Dans la capitale allemande, l’athlétisme a continué ainsi à imprimer sa marque de sport universel lors d’une compétition qui, outre les exploits sidérants de l’homme le plus rapide de la planète, a permis de faire monter sur le podium des hommes et des femmes issus des cinq continents et des pays les plus divers.
Sport mondial par excellence, l’athlétisme se trouve pourtant au creux de la vague, même si l’avènement d’Usain Bolt depuis 2008 a été la divine surprise qu’attendait l’IAAF, la fédération internationale d’athlétisme, qui compte utiliser ce phénomène exceptionnel et médiatique à des fins promotionnelles pour tenter de redonner du lustre et un élan à un sport en difficulté. Car à part Bolt, où sont les stars d’aujourd’hui?
La tâche de l’IAAF s’annonce ardue en Europe, où les audiences télés restent molles et où la pratique de l’athlétisme décline sévèrement comme en Grande-Bretagne, qui avait un vrai goût pour l’athlétisme, mais surtout aux Etats-Unis où ces championnats du monde de Berlin ont été une sorte de non événement tant les medias d’outre-Atlantique ont quasiment fait l’impasse sur la semaine allemande. Battu au cœur de la saison de baseball, et à l’orée de celle de football, et le jour même où Tiger Woods subissait la pire défaite de sa carrière lors du PGA Championship, le record du monde d’Usain Bolt sur 100m a été rangé parmi les brèves sportives de la journée que ce soit à la télévision ou dans les journaux.
Si Bolt n’avait pas été Jamaïquain, mais Américain, le traitement réservé à ces 9s58 aurait probablement été meilleur, mais elles n’auraient pas fait la une des medias aux Etats-Unis, pays qui a moissonné les médailles depuis les premiers championnats du monde d’athlétisme en 1983 mais qui ne s’intéresse vraiment à ce sport qu’une fois tous les quatre ans, à l’occasion des Jeux Olympiques. Il est notable de relever que les Américains n’ont jamais organisé le moindre championnat du monde depuis 26 ans, preuve que les exploits de la piste ne les passionnent guère.
L’affaire BALCO et l’incarcération de Marion Jones, championne olympique déchue pour cause de dopage, ont fait des ravages aux Etats-Unis comme ailleurs. Comme, en son temps, le scandale Ben Johnson aux Jeux de Séoul de 1988 suivi de tant d’autres révélations nauséabondes qui ont touché des champions olympiques du 100m comme Linford Christie ou Justin Gatlin. Désormais, le public se montre réservé à chaque record ou performance qui paraît suspect -les 9s58 et les 19s19 de Bolt suscitent, avouons-le, autant de plaisir que d’incrédulité.
Mais au-delà du dopage et des archaïsmes procéduriers, l’athlétisme n’est tout simplement plus dans la course, si l’on peut dire, face à d’autres sports qui attirent plus la jeunesse, particulièrement dans les pays industrialisés. Le cas d’Usain Bolt, qui monnaye ses apparitions en meeting autour des 200 000 dollars (les prix risquent de monter après ses deux records du monde de Berlin), reste encore exceptionnel. L’athlétisme, activité saisonnière et aride qui nécessite beaucoup de sacrifices tout au long de l’année, est, en effet, largement à la traîne en termes de rémunérations derrière des sports comme le football (américain aux Etats-Unis), le tennis et le basket qui ont su évoluer avec leur temps pour susciter les vocations en dépoussiérant leur image et en empruntant notamment la voie de la «peopolisation» de ses vedettes….