Médias et société. L’étroite relation


Rachid Meftah
Vendredi 23 Décembre 2022

Médias et société. L’étroite relation
La Chambre des représentants a organisé au siège du Parlement à Rabat, mercredi, une rencontre d’étude autour du thème «La presse nationale et la société, défis et enjeux d’avenir».

Cette rencontre à laquelle ont pris part le président de la Chambre des représentants et les présidents des groupes et groupement de l’institution parlementaire s’inscrit dans le cadre du débat autour de l’avenir des médias eu égard aux mutations que connaît le secteur du fait de la percée numérique et de l’émergence de nouveaux modèles de communication.

Les intervenants y ont mis, dans leur ensemble, en avant que la presse nationale a connu un développement considérable ces dernières années et a largement contribué à la consolidation de l’édifice démocratique, tout en mettant l’accent sur la nécessité cruciale de procéder à une révision du modèle économique de l’entreprise de presse à travers l’investissement dans ce secteur.

Là-dessus, en évoquant les contraintes et difficultés dont souffre le secteur, ils ont souligné la nécessité de mettre en œuvre une nouvelle conception de la démarche d’action des médias, notamment à l’ombre des mutations marquant les activités du secteur avec l’apparition de la presse électronique et les moyens de communication modernes induisant la recherche opportune d’une nouvelle approche à même de favoriser la capacité d’adaptation à toutes ces mutations.

Par ailleurs, au cours de cette rencontre qui a été également marquée par la présence du ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication Mohamed El Mehdi Bensaïd, des représentants du secteur et de nombre d’acteurs du champ journalistique et académique, les participants ont évoqué les recommandations du dialogue national autour de la presse et la société qui fut organisé en 2010 ayant mis en exergue la nécessité de procéder à des réformes dans le domaine de l’entreprise journalistique et de son environnement économique, industriel et commercialisant.
Abderrahim Chahid : Le dialogue national autour de “Médias et société” , un aboutissement de l’initiative entreprise
Concernant le statut des journalistes, plusieurs intervenants ont estimé qu’il a grand besoin de véritables relecture et réadaptation au contexte actuel, appelant ainsi à considérer la presse, en tout état de cause, comme un service public à part entière et à proposer, à cet effet, des solutions opérationnelles à même de permettre de contourner les obstacles qui entravent l’action du secteur.

Les participants ont en outre soulevé la pertinence d’élargir le domaine et la base de la formation dans le domaine de la presse et de diligenter la formation continue, soulignant également l’importance de se focaliser sur la recherche scientifique médiatique et de soutenir tous ses établissements.

Ainsi le président du Conseil national de la presse, Younes Moujahid, a présenté un premier bilan des activités de cette institution depuis l’avènement de celle-ci.

Il a révélé, à cet égard, que ledit conseil s’est longtemps heurté à d’innombrables contraintes et défis ayant trait à la mise en pratique de ses compétences disposées dans la loi n°90-13 relative à la création du Conseil national de la presse dont notamment le retard de l’émission de son règlement intérieur qui inclut plusieurs dispositions se rapportant à la pratique de ses attributions, particulièrement concernant la déontologie de la profession du journalisme et la mission d’intermédiation et d’arbitrage.

En effet, a-t-il précisé, l’installation du Conseil national de la presse  a eu lieu le 5 octobre 2018 alors que n’a été émis le règlement intérieur que beaucoup plus tard, le 25 mai 2019, en l’occurrence après plus d’une année et sept mois et ce retard, de fait, a occasionné le non acquittement par le Conseil des missions que dispose son statut.

A ce propos, Younes Moujahid a développé moult détails juridiques et réglementaires dont, à titre d’exemple, le traitement des plaintes, dans le cadre de l’observation de la déontologie, mettant en cause certaines pratiques de quelques journalistes et établissements d’édition de journaux (…).

Il a, dans le même ordre d’idées, indiqué que le Conseil a enregistré un manque de clarté quant aux conditions d’attribution de la carte de presse professionnelle, particulièrement le diplôme dont dispose le demandeur de ladite carte pour la première fois, outre l’absence d’engagement de plusieurs entreprises journalistiques à déclarer ses journalistes salariés auprès de la CNSS d’une manière régulière de même que la non observation du SMIG dans le domaine de la presse conformément aux dispositions de la convention collective.
Abdellah El Bakkali : Parmi les 100 recommandations, l’actualisation des textes législatifs pour les adapter aux référentiels universels des droits de l’Homme qui priorisent le domaine de la presse, entre autres
Le président du Conseil national de la presse a relevé, ensuite, qu’en dépit de toutes ces contraintes, l’Institution médiatique a veillé à réguler minutieusement l’accès à la profession via l’adoption ferme du respect des critères juridiques y afférents et la mise en pratique du SMIG mais aussi la coordination avec la direction de la CNSS pour s’assurer de la fiabilité de la situation juridique du demandeur de la carte de presse..

Et d’ajouter que le législateur a conféré au conseil  la compétence d’instruire les affaires disciplinaires qui   se rapportent aux établissements journalistiques et aux journalistes professionnels qui ne s’acquittent pas de leurs obligations professionnelles ou n’observent pas la charte de la déontologie ni les dispositions du règlement intérieur du Conseil. Toutefois, a-t-il relevé, de nombreuses problématiques se sont révélées quant au procédé de la notification ou de la convocation de la partie concernée aux séances d’audition devant la commission compétente,  entre autres (…)

Néanmoins, a noté Younes Moujahid, la commission de la déontologie et des questions disciplinaires a émis 47 décisions quant, aux plaintes qui lui sont parvenues au courant des années 2020 et 2021 de même qu’elle a acté, à fin novembre 2022 quelque 29 décisions. (…)
Le président de l’Institution journalistique nationale a conclu son exposition en mettant en avant que notre pays dispose désormais d’une instance d’autorégulation qui est parvenue à traverser l’expérience de la fondation en dépit de toutes les contraintes…

D’autre part, le président du Groupe socialiste à la Chambre des représentants, Abderrahim Chahid, a souligné, lors de cette rencontre d’étude focalisée autour du « dialogue national de la presse et la société » que cela n’est que l’aboutissement de l’initiative entreprise par un certain nombre de groupes parlementaires dont l’objectif essentiel était de « mûrir le débat quant aux rôles des médias dans la société marocaine », de même, indique-t-il, que ce dialogue intervient à l’occasion du deuxième anniversaire de l’organisation dudit dialogue et au bout de 29 années après la tenue du premier et dernier colloque national de la presse et de la communication…
Younes Moujahid : D’innombrables contraintes et défis ayant trait à la mise en pratique des compétences disposées dans la loi 90-13
Le député ittihadi a noté, là-dessus, que le dialogue a requis la participation de toutes les composantes de la société marocaine aux côtés des acteurs politiques et parlementaires et de l’ensemble des intervenants concernés, et ce à travers une série de conférences (21) de journées d’étude (15), d’études (7) et de mémorandums présentés par des secteurs gouvernementaux, des partis politiques et des instances sociétales. Ce dialogue, a-t-il enchaîné, a débouché sur l’élaboration d’une vision collective contenue dans « le livre blanc» en tant que rapport global sur la réalité de la pratique journalistique au Maroc et sur les initiatives dédiées à sa réforme.

Le président du Groupe socialiste a également soulevé que les intrants de réforme de la presse  nationale se résument au respect des droits économiques et sociaux de celles et ceux qui opèrent dans les métiers de presse et de communication et à la garantie de leur protection quant à l’accomplissement de leurs missions mais aussi à l’habilitation du secteur des médias et à la consécration de sa portée professionnelle, tant les médias publics que ceux privés de manière à leur permettre de rivaliser avec la presse étrangère qui enregistre un suivi hélas beaucoup plus important (…)

Abderrahim Chahid a indiqué, par ailleurs, que l’Union socialiste des forces populaires note avec insistance la persistance d’une vision conservatrice de la presse dans notre pays qui n’est pas cohérente avec les mutations des valeurs que connaît la société particulièrement dans les milieux des jeunes et des femmes.

Le parti, précise-t-il, relève également l’absence de toute politique publique efficiente en matière de traitement des questions d’actualité liées au système médiatique public, incapable de ce fait de s’introduire dans la concurrence vis-à-vis de la presse étrangère et de susciter l’intérêt du public local.

Et le président du Groupe socialiste à la Chambre des représentants de conclure par la présentation de la proposition du parti des forces populaires, relative à l’élaboration d’une vision globale disposant une nouvelle génération de réformes profondes à même d’habiliter le paysage médiatique par le biais de la consécration des règles juridiques et déontologiques, le renforcement du rôle de la presse et la consolidation de l’édifice démocratique et du développement sociétal, en tenant compte bien entendu de la situation matérielle et sociale des journalistes et de l’ensemble des travailleurs du secteur…

Pour sa part,  le président du Syndicat national de la presse marocaine, Abdallah Al Bakkali, a souligné que l’écoulement de dix années après l’organisation du dialogue national autour des médias et de la société est largement suffisant pour que l’on prétende à l’interpellation des réalisations qui «pour nous ne sont pas à la hauteur de l’esprit et de la teneur des recommandations issues du dialogue ».

Abdallah El Bakkali a précisé, à ce propos, que parmi ces recommandations dont le nombre a dépassé les 100, figure l’actualisation des textes législatifs pour les adapter aux référentiels universels des droits de l’Homme qui priorisent le domaine de la presse, la liberté d’opinion et d’expression et le droit du citoyen à l’information…

Le responsable syndicaliste a mis l’accent en outre sur la nécessité d’actualiser les lois régissant la profession dont notamment, le Code de la presse et de l’édition, le statut du journaliste professionnel, en prenant en considération les suggestions du Syndicat national de la presse marocaine…

Le président du Syndicat national de la presse marocaine n’a pas manqué d’aborder les conditions matérielles, professionnelles et sociales des journalistes, mettant en avant que l’on devrait commencer par améliorer les textes juridiques relatifs à la protection sociale en disposant clairement que cela englobe l’ensemble des travailleurs du secteur, tout en soulignant la pertinence d’assujettir le soutien financier public à l’application de la convention collective «dont le syndicat a présenté au gouvernement et aux corporations professionnelles des éditions un projet totalement intègre» (…)
Driss Chahtane: Nous escomptons de cette rencontre qu’elle nous trace la voie en y apposant sa marque au fil des crises qui affectent les différents volets de la vie économique et sociale, dont les médias marocains
Quant à Driss Chahtane, président de l’Association nationale de la presse et des éditeurs, il a loué l’initiative de l’organisation de cette importante rencontre d’étude qui intervient, selon lui, dans le contexte global de l’évaluation et de la révision de la situation des médias et des conditions des journalistes à l’occasion de l’écoulement de 10 années depuis la présentation des conclusions et recommandations du dialogue national «Medias et société » qui a constitué une étape historique de la trajectoire de la presse marocaine et la mise sur les rails de l’avènement d’une réelle industrie nationale de la presse.

«Nous escomptons, dans l’Association nationale de la presse et des éditeurs, de cette rencontre, organisée par l’honorable Chambre des représentants, qu’elle nous trace la voie en apposant sa marque au fil des crises qui affectent les différents volets de la vie économique et sociale, dont la presse marocaine» a-t-il proclamé, en prenant soin de rendre hommage au rôle joué par l’Etat quant à secourir le journalisme, notamment durant la déplorable période des restrictions sanitaires de même qu’il a loué le nouveau projet pour le progrès de ce secteur à travers des plans et programmes d’investissement transcendant le style traditionnel du soutien…

Les recommandations, a souligné le président de l’Association nationale de la presse et des éditeurs, du dialogue national «Médias et société» organisé en 2010 ont mis en relief des conclusions se rapportant à de multiples réformes dans le domaine de l’entreprise journalistique  et son environnement économique, industriel et commercialisant aux niveaux national et régional mais aussi concernant l’accès à la profession et au secteur de la formation et d’autres axes ayant trait à la liberté du journalisme et de l’édition outre les nouvelles technologies…

Par ailleurs, a-t-il ajouté, ces recommandations ont adopté le projet du Conseil national de la presse dont la qualité de membre est proposée par les instances professionnelles les plus représentatives.

Toutefois, déplore Driss Chahtane, toutes ces conclusions, par ailleurs fortement pertinentes, ne  sont pas suffisamment parvenues à concrétiser les aspirations ambitieuses dudit grand forum national (…)

Rachid Meftah


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