes camarades du parti, je suis revenu sur ma décision. Il y a aussi le fait que l’ouverture du chantier de la régionalisation et l’intérêt accordé par l’Etat à la ville de Casablanca m’ont encouragé à reprendre l’action politique pour un dernier mandat.