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La restriction des libertés syndicales
Le droit d’adhérer au syndicat de son choix, celui de négocier collectivement et de pouvoir faire grève sont des droits fondamentaux obtenus grâce à de grands sacrifices. Le patronat, avec la complicité des pouvoirs politiques, dans certains cas, a cherché depuis toujours à affaiblir les syndicats, au moment où ceux-ci doivent affronter de nouveaux défis inhérents aux conséquences de la mondialisation, notamment en termes de précarisation du travail.
Les forces de gauche ont depuis toujours défendu le droit d’adhérer à un syndicat, d’observer une grève, car les deux restent indispensables pour l’émancipation des travailleurs.
Au Maroc, le nouveau projet de loi de la grève qui avait suscité de grandes attentes semble décevoir une large partie des acteurs de la vie ouvrière et syndicale. L’un des principaux reproches à l’égard de ce projet de loi concerne la restriction des libertés syndicales. En imposant une période de préavis longue et en sanctionnant sévèrement les grèves spontanées, le projet limite la capacité des syndicats à réagir rapidement aux crises professionnelles. De plus, la possibilité de dissoudre un syndicat en cas de non-respect des nouvelles dispositions soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’autonomie des organisations syndicales. Les syndicats considèrent ces mesures comme une tentative d’affaiblir leur rôle crucial dans la défense des droits des travailleurs, risquant ainsi de fragiliser le mouvement syndical au Maroc et de rendre plus difficile l'exercice d'un droit constitutionnel fondamental.
Des irrégularités formelles et procédurales dans l’adoption du projet
Le processus législatif entourant le projet de loi sur la grève présente plusieurs irrégularités qui remettent en question son intégrité. Le texte a été soumis à un vote à la fin de la session parlementaire, sans consultation réelle avec les syndicats, les employeurs, ni les autres parties prenantes importantes telles que le Conseil économique, social et environnemental. Cette absence de dialogue et de concertation, couplée à des modifications apportées à la dernière minute, a conduit à une perception de manque de transparence et de légitimité du projet. Une telle situation accroît les tensions sociales et suscite des critiques sur le manque de volonté politique d’impliquer les acteurs concernés dans la conception d’une législation d’importance nationale.
La divergence de positions entre le gouvernement et l'opposition
La question du droit de grève suscite une vive divergence entre le gouvernement et les partis de l’opposition. Alors que le gouvernement défend la nécessité de restreindre l'organisation des grèves afin de garantir la continuité des services publics essentiels tels que la santé, l’éducation et les transports, l’opposition, en particulier le groupe socialiste, rejette catégoriquement le projet de loi, considérant certaines de ses dispositions comme une restriction excessive et injustifiée du droit de grève, qui demeure un droit constitutionnel. Ce clivage entre la majorité et l’opposition met en lumière le manque de consensus social sur un sujet aussi sensible. Il apparaît donc crucial qu'un compromis soit trouvé entre les deux camps pour éviter des divisions profondes et aboutir à une législation équilibrée.
Les répercussions sociales et économiques : Un risque pour la stabilité
L'adoption de cette loi dans sa version actuelle pourrait entraîner des répercussions négatives tant sur le plan social qu'économique. En limitant l’exercice du droit de grève, le gouvernement pourrait, sans le vouloir, engendrer une intensification des grèves spontanées et des protestations non organisées. Cela nuirait à la productivité des secteurs clés de l’économie et pourrait avoir un impact dévastateur sur l’attractivité du Maroc pour les investissements étrangers. De plus, un renforcement des divisions entre le secteur public et le secteur privé risquerait de fragiliser la cohésion sociale, perturbant ainsi les prestations des services publics essentiels et affectant directement la vie quotidienne des citoyens.
Des expériences internationales à étudier : Les cas de la France, de l’Allemagne et de la Suède
Le Maroc pourrait s’inspirer des modèles de régulation du droit de grève appliqués dans d’autres pays pour éviter de tomber dans des dérives qui nuiraient à la classe ouvrière, voire à l’image de notre pays. A titre d’exemple, la France a réussi à établir un équilibre entre la protection du droit de grève et la garantie de la continuité des services publics grâce à un encadrement strict mais équilibré. L’Allemagne, quant à elle, intègre une participation directe des syndicats dans la formulation des législations sociales, ce qui permet de mieux concilier les droits des travailleurs et l’intérêt général. En Suède, le dialogue social est au cœur de la gestion des relations de travail, permettant d’éviter les crises sociales et de maintenir une stabilité économique. Ces exemples montrent qu’un cadre flexible, favorisant le dialogue et la concertation, peut être la clé pour éviter les dérives et parvenir à un équilibre social durable.
L'appel à une vision participative et consensuelle
Face à l'absence de consensus social et à la polarisation du débat, il est crucial d’adopter une approche participative pour la rédaction de cette loi. Une législation équilibrée doit impérativement prendre en compte les préoccupations des syndicats, des employeurs et de la société civile, tout en respectant les principes constitutionnels. Ce processus devrait inclure une véritable consultation avec toutes les parties prenantes, afin d’élaborer un projet de loi qui soit à la fois juste et en harmonie avec les exigences sociales et économiques du Maroc.
L'incomplétude du cadre législatif syndical : Un obstacle supplémentaire
Un autre problème majeur réside dans l'absence d’une loi régissant spécifiquement le travail syndical au Maroc. Sans un cadre juridique clair et précis sur le rôle des syndicats, la loi sur la grève apparaît incomplète et insuffisante pour garantir un véritable équilibre entre les droits des travailleurs et les nécessités de l’économie. Une telle loi est indispensable pour renforcer l'indépendance des syndicats et leur capacité à défendre efficacement les droits des travailleurs.
Un besoin impératif de consensus
Le projet de loi sur la grève représente un véritable défi pour la stabilité sociale et économique du Maroc. Bien que la réglementation du droit de grève soit nécessaire, la version actuelle du projet comporte des limitations qui risquent d’aggraver les tensions sociales et d’impacter négativement l’économie nationale. Il est donc crucial d’adopter une approche inclusive et consensuelle, en impliquant toutes les parties prenantes dans la conception de la législation. Ce n’est qu’à travers un dialogue véritablement participatif que le Maroc pourra adopter une loi sur la grève juste, équilibrée et respectueuse des droits des travailleurs tout en assurant la continuité des services publics. Seule une telle approche permettra d'éviter que cette loi ne rencontre le même sort que d’autres réformes qui ont échoué en raison d’un manque de consensus (Etat social, Caisse de compensation, Caisses de retraite…)
Par Mohamed Assouali
Membre de la Commission nationale d’arbitrage et d’éthique de l’USFP.