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"Il s’est réveillé tout seul pour le 'sehour', les yeux à demi-clos mais tout excité de pouvoir enfin partager avec nous ce repas des adultes qui précède une journée d’abstinence", raconte Abelwahed, son père, non sans fierté.
Grasse matinée, prière, un temps de lecture et de jeu, et il ne reste plus que quelques heures devant le pré-adolescent pour franchir le Rubicon.
Avec l’appel à la prière annonçant la rupture du jeûne, Reda est un jeune homme comblé: il a droit à un festin fait de "ch’hiouate" et de friandises spécialement concoctés pour régaler ses papilles après une longue journée d’abstinence, et il a décroché haut la main son billet pour rejoindre le cercle sélectif des jeûneurs attitrés, comme en attestent les regards bienveillants de ses parents, de sa soeur et de son frère aîné, tous aux petits soins.
Fêter le premier jeûne des enfants (de préférence Laylat Al Qadr) est, en effet, une tradition bien ancrée chez les Marocains, qui reflète toute leur vénération pour le quatrième pilier de l’Islam et leur souci d’y initier leur progéniture avant la puberté, âge à partir duquel le jeûne devient obligatoire.
Selon Lahcen Sguenfle, président du Conseil local des oulémas de la préfecture de Skhirate-Témara, "les parents ont la responsabilité religieuse et morale d’inculquer à leurs enfants, dès leur jeûne âge, les rites de l’Islam tels que l’ablution, la prière et le jeûne, pour qu’ils puissent les pratiquer régulièrement une fois devenus adultes".
Pour y parvenir, les discours et les prêches ne suffisent pas. M. Sguenfle insiste, dans une déclaration à la MAP, sur l’importance de donner l’exemple. "Beaucoup d’enfants qui regardent leurs parents pratiquer quotidiennement ces rituels, fondement du culte musulman, sont enclins à les imiter et à s’y exercer à leur tour", explique-t-il.
Une analyse partagée par la pédopsychiatre Houda Hjiej qui souligne, dans un entretien accordé à la MAP, que "les rituels accompagnant les premiers jeûnes des enfants symbolisent pour ces derniers que l’acte de jeûner les fait accéder à un statut de "balighe" (pubère) ou "rashid”, c’est-à-dire celui qui a fini son développement et donc qui s’approche du statut d’adulte, très convoité en général par les enfants".
Curiosité, désir de faire comme les grands ou compétition avec les camarades de classe: pour diverses raisons, beaucoup d’enfants se portent volontaires pour faire le Ramadan. Mais certains, même pubères, sont freinés dans leurs ardeurs par leurs parents.
C’est le cas de Najat, maman d’une adolescente de 13 ans à laquelle elle a interdit cette année de faire le Ramadan en arguant des effets potentiels du jeûne sur sa petite santé.
"Rachitique et ayant un petit appétit, elle me donne du fil à retordre en dehors du Ramadan et ne finit jamais son assiette. Qu’en sera-t-il alors si elle ne s’alimente pas pendant une journée entière, avec toutes les carences qu’elle a et, de surcroît, un tas de devoirs à faire et d’examens à passer?", s’inquiète la jeune maman approchée par la MAP.
Pour Lahcen Sguenfle, la consigne religieuse est claire à cet égard. "Les parents ne peuvent interdire à leurs enfants pubères de faire le Ramadan sous prétexte qu’ils sont épuisés par l’école". Par contre, précise-t-il, "si l’enfant pubère est atteint d’une maladie et que le jeûne risque d’aggraver cette maladie ou de retarder la guérison, alors dans ce cas l’enfant ne doit pas jeûner, mais il est tenu de rattraper les jours qu’il a manqués après son rétablissement".
D’un point de vue nutritionnel, Asmae Zriouel, diététicienne clinique, considère, dans une déclaration à la MAP, que l’enfant est physiologiquement apte à faire le Ramadan s’il a une taille et un poids normaux et s’il ne souffre pas de maladies ou de carences, surtout en fer. La praticienne attire l’attention des parents sur l’impératif de surveiller leurs petits pour vérifier s’ils sont capables de tenir le coup, et les inciter à interrompre le jeûne s’ils présentent des symptômes de malaise, tout en évitant les activités parascolaires qui impliquent d’intenses efforts physiques.
Pour bien gérer une longue journée d’abstinence et d’études et en minimiser les dégâts, Dr Hjiej conseille aux parents de "veiller à ce que les enfants et surtout les adolescents respectent les règles d’hygiène de vie de façon encore plus stricte pendant le Ramadan, notamment en ce qui concerne le sommeil et la répartition équilibrée des repas ainsi que leur contenu".
Sur ce chapitre, Dr Zriouel souligne que l’assiette du petit jeûneur doit contenir des plats riches en légumes en plus de fruits frais, céréales complètes, poissons et volaille, lait et produits laitiers (sauf les fromages salés). En revanche, ajoute-t-elle, les jus et tout ce qui est trop sucré, trop salé ou riche en caféine (thé, café, boissons énergisantes…) sont à bannir, surtout au moment du "sehour".
Comme pour toutes les responsabilités, religieuses ou autres, qui marquent le passage du statut d’enfant à celui d’adulte, la gradualité et la motivation sont deux règles d’or à observer pour mettre le pied du petit jeûneur à l’étrier et faire du Ramadan un synonyme non pas de privation et d’anxiété, mais d’épanouissement et de maturité spirituelle et psychologique.
Par Meriem Rkiouak (MAP)