-
Les Mexicains encouragés à déposer leurs armes dans des églises
-
En Ile-de-France, des biodéchets de restaurants transformés en compost pour les agriculteurs
-
Dans les rues d'Addis Abeba, les Lada disparaissent peu à peu
-
Le gouvernement espagnol veut interdire les boissons sucrées dans les cantines
-
La Lune prend un petit coup de vieux
Ils n'avaient pas le moins du monde retiré leur plainte. Ils l'avaient tout simplement réorientée : « Nous n'étions plus intéressés car nous avions découvert entre-temps que nous avions plus de chances de récupérer l'argent par le biais d'un procès au civil. »
Deux mois plus tard, Urs Linsi fit une nouvelle tentative à l'encontre de son adjoint Jérôme Champagne : il envoya à Blatter un mémo dressant une nouvelle liste d' »incidents » qui, selon lui, « ne me laissent d'autre option que de soumettre une requête pour le renvoi de Jérôme Champagne du poste de secrétaire général adjoint et pour l'annonce de la fin de son contrat de travail ».
Pourquoi donc ? Parce que Jérôme Champagne se conduisait vraiment trop mal. D'après Linsi, des responsables haut placés des confédérations européenne et africaine étaient furieux qu'il se mêle de leurs affaires. Un responsable de l'UEFA le traitait d'«espion ». Un autre avait dit qu'il refusait que le Français assiste à leur congrès, à Tallin.
Pour en revenir à Sonnenberg, « le comportement et l'attitude envers certains membres de la direction de la FIFA commencent à poser de sérieux problèmes », poursuivait le secrétaire général.
Six responsables de département de la FIFA désiraient que l'on prenne des mesures à l'égard de Champagne. « Ne pas tenir compte de leurs souhaits risquerait d'entraîner une scission au sein de l'équipe de direction de la FIFA ». Linsi décochait quelques traits supplémentaires dans le dos de Jérôme Champagne avant de coiffer son haut-de-forme de croque-mort. « Les sérieux écarts de J. Champagne, son manque de professionnalisme, sa déloyauté et son incapacité au cours de la dernière période ne me laissent d'autre choix que de prendre des décisions appropriées et qui auraient dû l'être depuis longtemps.
« Cher président, je recommande, sur la base des faits dont nous disposons, que nous nous dispensions des services de Champagne. Pour le bien de la FIFA, je vous demande de soutenir ma requête. Avec mes meilleurs sentiments, Urs Linsi, secrétaire général de la FIFA ».
Lausanne, 11 juillet 2005
Le président Féraud, président la cour fédérale, assisté des juges Nay, Aeschlimann, Fonjallaz et Eusebio, proclama son verdict. Long de 4980 mots, il donnait suite à la requête du professeur Peter Nobel selon laquelle il n'avait pas obligation de remettre au juge d'instruction Thomas Hildbrand les noms des responsables du football ayant reçu des pots-de-vin. Pour le moment du moins, ces noms pouvaient demeurer secrets. Selon Thomas Bauer, liquidateur d'ISL, aucune personne de nationalité suisse n'était impliquée. Ces contribuables de carton de Zoug paieraient les 3000 francs suisses représentant les frais de justice.
Marrakech, 12 septembre 2005
Le 55e congrès de la FIFA soutint la proposition de Blatter de mettre sur pied une commission spéciale, intitulée «Pour le bien du jeu», chargée de régler les problèmes de matchs truqués, de dopage, de racisme et autres «menaces» qui, à l'en croire, pesaient sur le football dans le monde. Le président se lamenta sur le fait que « certaines parties du monde du football d'aujourd'hui ne sont malheureusement pas aussi merveilleuses qu'elles devraient l'être ».
Au milieu de son discours, Blatter s'arrêta de parler et se contenta de fixer l'assistance d'un air béat. Retentit alors depuis les haut-parleurs la voix mélodieuse de Louis Armstrong chantant « What a wonderful world ». Là-haut dans les loges, Jean-Marie Weber, invité de la FIFA, écoutait avec ravissement, en attendant son procès. Accusé d'avoir détourné plus de 100 millions de francs suisses destinés à la FIFA, il risquait de devoir considérer comme un souvenir du passé le ciel bleu et les roses rouges promis par la chanson …
De retour à Sonnenberg, Blatter retrouva un Linsi toujours écumant contre Jérôme Champagne. Il muta Champagne dans son propre bureau présidentiel, où il serait hors d'atteinte de Linsi, lui décerna le titre ronflant de « délégué du président» et lui attribua la responsabilité de la commission anti-corruption « Pour le bien du jeu».
La tentative de Linsi de casser les reins de son rival Champagne se soldait par un échec complet.
Vers la fin de l'année, le docteur Thomas Bauer démissionna de son poste de liquidateur d'ISL et fut remplacé par Karl Wäthrich, l'extraordinaire liquidateur de Swissair, désormais rebaptisée «Swiss». C'est alors que le presque impensable se produisit. Le matin du 3 novembre 2005, vers 10h30, Thomas Hildbrand arriva sans prévenir à la porte du QG de la FIFA, avec une équipe d'enquêteurs et une commission rogatoire l'autorisant à perquisitionner les bureaux de Blatter et de Linsi. Selon des sources du bureau d'Hildbrand à Zoug, il avait obtenu l'autorisation de lancer une nouvelle enquête sur la base d'informations obtenues durant les investigations sur ISL.
Blatter en informa Johansson et d'autres membres du comité exécutif, mais le public n'en sut rien. Il fallut attendre trois semaines pour que la nouvelle du raid soit révélée par le journaliste suisse Jean-François Tanda dans le Sonntags Zeitung. Il rapporta que le motif inscrit sur le mandat de perquisition était ungetreue Geschäftsbesorgung - déloyauté envers un employeur. Andreas Herren, porte-parole de la FIFA, déclara : « Aucun membre de la FIFA ou de l'organisation n'a été accusé de quoi que ce soit. Nous pensons que Hildbrand a fait montre d'une réaction excessive. Des documents ont été saisis et, dans une certaine mesure, ont été retournés depuis ». Hildbrand ne fit pas de commentaires.
Au moment où ce livre est mis sous presse, les responsables d'ISL accusés d'avoir escroqué l'argent de la FIFA attendent de connaître le sort que leur réserve la cour du canton de Zoug. Hildbrand n'a pas jugé bon de révéler les preuves dont il dispose, mais le jugement de la cour fédérale nous donne un indice. A la clause 3.5 figure la mention selon laquelle l'un des responsables d'ISL mis en accusation a avoué à Hildbrand que l'argent a été versé à des individus qui sont « Entscheidungstrager des Weltsports », des décideurs dans le monde du sport !
La FIFA se fait construire un nouveau quartier général à Zurich. Pas de cadavres dans les nouveaux placards, pas de dossiers secrets compromettants sous les lattes des nouveaux parquets. Mais les récépissés bancaires qui reposent dans les sous-sols de Zurich et de Zoug ne peuvent pas être pilonnés.
Tic-tac, tic-tac … Le compte à rebours continue.