Lutte contre la corruption : Rachid Filali Meknasi : “Le Maroc passe de la stagnation au recul”


Propos recueillis par Montassir SAKHI
Mercredi 25 Novembre 2009

Lutte contre la corruption : Rachid Filali Meknasi : “Le Maroc passe de la stagnation au recul”
Rachid Filali Meknassi, ou Monsieur
anti-corruption comme «Jeune Afrique»
l’a surnommé, est l’une des figures de proue de la société civile
marocaine. Il s’est engagé depuis les années soixante à défendre les droits humains en participant à la fondation
de plusieurs ONG, dont l’Association marocaine des droits de l’Homme fin 1970.
Dans cette
interview, le secrétaire général de Transparency Maroc, commente  la situation du pays à la lumière de la publication du Rapport 2009 sur la corruption dans le monde.

Libé : Cette année, le Maroc confirme sa régression en matière de lutte contre la corruption en occupant la 89ème place sur le tableau mondial de l’indice de perception de la corruption. Que pourriez-vous nous dire à propos de ce recul ?

Rachid Filali Meknassi : C’est un recul minime de 0,2 point. Mais il est important en termes relatifs lorsque notre note est de 3,3 seulement. Il nous fait reculer aussi de 9 places. Une baisse similaire l’année prochaine nous ferait perdre probablement une vingtaine de places, compte tenu du nombre important des pays qui sont classés dans la fourchette de 3 à  3,5. Le plus grave est que cette appréciation qui est le fait de six agences d’évaluation,  confirme que le Maroc passe de  phases de  stagnation à celles de recul et s’enfonce ainsi sur le long terme parmi les pays où la corruption est endémique.

 Selon vous quelles sont les causes principales de ce phénomène qui ne cesse de se propager dans la société ?

L’absence de transparence et  l’impunité qui conforte la non-reddition des comptes par les détenteurs du pouvoir ajoutés à la neutralisation du pouvoir judiciaire, contribuent à entretenir des attitudes communautaristes et clientélistes, ce qui  banalise la négociation de l’exercice effectif du droit par le citoyen  et la généralisation de l’attribution marchande des passe-droits. L’économie de rente, les monopoles de fait,  l’abus des biens sociaux et publics en sont les manifestations patentes. Sans un changement profond des comportements individuels et collectifs sous l’impulsion d’une politique publique qui impose à tous les détenteurs du pouvoir de rendre compte de l’usage qu’ils en font, les remises en cause nécessaires à la construction d’un système national d’intégrité tarderont à voir le jour.

Quels sont les secteurs les plus touchés par la corruption ?

D’après les multiples évaluations, enquêtes et sondages effectués, les services de sécurité, la justice, les services publics courants ainsi que  la promotion foncière et immobilière sont les plus affectés. Mais ce sont aussi les domaines dans  lesquels les citoyens sont le plus en contact avec les administrations publiques. Des enquêtes fines démontrent que les professionnels font des constats similaires dans leurs sphères d’action spécifiques : marchés publics, sports, mass-média. Les dernières élections ont démontré que l’exercice d’un mandat public est recherché pour l’immunité qu’’il confère et les opportunités de gain qu’il procure. Le marché des élections ne peut pas prospérer autant sans une forte implication des institutions politiques.

Comment remédier à ce phénomène ? Y a-t-il une politique efficace de l’Etat visant à faire face à ce phénomène ?

 Tant à l’échelle internationale que du pays, les éléments du diagnostic et les voies de solution sont connus. Mais la lutte contre la corruption s’inscrit sur la voie de la transparence, de la  concurrence, du mérite, de la conformité au droit et d’exposition à la sanction. Elle rencontre forcément la résistance de tous ceux qui craignent  la remise en cause de privilèges et de  positions indûment acquises  ou qui redoutent d’avoir à rendre des comptes. Mais surtout, une corruption endémique signifie qu’elle imprègne les mœurs, les pratiques professionnelles et la plupart des comportements au sein de la société. Il est alors extrêmement difficile de contrecarrer ses causes et ses manifestations à la fois aux plans socioculturel, économique et politique. Mais ce travail est  impératif et tout retard dans son engagement entrave davantage ses chances de succès. 



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